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Une réception tacite des travaux ?

Une décision sur la notion de réception tacite : " la réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter. Cette volonté n'est présumée qu'en cas de prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral du prix des travaux. "

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"Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 août 2022), M. et Mme [V] ont confié à la société Concept maîtrise d'oeuvre Ardèche (la société CMO-07) la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison.

2. Les travaux de terrassement ont été confiés à la société Montagnier TP, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, et ceux de maçonnerie à la société Blache maçonnerie, assurée auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée (la société Groupama Méditerranée).

3. M. et Mme [V] ont été assignés par les propriétaires de la parcelle voisine, qui leur reprochaient des décaissements sur leur terrain, et ont appelé les constructeurs et leurs assureurs en intervention forcée aux fins de garantie et d'indemnisation de leurs propres préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Groupama Méditerranée fait grief à l'arrêt de constater la réception tacite de l'ouvrage à la date du 14 août 2014, de dire, en conséquence, que les désordres relatifs à la question du mur relevaient de la responsabilité décennale et de la condamner in solidum avec la société Blache maçonnerie à payer différentes sommes à M. et Mme [V], alors « que la réception tacite de l'ouvrage, à laquelle est subordonnée la mise en oeuvre de la garantie décennale, requiert que le maître de l'ouvrage ait manifesté de façon non équivoque la volonté de recevoir l'ouvrage ; que pour dire qu'il y avait eu réception tacite de l'ouvrage à la date du 14 août 2014, la cour d'appel a relevé que les époux [V], suite à deux convocations, ont refusé la réception des travaux les 30 mars 2013 et 25 avril 2013, puis qu'à l'issue d'une procédure en restitution des clés, ils avaient pris possession des lieux le 14 août 2014 et qu'à cette date la maison était alors habitable ; qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas la volonté non équivoque des époux [V] de recevoir les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1792-6 du Code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que la réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter. Cette volonté n'est présumée qu'en cas de prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral du prix des travaux.

6. Pour constater l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage au 14 août 2014, l'arrêt relève que, selon le rapport d'expertise judiciaire, M. et Mme [V] ont refusé la réception des travaux à la suite de deux convocations en 2013 et que la maison était habitable lorsqu'ils en ont pris possession à l'issue d'une procédure en restitution des clés.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt constatant la réception tacite à la date du 14 août 2014 entraîne la cassation du chef du dispositif disant que la société Groupama Méditerranée doit sa garantie à la société Blache maçonnerie, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. En effet, la garantie de l'assureur dépend du fondement de la responsabilité de l'assuré.

10. Il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur le second moyen.



11. La cassation s'étend également aux condamnations prononcées contre la société Blache maçonnerie sur le fondement de la responsabilité décennale au titre du mur, qui se rattachent au constat d'une réception de l'ouvrage par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- constate la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- dit que la société Groupama Méditerranée doit sa garantie à la société Blache maçonnerie,
- condamne in solidum la société Blache maçonnerie et la société Groupama Méditerranée à verser à M. et Mme [V] les sommes de :
- 95 045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon L'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
- 2 943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
-15 000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [V] ;
- 15 555,98 euros au titre des frais bancaires,
et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'arrêt rendu le 24 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [V] et les sociétés Blache maçonnerie, Montagnier TP et L'Auxiliaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre."

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