Un arrêt sur cette question de la prescription de l'action en responsabilité pour investissement immobilier locatif.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2023) et les productions, les 20 septembre et 11 décembre 2006, 3 et 16 janvier 2007 et 19 janvier 2010, M. [B], démarché par la société IFB France, société de conseil en gestion de patrimoine, a acquis six biens immobiliers ouvrant droit à des réductions d'impôts, destinés à la location et a financé ces acquisitions à l'aide des prêts.
2. Le 2 janvier 2018, invoquant une baisse de rentabilité locative de ces biens ne lui permettant pas de régler les mensualités des prêts à l'issue de la période de défiscalisation, ainsi qu'une surévaluation de la valeur de ces biens, M. [B] a assigné la société IFB France en responsabilité pour manoeuvres dolosives et pratiques commerciales déloyales, ainsi que pour des manquements aux obligations d'information, de conseil et de mise en garde et en indemnisation de ses préjudices.
3. La société IFB France a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [B] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en toutes ses demandes, alors « que le délai de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance ; que s'agissant d'un investissement immobilier locatif avec défiscalisation, la manifestation du dommage pour l'acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, [S] [B] recherchait la responsabilité de la société IFB France, intermédiaire lui ayant fait souscrire six opérations d'investissement immobilier avec défiscalisation entre 2006 et 2009, en raison de manoeuvres dolosives et de manquements à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; que pour dire que la prescription de l'action en responsabilité était acquise, la cour d'appel a fixé un point de départ de la prescription au jour de l'acte authentique de chaque vente en l'état futur d'achèvement concernant le grief portant sur la dissimulation d'une surévaluation, au 21 mars 2007, pour le défaut d'information de conseil et de mise en garde sur l'existence d'un risque d'endettement excessif du fait de la multiplication des investissements immobiliers, et au jour de la signature du premier contrat de location non conforme aux prévisions de loyers pour le défaut d'information et de conseil sur le risque de baisse la rentabilité locative ; qu'en fixant ainsi le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité en fonction de chacun des manquements invoqués et non au jour des faits susceptibles révéler l'impossibilité d'obtenir la rentabilité prévue lors de la conclusion des contrats, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure et celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que, d'une part, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, sans que la durée totale puisse excéder celle de 10 ans prévue par le premier de ces textes dans sa version antérieure à la loi précitée et, d'autre part, que le délai de prescription de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance.
6. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par M. [B], l'arrêt, après avoir relevé que les variables fondamentales des opérations d'optimisation fiscale en cause sont le prix d'acquisition du bien immobilier, qui détermine le montant de la réduction d'impôt sur le revenu, et la mise en location qui, à la fois, conditionne le bénéfice de la réduction d'impôt mais également complète le gain fiscal réalisé par l'acquéreur afin, notamment, de financer le remboursement du crédit immobilier souscrit pour le paiement du prix d'acquisition, retient que le point de départ se situe, s'agissant de la surévaluation des biens, à la date du contrat de vente, s'agissant de leur perte de valeur, au 21 mars 2007, date à laquelle M. [B] a soucrit une assurance couvrant le risque de perte financière à la revente et, s'agissant du risque de baisse de rentabilité locative, à la date de conclusion du premier contrat de location non conforme aux prévisions de progression du loyer pour chaque bien immobilier en litige.
7. En statuant ainsi, alors que le dommage invoqué consistant en des pertes financières, ne pouvait se réaliser avant la vente des biens immobiliers acquis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composé ;
Condamne la société IFB aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société IFB et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq."