Cet arrêt juge que si l'existence d'un acte notarié (acte de notoriété acquisitive) ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages relatés dans cet acte quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 avril 2023), M. et Mme [H] ont, par acte notarié du 13 décembre 2010, acquis de M. [F] une parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 3].
2. Le 8 juin 2016, a été dressé par notaire un acte de notoriété acquisitive désignant M. et Mme [H] comme propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section ZH n° [Cadastre 2].
3. La commune de [Localité 5] (la commune) a assigné M. et Mme [H] aux fins de voir annuler l'acte de notoriété et juger qu'elle est propriétaire de cette parcelle, en application de l'article 713 du code civil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [H] font grief à l'arrêt d'annuler l'acte de notoriété du 8 juin 2016 et de dire la commune fondée en sa demande présentée au titre de l'article 713 du code civil, alors « que si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut par elle-même établir celle-ci, les juges sont néanmoins tenus d'examiner si la preuve de la possession est rapportée par les éléments contenus dans cet acte ; que, pour justifier d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans, M. et Mme [H] se prévalaient notamment des deux témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016 ; qu'en retenant que la preuve d'une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans n'était pas rapportée, sans rechercher si les deux témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016 ne permettaient pas d'établir une telle preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2261 et 2272 du code civil. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu les articles 2261 et 2272, alinéa 1er, du code civil :
5. Aux termes du premier de ces textes, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
6. Aux termes du second, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
7. Il incombe à celui qui invoque le bénéfice de la prescription acquisitive de rapporter la preuve d'actes matériels de possession exercés pendant la durée prévue par le second de ces textes et revêtant les caractères exigés par le premier.
8. Si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages relatés dans cet acte quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.
9. Pour annuler l'acte de notoriété du 8 juin 2016 et juger que la commune est propriétaire de la parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 2], l'arrêt retient que cet acte n'est confirmé par aucun autre élément, les autres pièces produites aux débats par M. et Mme [H] étant insuffisantes à établir une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaires pendant plus de trente ans.
10. En se déterminant ainsi, sans analyser, comme il le lui était demandé, les témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'acte de notoriété du 8 juin 2016, dit la commune de [Localité 5] fondée en sa demande présentée au titre de l'article 713 du code civil à l'égard de la parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 2] et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la commune de [Localité 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de [Localité 5] et la condamne à payer à M. et Mme [H] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre."