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Nécessité d'une mise en demeure pour invoquer la caducité d'une promesse de vente

Le vendeur ne peut invoquer la caducité de la promesse de vente s’il n’a pas suivi les termes de la promesse, l’obligeant, à défaut de recevoir une lettre de l’acheteur justifiant du dépôt de sa demande de prêt et du refus de prêt, à mettre en demeure son acheteur d’en justifier sous huitaine.

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"Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 novembre 2022), après avoir donné mandat de vente à la société Pacfa immobilier (l'agent immobilier), Mme [Z] (la promettante) a, par l'entremise de celui-ci, par acte notarié du 22 mai 2015, promis unilatéralement de vendre à Mme [K] et M. [E] (les bénéficiaires) une maison à usage d'habitation située à Toulouse.

2. La promesse était assortie d'une condition suspensive d'obtention d'un ou plusieurs prêts et d'une garantie d'assurance au plus tard le 7 août 2015, stipulée dans le seul intérêt des bénéficiaires, ainsi que la réalisation de la vente par acte authentique au plus tard le 7 septembre 2015.

3. Par lettres du 7 août 2015 adressées aux bénéficiaires, la promettante s'est prévalue de la caducité de la promesse de vente puis a refusé de signer l'acte authentique de vente.

4. Aux fins de caducité de la promesse de vente et indemnisation de son préjudice, elle a assigné les bénéficiaires, lesquels ont alors sollicité l'exécution forcée de la vente.

5. La promettante a appelé en cause l'agent immobilier, aux fins de nullité du mandat de vente et, par voie de conséquence, de la promesse de vente, ainsi qu'en indemnisation de son préjudice.

6. M. [C] est intervenu à l'instance en sa qualité de locataire d'un studio dépendant de l'immeuble litigieux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen Enoncé du moyen

7. La promettante fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir interpréter, compte tenu de son imprécision, le mandat de vente en sa faveur, annuler la promesse de vente, rejeter la demande d'exécution forcée de la vente et de prononcer celle-ci, alors :

« 1°/ que, d'une part, il appartient au juge d'interpréter les termes ambigus du contrat qui lui est soumis ; qu'en énonçant que la mention « Villa T3/T4 de 70 m² sur un terrain de 442 m² section [Cadastre 6] AB [Cadastre 5] sur le cadastre » figurant à la clause de description du bien au mandat de vente du 30 mars 2015 n'était pas ambiguë, et en refusant de recourir à l'interprétation de ces termes qui, pourtant, n'étaient ni clairs ni précis en ce qu'ils pouvaient, objectivement, s'entendre, soit comme portant sur l'ensemble de la « villa », soit comme portant seulement sur l'appartement « T3/T4 » qui s'y trouvait, cette seconde lecture de l'acte étant, du reste, renforcée tant par les affirmations de la mandante, Mme [Z], que par le prix de vente, de 205 000 euros, qui correspondait plus à une vente de l'appartement qu'à une vente de la maison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ;

2°/ que, d'autre part, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu'en refusant d'interpréter la mention « Villa T3/T4 de 70 m² sur un terrain de 442 m² section [Cadastre 6] AB [Cadastre 5] sur le cadastre » figurant à la clause de description du bien au mandat de vente du 30 mars 2015 dans un sens favorable à la mandante, Mme [Z], partie consommateur et non-professionnelle, au motif, erroné, que les termes de cette clause seraient dépourvus d'ambiguïté, la cour d'appel a violé l'article L. 133-2 ancien, L. 211-1 nouveau, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé, aux termes d'une interprétation souveraine des éléments débattus devant elle, que le mandat de vente confié à l'agent immobilier était dépourvu d'ambiguïté, de sorte qu'il ne devait pas être interprété dans le sens que voulait lui donner la promettante, dès lors qu'il mentionnait la consistance du bien y apparaissant comme l'ensemble de la villa, la promesse faisant expressément état de la libre occupation des deux étages de l'immeuble en raison de la signification du départ des locataires des deux appartements concernés, ce qui traduisait sa volonté non équivoque de vendre l'ensemble de la parcelle dont les références cadastrales avaient été reproduites sur le mandat litigieux.

9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision. Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La promettante fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande subsidiaire en caducité de la promesse de vente, alors :

« 1°/ que, d'une part, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en se fondant sur la circonstance selon laquelle la lettre envoyée par Mme [Z] à chacun des deux bénéficiaires de la promesse de vente invoquant la défaillance de la condition stipulée à cette même promesse était datée du 7 août 2015, soit à la date prévue à cet acte comme étant le dernier jour avant que la condition ne soit défaillie, pour en conclure qu'elle avait envoyé ses courriers trop tôt et n'avait pas respecté les délais contractuellement stipulés, sans rechercher, comme elle y était invitée si, en réalité, ces courriers n'avaient pas été relevés par la Poste le lendemain, 8 août 2015, et, du reste, reçus par leurs destinataires respectifs le 12 août 2015, soit à des dates où, contractuellement, la condition était bien défaillie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ;

2°/ que, d'autre part, le juge ne saurait dénaturer les éléments de la cause ; qu'en se fondant sur la circonstance selon laquelle Mme [Z] n'avait pas mis en demeure les bénéficiaires, qualifiant une telle mise en demeure de « formalité préalable et contractuellement prévue », et en affirmant que la promesse n'exigeait nullement que l'offre soit présentée avant le 7 août 2015, quand pourtant la promesse qualifiait la mise en demeure de simple « faculté » et exigeait expressément que les offres de prêt soient présentées le 7 août 2015 au plus tard, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, et a violé le principe sus-énoncé ;

3°/ qu'enfin, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; en fondant sa décision de déclarer valable la levée d'option faite par les bénéficiaires par courrier du 13 août 2015 sur le moyen relevé d'office selon lequel les bénéficiaires auraient entendu renoncer à la double condition suspensive d'obtention d'un prêt et d'agrément définitif de l'emprunteur par l'assureur aux conditions exigées par la banque, laquelle aurait été « stipulée à leur seul profit », sans soumettre celui-ci à un débat contradictoire entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a constaté que la promesse unilatérale de vente stipulait une condition suspensive d'obtention d'un ou plusieurs prêts et d'une garantie d'assurance au plus tard le 7 août 2015, dont seuls les bénéficiaires pouvaient se prévaloir, et que, pour pouvoir être libérée de cette promesse en raison de sa caducité de plein droit, la promettante devait, à défaut de réception à cette date d'une lettre des bénéficiaires justifiant du dépôt de leur demande de prêts et du refus de ceux-ci, les mettre en demeure d'en justifier sous huitaine.

12. Elle a relevé que la promesse prévoyait, d'une part, que la réalisation de la vente aurait notamment lieu par la levée d'option devant être faite par le bénéficiaire avant son terme contractuellement prévu, d'autre part, qu'à compter de son acceptation, elle ne pouvait être révoquée que du consentement mutuel des parties.

13. Enfin, elle a constaté que, par lettre du 13 août 2015, les bénéficiaires avaient confirmé à la promettante l'achat de sa maison.

14. Elle en a exactement déduit, sans dénaturation de l'acte ni être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, que les bénéficiaires, qui n'avaient pas été mis en demeure par la promettante de justifier des conditions de réalisation de la condition suspensive, avaient valablement levé l'option dans le délai contractuellement prévu, de sorte que la caducité de la promesse ne pouvait pas être retenue.

15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

16. La promettante fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à condamner l'agent immobilier au paiement de dommages-intérêts et tendant à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors :

« 1°/ que, d'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des chefs de l'arrêt attaqué qui ont débouté Mme [Z] de ses demandes fondées sur la responsabilité civile de la société Pacfa immobilier, ces chefs se rattachant par un lien de dépendance nécessaire aux griefs présentés au premier moyen ;

2°/ que, d'autre part, l'agent immobilier est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son mandant, dont il lui appartient de rapporter la preuve ; qu'en se fondant sur les circonstances, inopérantes, tirées de ce que le mandat donné à la société Pacfa immobilier ne serait pas nul, de ce qu'il ne porterait pas seulement sur une partie de l'immeuble, mais sur la totalité de celui-ci, de ce qu'il y aurait eu, ou non, recours préalable à un géomètre ou à tout technicien permettant de mesurer et de diviser l'immeuble, de l'incidence de la réalisation de certains travaux sur le bien à l'initiative de Mme [Z] elle-même et de ce que la sous-évaluation du bien ne serait pas spécifiquement prouvée en l'espèce, pour écarter la responsabilité de l'agent immobilier pour manquement de celui-ci à son obligation d'information et de conseil à l'égard de sa mandante, sans rechercher s'il rapportait la preuve de ce qu'il s'en était bien acquitté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil ;

3°/ que, de même, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en considérant que l'existence d'un manquement de la société Pacfa immobilier à un devoir d'information ou de conseil sur le prix de l'immeuble devrait être écartée, en l'espèce, au motif que les éléments produits par Mme [Z] n'en rapportaient pas la preuve, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien, 1353 nouveau, du code civil ;

4°/ qu'enfin, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; que plus généralement, en n'exigeant pas de la société Pacfa immobilier qu'elle rapporte, positivement, la preuve qu'elle s'était bien acquittée de ses devoirs d'information et de conseil à l'égard de sa mandante, Mme [Z], la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien, 1353 nouveau, du code civil. »

Réponse de la Cour

17. En premier lieu, le premier moyen étant rejeté, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est sans portée.

18. En second lieu, la cour d'appel, devant laquelle la promettante invoquait des manquements de l'agent immobilier à son obligation d'information et de conseil, en ce qu'elle n'avait jamais eu l'intention de vendre l'intégralité de la villa mais seulement une partie de celle-ci, ce que ne pouvait que confirmer le prix de vente proposé, a retenu que les termes du mandat de vente, pour le prix proposé, étaient dépourvus d'ambiguïté aux motifs, d'une part, que la promesse de vente avait été par elle signée devant notaire sans aucune restriction de superficie, que l'acte authentique portait sur l'intégralité de la parcelle bâtie, et qu'elle avait alors déclaré que ses locataires avaient signifié leur congé et, d'autre part, que la sous-évaluation alléguée du prix de l'immeuble n'était pas établie, s'agissant d'un bien se trouvant à proximité de la digue de la Garonne en zone classée inondable.

19. Elle a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve ni être tenue de procéder à d'autres recherches, qu'aucun des manquements invoqués de l'agent immobilier à son obligation d'information et de conseil n'étant établi, les demandes indemnitaires de la promettante ne pouvaient être accueillies.

20. La cour d'appel a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

21. La promettante fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux bénéficiaires la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que, d'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt attaqué qui a condamné Mme [Z] à verser aux bénéficiaires des dommages-intérêts au titre de sa prétendue responsabilité civile pour faute, ces chefs se rattachant par un lien de dépendance nécessaire aux griefs présentés au premier moyen ;

2°/ que, d'autre part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le deuxième moyen entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt attaqué qui a condamné Mme [Z] à verser aux bénéficiaires des dommages-intérêts au titre de sa prétendue responsabilité civile pour faute, ces chefs se rattachant par un lien de dépendance nécessaire aux griefs présentés au deuxième moyen ;

3°/ qu'enfin, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le troisième moyen entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de l'arrêt attaqué qui a condamné Mme [Z] à verser aux bénéficiaires des dommages-intérêts au titre de sa prétendue responsabilité civile pour faute, ces chefs se rattachant par un lien de dépendance nécessaire aux griefs présentés au troisième moyen. »

Réponse de la Cour

22. Les premier, deuxième et troisième moyens étant rejetés, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est sans portée.

23. Le moyen ne peut donc être accueilli. PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre."

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