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15 000 € de dommages et intérêts en raison du trouble anormal du voisinage causé par un piano

Cet arrêt condamne des voisins à payer la somme de 15 000 € de dommages et intérêts en raison du trouble anormal du voisinage causé par un piano.

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"M. Bruno et Mme Bénédicte épouse sont propriétaires, depuis 1996, d'une maison à SCEAUX contiguë à la maison appartenant à M. et Mme Elisabeth épouse .

Gênés par les bruits musicaux venant de la maison de leurs voisins, provenant de leur pratique d'instruments de musique et notamment du piano, ils leur ont demandé, à partir de l'année 2000, de prendre des mesures.

A compter de l'année 2004, les époux ont effectué plusieurs déclarations de plaintes et fait procéder à diverses constatations par la police et par huissier également en 2005 et 2006. Une réunion devant le conciliateur au cours du premier trimestre 2006 n'a eu qu'un effet temporaire. Une expertise a eu lieu en mai 2006. L'expert a préconisé les travaux nécessaires à la suppression du trouble sonore. En l'absence d'amélioration de la situation, les époux ont assigné les époux et leur fils, Pierre , afin de voir interdire, sous astreinte à la famille , toute utilisation de leur piano et condamner au paiement de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et en réparation du préjudice corporel de Mme , avec appel en cause de la Réunion des assureurs maladie PL Ile de France.

Par jugement rendu le 3 juillet 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré les époux et leur fils responsables des nuisances sonores subies par les époux du fait de l'utilisation du piano du rez-de-chaussée ; leur a interdit toute utilisation d'un piano au rez-de-chaussée sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée par huissier jusqu'à ce qu'ils justifient auprès des époux avoir réalisé, sous le contrôle d'un expert acousticien, des travaux d'insonorisation rendant inaudible leur piano de la maison de ces derniers et s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

Il a condamné les époux et leur fils à payer aux époux :

* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance

* 3.000 euros pour résistance abusive

* 6.000 euros au titre des frais irrépétibles avec exécution provisoire et les a condamnés aux dépens.

Le tribunal a relevé qu'un constat d'huissier fait état d'un niveau sonore élevé provenant du piano de la maison des époux et provenant de la maison voisine. Il a noté que l'expertise de M. avait montré des émergences incontestables ; que plusieurs constats d'huissier ultérieurs avaient mentionné les mêmes nuisances et a conclu que le piano installé au rez-de-chaussé de la maison des époux était parfaitement audible et avait un niveau sonore élevé et souligné que cette situation était compréhensible en l'absence de l'insonorisation du pavillon des époux . Il a stigmatisé la faute des consorts qui, avertis de la gêne occasionnée, n'ont pas vraiment cherché à y remédier et les a condamnés à réparer les préjudices causés y compris pour résistance abusive sans retenir toutefois la demande de réparation de Mme au titre de son préjudice corporel.

Les époux , ayant formé une demande reconventionnelle relative à l'écoulement des eaux pluviales de la maison des époux , le tribunal l'a écartée comme sans lien de connexité avec la demande principale.

Appelants, les époux et leur fils demandent à la cour d'infirmer partiellement le jugement et de débouter les époux de leurs demandes concernant :

* l'interdiction de jouer du piano au rez-de-chaussée de la maison qu'ils habitent ainsi que de tout autre piano qui serait audible de la maison des époux ,

* de leur demande en responsabilité,

* de leur demande en réparation pour trouble de jouissance,

* pour résistance abusive,

* et en paiement des honoraires de l'expert.

Ils sollicitent, en outre, la modification de la baguette en zinc sur le mur des époux sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision.

Ils demandent encore de condamner les époux au paiement de la somme de 15.000 euros pour procédure abusive et 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens y compris les frais d'expertise.

Les époux demandent de confirmer la décision en ce qu'elle a interdit aux époux et à leur fils toute utilisation du piano du rez-de-chaussée sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, de dire que cette interdiction concernera également tout autre piano, violon ou tout autre instrument de musique à leur domicile qui serait audible de leur maison, de confirmer la décision en ce qu'elle a condamné les consorts au paiement de la somme de 15.000 euros pour trouble de jouissance et d'une indemnité pour résistance abusive et de la porter à 20.000 euros, mais de l'infirmer du chef de l'indemnisation pour préjudice corporel de Mme et de condamner in solidum les consorts à payer à ce titre une indemnité de 37.500 euros.

Ils concluent également à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclarés les consorts irrecevables en leur demande reconventionnelle, de les en débouter autrement et, à titre infiniment subsidiaire, demandent d'ordonner la modification de l'inclinaison de la baguette de zinc de façon que l'écoulement des eaux pluviales des époux se fasse sur leur propre terrain, ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement.

Ils sollicitent enfin que la cour confirme le jugement en ses autres dispositions et condamne les consorts au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La REUNION DES ASSUREURS MALADIE PL ILE DE FRANCE, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.

Motifs

SUR CE,

- Sur l'appel principal


Considérant que l'action engagée par les époux contre les époux et leur fils repose sur l'article 544 du code civil ; qu'en vertu de cet article, le droit de propriété devient susceptible d'exposer à une obligation d'indemnisation lorsqu'il est exercé à titre abusif et notamment au cas de nuisances exerçant un trouble qui excède le cadre normal des relations entre voisins ; que le premier juge a exactement rappelé que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage existait dès qu'était apportée la preuve du caractère excessif des inconvénients de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de prouver une faute ;


Considérant que les époux font valoir dans leurs écritures que les nuisances sont devenues difficilement supportables à partir de l'année 2000 ; que les pièces produites montrent qu'ils ont exprimé de façon officielle à leurs voisins à partir de 2004, la gêne que leur occasionnait la présence de nuisances sonores excessives (lettre du 5 octobre 2004) ; qu'ils ont saisi les services de police de plaintes (juin et 13 octobre 2004) ;


Considérant qu'en dépit des recommandations de policiers venus sur les lieux en octobre 2004 et février/mars 2005, les consorts n'ont pris aucune mesure pour diminuer les nuisances en 2005, 2006 excepté une isolation minimale d'un coût de 252 euros insusceptible d'apporter une quelconque amélioration selon l'expert ;

Considérant que se rendant compte progressivement, que la pratique d'instruments de musique et notamment du piano par leur fils qui préparait un concours d'entrée au conservatoire et jouait pendant de longues périodes avec seulement des pauses très courtes, pouvait poser problème, les époux se sont prêtés à quelques mesures (conciliation, expertise) ;

Que cependant, ils ont rapidement dénoncé l'accord selon lequel le piano du rez-de-chaussée près du mur mitoyen ne devait être utilisé qu'à certaines périodes, situation pour laquelle ils avaient donné leur accord devant le conciliateur, avec utilisation seulement du piano situé au premier étage dans une pièce plus éloignée et ont fait prévaloir l'intérêt de leur fils ;


Considérant qu'une expertise acoustique a été effectuée par M. courant mai 2006 en compagnie d'un agent municipal, alors que Pierre Eloyann jouait du piano au rez-de-chaussée ;

Que l'expert en fonction des normes définies pour l'intensité maximale admise pour un élément perturbateur par rapport à la valeur du bruit ambiant

- de jour : (7h/22h) :+ 5db

- de nuit (22h/7h) : + 3db a conclu à des émergences supérieures à 5db ; qu'il a préconisé l'arrêt de l'utilisation du piano du rez-de-chaussée et les modalités d'insonorisation de la pièce en précisant qu'il était nécessaire qu'un bureau spécialisé en acoustique intervienne pour donner les caractéristiques des doublages de la pièce où se trouve le piano.

Considérant que les époux contestent les conditions dans lesquelles l'expert a réalisé les mesures mais n'opposent pas de notions techniques, dont la réalité a été constatée le jour de l'expertise, de nature à mettre en doute de façon valable le rapport déposé ; qu'ils font ainsi valoir que l'expert n'a pas relevé certaines mesures trop faibles tandis que les époux opposent que Pierre jouait le plus doucement possible ce jour-là ; qu'en fonction de cette situation, l'influence de la durée de l'utilisation d'un piano que revendiquent les époux ne peut avoir d'effet en l'occurrence ; qu'en effet, tant la durée du jeu résultant des longues répétitions nécessitées par la préparation leur fils à un concours d'entrée au conservatoire que les variations de l'intensité, ont accentué le trouble causé par la sonorité excessive ;

Qu'il résulte de l'ensemble des faits, constatations et expertise que l'utilisation du piano installé au rez-de-chaussée dans une pièce mitoyenne de la maison des époux a été à l'origine d'une gêne sonore pour les époux excédant les inconvénients normaux du voisinage ;


Considérant que les époux soutiennent que l'utilisation n'a jamais cessé en dépit des affirmations des époux qui précisent que le piano du rez-de-chaussée a été retiré en novembre 2008 ;

Que les époux ont fait procéder à plusieurs constats d'huissier (9) depuis l'expertise le dépôt du rapport (juin 2006) jusqu'au 8 juin 2009, dans lesquels l'huissier indique que des bruits de piano ou de violon proviennent de la maison voisine en notant que le bruit de piano est audible quelque soit la pièce où il se trouve dans la maison des époux ; qu'ils versent également des attestations (2007, 2008, 2009) dans lesquelles des amis indiquent avoir entendu le bruit de piano provenant de la maison voisine ;


Considérant que si l'utilisation du piano du rez-de-chaussée a eu un caractère prédominant et qu'elle ne peut plus poser problème depuis l'enlèvement du piano en novembre 2008, la présence d'une gêne sonore excessive peut de nouveau être posée ; qu'il n'y a eu aucun acte de transaction ou de renonciation à ce propos par les époux ;

Considérant que les époux contestent continuer à jouer alors que des témoignages qu'ils ont eux-mêmes produits confirment que la pratique d'un instrument est nécessaire pour leur nouvelle activité concernant le chant ; que ces témoins insistent sur la durée, laquelle est justement un élément important de la gêne occasionnée par les instruments ;

Que plusieurs attestations versées par les époux dans des attestations de 2007, 2008 et 2009 relèvent d'ailleurs cette durée aussi bien pour le piano restant que pour le violon ; que la présence de pauses ne va pas à l'encontre du fait que les répétitions puissent durer plusieurs heures (attestation de M. ) ;

Qu'il en résultent que les époux et même leur fils de façon ponctuelle, même s'il peut bénéficier d'un lieu (studio) pour répéter, depuis sa réussite au Conservatoire, sont amenés en raison de leur activité, à jouer d'instruments de musique dans des conditions de durée et d'intensité qui rendent plus rapidement gênante leur audition ;


Considérant en conséquence, qu'il résulte des éléments de fait soumis aux premiers juges et des pièces nouvelles que les consorts exercent leur activité musicale et utilise leurs instruments dans des conditions de sonorité trop importantes dans des conditions excédant les inconvénients normaux du voisinage ; que le premier juge à bon droit les a condamnés à indemniser les époux pour le trouble de jouissance subi ;


Considérant que les consorts , ayant retiré le piano du rez-de-chaussée, les dommages-intérêts ne seront pas majorés, que cependant, la gêne excessive persistant d'une autre façon, et en l'absence des travaux d'insonorisation préconisés par l'expert, le montant des dommages-intérêts pour résistance abusive sera portée à 6.000 euros ;

Qu'à l'heure actuelle, en l'état des éléments techniques produits concernant l'intensité des sons du piano restent et du violon, il ne sera pas prononcé d'interdiction d'en jouer, étant observé que le maintien de cette situation reste précaire en l'absence d'exécution des mesures d'insonorisation, que les époux connaissent pourtant depuis juin 2006 ;


Considérant qu'il ressort des certificats médicaux des docteurs CHU BA et GELLMAN (2006et 2007), que la persistance de nuisances sonores excessives (liées aux répétitions longues et intenses du fils des époux ) est à l'origine d'un syndrome anxio -dépressif avéré de Mme , femme au foyer, et présente de façon quasi permanente à domicile avec des troubles du sommeil, une labilité thymique et une fatigabilité, et qu'elle garde une anxiété à l'audition d'un son musical un peu intense et prolongé ; qu'en réparation, les époux devront lui verser la somme de 1.000 euros de dommages-intérêts ;

- Sur la demande reconventionnelle des époux et la demande additionnelle des époux relatives à des barquettes de zinc sur la toiture

Considérant que la cour ne peut que confirmer la décision des premiers juges qui ont déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des consorts relative à l'emplacement d'une bavette de zinc de la maison des époux en l'absence de tout lien de connexité avec la demande principale ;

- Sur la demande des consorts en dommages-intérêts pour procédure abusive


Considérant que cette demande n'est pas fondée au regard des décisions judiciaires intervenues ;qu'ils seront déboutés de leur demande à ce titre ;


Considérant que les consorts devront régler une indemnité pour frais non répétibles exposés en appel ;

Dispositif
PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré M. et Mme Elisabeth épouse et leur fils responsables de nuisances sonores subies M. Bruno et Mme Bénédicte épouse et en ce qu'il leur a interdit de jouer du piano dans la salle située au rez-de-chaussée, en ce qu'il les a condamnés à 15.000 euros de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et les a déclarés irrecevables en leur demande reconventionnelle et condamnés au paiement de 6.000 euros pour frais irrépétibles et aux dépens,

Réforme autrement le jugement,

Constate qu'ils n'ont pas réalisé les travaux d'insonorisation préconisés par l'expert,

Les condamne au paiement de la somme de 6.000 euros pour résistance abusive,

Ajoutant,

Condamne les consorts au paiement de la somme de 1.000 euros à Mme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice psychologique causé,

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne les consorts au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens d'appel avec droit pour la SCP JULLIEN LEHARNY ROL FERTIER, avoués, de procéder conformément à l'article 699 du code de procédure civile."

 

 

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