Cer arrêt juge que, étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l'ouvrage, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mars 2023), le 13 mars 2015, M. [I] et Mme [Z] (les consorts [I]-[Z]) ont acquis de M. et Mme [U] une propriété sur laquelle M. [U] avait réalisé un mur de soutènement.
2. Se plaignant de désordres affectant ce mur, les consorts [I]-[Z] ont, après expertise, assigné M. et Mme [U] en réparation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
3. Les consorts [I]-[Z] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes dirigées contre M. et Mme [U] fondées sur la responsabilité décennale, alors :
« 1°/ que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en retenant que les dommages observés ne pouvaient être considérés comme des dommages relevant de la garantie décennale et, partant, que l'aggravation ultérieure de ces dommages ne pouvait s'analyser comme constituant des dommages évolutifs dès lors que leur caractère n'avait pas été constaté initialement, de même que la qualification de désordres futurs ne pouvait être admise en ce que les dommages, dénoncés dans le délai d'épreuve de dix ans, ne présentaient pas initialement de caractère décennal, pas plus qu'au cours du délai d'épreuve de dix ans, le risque d'effondrement à court terme ne s'étant pas concrétisé dans le délai d'épreuve de dix ans, en prenant comme point de départ du délai décennal la date à laquelle « l'édification du mur s'est terminée », sans constater la réception de l'ouvrage à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-1 du code civil ;
2°/ que la réception tacite suppose que soit caractérisée la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux, ce qui ne peut résulter du seul achèvement de l'ouvrage ; qu'au demeurant, en prenant ainsi comme point de départ du délai décennal la date à laquelle « l'édification du mur s'est terminée », ce dont il ne pouvait résulter une réception tacite des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
3°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en toute hypothèse, en retenant comme elle l'a fait que les dommages observés ne pouvaient être considérés comme des dommages relevant de la garantie décennale et, partant, que l'aggravation ultérieure de ces dommages ne pouvait s'analyser comme constituant des dommages évolutifs dès lors que leur caractère n'avait pas été constaté initialement, de même que la qualification de désordres futurs ne pouvait être admise en ce que les dommages, dénoncés dans le délai d'épreuve de dix ans, ne présentaient pas initialement de caractère décennal, pas plus qu'au cours du délai d'épreuve de dix ans, le risque d'effondrement à court terme ne s'étant pas concrétisé dans le délai d'épreuve de dix ans, tout en constatant que l'expert judiciaire avait envisagé une instabilité et une aggravation des dommages au regard des fissures existantes comme une éventualité et avait préconisé des travaux de renforcement du mur, ce dont il résultait l'existence d'un risque actuel d'effondrement, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, les consorts [I]-[Z] n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel qu'il n'y avait pas eu de réception ni que le point de départ du délai d'épreuve ne pouvait être la date de l'achèvement du mur, le moyen, pris en ses deux premières branches, est nouveau, mélangé de fait et de droit.
5. D'autre part, ayant constaté qu'à la date des opérations d'expertise, le délai de garantie décennale était expiré et que le mur, qui ne s'était pas effondré, remplissait sa fonction et relevé qu'au regard des fissures identifiées par l'expert, une instabilité, une aggravation des dommages ou une impropriété à destination n'étaient envisagées que comme une éventualité, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie décennale n'étaient pas réunies.
6. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
7. Les consorts [I]-[Z] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes dirigées contre M. et Mme [U] fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, alors « qu'étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est tenue d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires ; qu'en tout état de cause, en écartant de la sorte la responsabilité contractuelle de M. et Mme [U], en tant qu'aucun contrat de construction ne liait les consorts [I]-[Z] à M. [U], voire à M. et Mme [U], quand les consorts [I]-[Z] pouvaient rechercher la responsabilité contractuelle de M. et Mme [U], en leur qualité de vendeurs après achèvement du mur, la cour d'appel a violé l'article 1792-1, 2° du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1792-1, 2°, et 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil :
8. Selon le premier de ces textes, est réputé constructeur la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.
9. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
10. Pour rejeter les demandes des consorts [I]-[Z], l'arrêt retient que les désordres constatés par l'expert n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1792 du code civil et que les acquéreurs ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de droit commun des vendeurs serait engagée, les parties n'étant pas liées par un contrat de construction mais par un contrat de vente.
11. En statuant ainsi, alors qu'étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l'ouvrage, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.