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Réception tacite et occupation préalable des lieux

Pas de réception tacite en cas de rénovation des lieux et d'occupation préalable des lieux par le maître d'ouvrage.

 

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Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 septembre 2022, rectifié le 24 octobre 2023), courant 1993, la commune de [Localité 9] (la commune) a fait édifier un complexe socio-culturel et sportif.

3. Elle a souscrit une police d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société Pfa, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD.

4. La réception de l'ouvrage est intervenue le 2 février 1994.

5. Par lettre du 15 novembre 2001, la commune a dénoncé à l'assureur dommages-ouvrage l'apparition de fissures importantes en façade, et celui-ci a confié une mission d'expertise à la société Silex.

6. La société Silex a remis un rapport le 6 octobre 2003 et des travaux de réparation ont été réalisés en février 2004 par la société Surfaces et structures, assurée auprès de la société Gan assurances, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Athis, assurée auprès de la SMABTP.

7. Par lettres des 27 octobre 2004 et 29 avril 2005, la commune a dénoncé à l'assureur dommages-ouvrage l'apparition de nouvelles fissures, en indiquant que la stabilité de la structure était compromise et que les travaux de reprise avaient été inefficaces.

8. La commune a assigné les constructeurs et les assureurs par actes du 20 février 2014, puis la société Silex par acte du 2 juillet 2015.

9. La société Surfaces et structures a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 12 octobre 2023 et les sociétés Silex et Allianz IARD ont repris l'instance de cassation contre M. [Y], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La société Silex fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il déclare l'action engagée contre elle par la commune irrecevable car prescrite et de la condamner, in solidum avec la société Allianz IARD, à verser à la commune certaines sommes en réparation des préjudices matériel et de jouissance, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en retenant, pour faire courir la prescription de l'action dirigée par la commune contre la société Silex de la date de la communication à la commune de l'expertise Saretec, le 29 octobre 2012, que cette communication « porta(it) des conclusions susceptibles de mettre en cause la société Silex relativement au caractère inadapté des travaux préconisés » et que les documents antérieurs ne mettaient en cause que les entreprises intervenues sur le chantier et ne faisaient état que d'« interrogations » quant au rôle de la société Silex, « ne faisa(nt) suite qu'à l'avis de l'entrepreneur mis en cause et non à celui d'un expert », quand la prescription devait courir à compter de la date à laquelle la commune connaissait les désordres et devait en déterminer les auteurs, serait-ce en sollicitant une mesure d'expertise judiciaire à laquelle elle pouvait attraire l'ensemble des entreprises qui étaient intéressées, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel, qui a souverainement retenu que la commune n'avait été informée de l'inadaptation des préconisations de la société Silex quant à la réparation de l'ouvrage que par la communication, le 29 octobre 2012, du rapport d'un technicien, en a exactement déduit que l'action exercée contre cette société par acte du 2 juillet 2015 n'était pas prescrite.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. La société Silex fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société Athis, la SMABTP, la société Surfaces et structures et la société Gan assurances, alors « que tout antécédent nécessaire d'un dommage en constitue la cause ; qu'en écartant le caractère causal de la mauvaise exécution des travaux de reprise par les entrepreneurs, en relevant le caractère déterminant du rôle causal prétendument joué par la faute imputée à la société Silex, cependant qu'elle constatait que « la mauvaise exécution des travaux de reprise avait aggravé le désordre », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

14. La cour d'appel a retenu que, si l'expert judiciaire avait relevé que la mauvaise exécution des travaux de reprise avait aggravé le désordre, l'absence de travaux complémentaires nécessaires à la bonne tenue du dispositif préconisé pour éviter l'aggravation des tassements différentiels n'était nullement imputable aux sociétés Athis et Surfaces et structures, et constituait la cause déterminante du préjudice à la réparation duquel la société Silex avait été condamnée, alors que cette société avait été avertie des réserves émises par la société Surfaces et structures et parfaitement informée des préconisations complémentaires suggérées par la société Sols et eaux.

15. Ayant ainsi fait ressortir que les travaux de réparation mis à la charge des sociétés Allianz IARD et Silex auraient été nécessaires même sans les fautes des sociétés Athis et Surfaces et structures, elle a pu en déduire que ces sociétés n'étaient pas tenues d'en supporter la charge.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

17. Par son troisième moyen, la société Silex fait grief à l'arrêt, jugeant inapplicable la responsabilité décennale faute de réception, de déclarer irrecevables les demandes formées par la commune contre la société Athis, la SMABTP, la société Surfaces et structures et la société Gan assurances, alors « que le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite ; qu'en écartant toute réception cependant qu'elle constatait que le maître de l'ouvrage avait payé l'intégralité des travaux réalisés (seules des finitions restant à effectuer et à régler) et qu'il occupait les lieux, circonstances qui emportaient présomption de réception, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1792-6 du code civil. »

18. Par son moyen, la société Allianz IARD fait grief à l'arrêt, jugeant inapplicable la responsabilité décennale faute de réception, de rejeter les demandes de la commune formées contre la société Gan assurances, de déclarer irrecevables les demandes formées par la commune contre la société Athis, la SMABTP, la société Surfaces et structures, de rejeter, après avoir écarté la responsabilité décennale, le recours exercé par la société Allianz IARD contre la société Gan assurances et de déclarer irrecevable son recours exercé contre les sociétés Athis, SMABTP et Surfaces et structures, alors :

« 1°/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserves ; que les parties peuvent déroger expressément ou tacitement au principe d'unicité de la réception ; que la réception de l'ouvrage peut être partielle et intervenir par tranches de travaux successives et distinctes, même dans le cadre d'un marché unique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé, pour écarter toute réception, que les travaux réalisés étaient l'essentiel des travaux ayant fait l'objet du devis accepté par le maître de l'ouvrage, « ceux restant à réaliser étant qualifiés dans le devis de « travaux de finition » pour un montant résiduel de 7 416,64 euros » et étant « de nature distincte de ceux figurant aux chapitres I et II du devis (préparatoires et d'exécution du « chain actif ») », mais que « l'ensemble des travaux confiés à la société Surfaces et structure correspondait à une unique mission, non susceptible d'être divisée en tranches, de travaux de reprise de désordres préexistants avec un temps de latence avant les finitions » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait le caractère distinct et successif des travaux réalisés par rapport à ceux restant à effectuer, de sorte que la mission de la société Surfaces et structures, bien qu'unique, était susceptible d'être divisée par tranches successives et donc de donner lieu à des réceptions partielles, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserves ; que l'achèvement de la totalité de l'ouvrage n'est pas une condition de la réception ; qu'en l'espèce, en jugeant, pour écarter toute réception, que « l'ensemble des travaux confiés à la société Surfaces et structure correspondait à une unique mission (...) et qui n'était pas achevée à la date du règlement de cette facture intermédiaire », tandis que l'achèvement des travaux n'est pas une condition de la réception, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

3°/ que le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite ; qu'en l'espèce, en écartant toute réception, tandis qu'elle constatait que le maître de l'ouvrage avait payé l'intégralité des travaux réalisés (seules des finitions restant à effectuer et à régler) et qu'il occupait les lieux, circonstances qui emportaient présomption de réception, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

19. En cas de travaux sur un ouvrage existant, la prise de possession permettant, avec le paiement du prix, de faire présumer la réception, ne peut résulter du seul fait que le maître de l'ouvrage occupait déjà les lieux.

20. La cour d'appel a relevé que, selon les préconisations de la société Silex, les travaux de réparation comprenaient un temps de latence entre le gros oeuvre et les finitions, destiné à observer le comportement du bâtiment.

21. Elle a constaté que les travaux de finition n'avaient été ni exécutés ni payés, alors qu'ils faisaient partie d'une mission unique dont elle a souverainement retenu qu'elle n'était pas susceptible d'être divisée en tranches.

22. Ayant également relevé que le maître de l'ouvrage occupait déjà les lieux avant l'exécution des travaux, elle a souverainement retenu que ces circonstances, qui ne permettaient pas de présumer une réception tacite, ne caractérisaient pas sa volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.

23. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Société d'ingénierie pour l'expertise et la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre."

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