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Une servitude de vue peut être acquise par prescription.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 octobre 2016), que M. et Mme Y..., propriétaires d'une maison d'habitation comportant une terrasse située à l'arrière et construite en limite du fonds voisin appartenant à Mme X..., l'ont assignée en démolition d'un mur supprimant la vue dont ils disposaient sur son jardin ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que les éléments de preuve soumis à son examen établissaient que la terrasse litigieuse existait depuis 1974 et avait une vue dominante et dégagée sur le jardin de la famille X..., la cour d'appel a pu retenir que M. et Mme Y... avaient acquis par prescription trentenaire une servitude de vue, non clandestine, depuis leur terrasse, sur le fonds de Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant ordonné à Mme X... de procéder à la destruction du mur édifié sur son fonds et empêchant la servitude de vue dont disposent M et Mme Y..., dans les deux mois suivants la signification du jugement, et condamnant Mme X..., à défaut d'exécution dans ce délai, au versement d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard au profit de M. et Mme Y..., et ce pendant une période de six mois, date à laquelle il devra à nouveau être statué sur l'astreinte, ainsi qu'à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance subi et ayant ordonné une expertise confiée à M. A... et, ajoutant au jugement, d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir condamner sous astreinte M. et Mme Y... à supprimer la vue dont ils jouissent depuis leur terrasse et à lui payer en conséquence des dommages et intérêts pour atteinte à son droit de propriété et perte d'intimité ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 690 du code civil dispose que les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans ; que, s'agissant des conditions requises pour pouvoir prescrire utilement, l'article 2261 du même code précise que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque, et à titre de propriétaire ; qu'en l'espèce, les époux Y... font valoir que leur fonds dispose depuis plus de trente ans d'une vue qui s'exerce depuis la terrasse située à l'arrière de leur immeuble, et donnant sur le jardin du fonds voisin appartenant aujourd'hui à Mme X... ; que l'exercice continu de la servitude apparente ainsi acquise a toujours été public, paisible et dépourvu d'équivoque ; qu'au soutien de leurs prétentions, ils se réclament de plusieurs attestations : M. Alain B..., qui leur a cédé en 1994 l'immeuble dont il s'agit, atteste qu'il connaît parfaitement la maison située [...] depuis l'année 1974, et que la vue dont l'on jouit depuis la terrasse située à l'arrière de l'immeuble a toujours été dégagée, agréable et paisible puisqu'elle donne sur des jardins ; qu'il ajoute que cette vue ne souffrait d'aucune gêne puisqu'il n'y avait aucune plantation sur la propriété située [...] ; que M. et Mme C... affirment que depuis le mois de novembre 1977, date à laquelle ils se sont installés [...] , la terrasse située à l'arrière du n°7 a toujours bénéficié d'une vue parfaitement dégagée et paisible sur tous les jardins, notamment sur le fonds situé au n°5 de la rue ; que Mme X... soutient qu'il n'est fait aucune mention d'une telle terrasse dans l'acte de vente du 12 novembre 1994, et qu'en tout état de cause, aucune vue depuis cet ouvrage ne pouvait s'exercer utilement avant l'année 1985 puisque jusqu'à cette date, elle était obstruée par le toit aveugle de la maison qu'elle a fait détruire pour construire un nouvel immeuble, et aussi par une haie d'arbustes ; que, s'agissant de l'existence même de la terrasse litigieuse, le fils de Mme Chantal X..., Edouard, atteste qu'ayant passé son enfance dans la propriété située [...] , soit de 1978 à 1985, il n'a jamais constaté la présence d'une terrasse d'où aurait pu s'exercer une vue quelconque sur le fonds où il jouait régulièrement au ballon ; que M. Eric D... indique quant à lui qu'ayant été reçu à plusieurs reprises par la famille X..., et ayant participé au déblaiement des décombres du pavillon démoli en 1985, il n'a pas davantage remarqué la présence d'une terrasse appartenant au fonds situé [...] ; que ces attestations ne sont pas de nature à emporter la conviction dans la mesure où si Mme Ghislaine E..., épouse F..., dont la mère habitait [...] jusqu'en 1985, les a confirmés dans un témoignage du 3 août 2015, en certifiant n'avoir jamais constaté la présence d'une terrasse à l'arrière de la maison située au n°7 donnant sur le jardin de la maison située au n°5, elle est revenue sur ses premières déclarations dès le 1er septembre suivant en indiquant qu'elle avait cédé à l'insistance de Mme X... ; qu'en outre, les intimés produisent deux photographies de la maison qu'ils ont achetée, dans l'état où elle se trouvait en 1994, qui corroborent le témoignage du vendeur, M. B..., selon lequel la terrasse existait depuis déjà depuis 1974, et celui des époux C... qui indiquent en avoir constaté la présence dès leur arrivée en 1977 ; que, s'agissant de la vue dont on pouvait jouir depuis cette terrasse, alors que les pièces fournies par l'appelante, deux photocopies de photographies, plan de masse du pavillon qu'elle a fait démolir, ne permettent pas de constater qu'elle était obstruée par le toit de ce pavillon ou par de la végétation, aucune autre pièce n'est produite en contradiction avec les témoignages de M. B... et des époux C... selon lesquels la terrasse litigieuse avait une vue dégagée sur les jardins d'alentour ; qu'au contraire, l'attestation de M. René G..., illustrée d'un croquis des lieux, révèle que la construction qui se trouvait, et se trouve encore devant la terrasse, n'était pas le pavillon lui-même, mais un ancien abri anti-aérien converti en remise, dont la couverture en tôle est plus basse que le niveau de la terrasse ; que les intimés produisent encore en cause d'appel le témoignage de Mme Annie H..., propriétaire du fonds situé [...] , qui indique qu'elle a grandi dans le quartier, et qu'en 1962, la terrasse à l'arrière du n°7 était déjà présente et parfaitement visible de tous ; qu'elle ajoute qu'il n'y a jamais eu de plantations, ou autres, autour de cette terrasse qui a toujours eu une vue dominante et dégagée sur tous les jardins, notamment celui de la propriété appartenant actuellement à la famille X... ; qu'en conséquence, les éléments de la procédure ne révélant en aucune façon que l'exercice de la servitude de vue dont se réclament les époux Y... aurait été clandestine, contestée ou interrompue durant la période ayant précédé la saisine du tribunal de grande instance de Verdun, le jugement de celui-ci mérite d'être confirmé en ce qu'il a consacré l'acquisition, par possession de trente ans, de cette servitude au profit du fonds situé [...] , et ordonné sous astreinte la destruction du mur construit par Mme X... pour y faire obstacle ; que, par ailleurs, il résulte des photographies en couleur versées aux débats, et du rapport d'expertise établi, le 5 avril 2013, par le représentant de la société Matmut, assureur de protection juridique des époux Y..., qu'un mur en agglomérés de mauvaise facture, et inesthétique, a été construit, à l'initiative de Mme X..., à l'aplomb de la terrasse des époux Y... qu'il domine d'une hauteur de 2,5 mètres, en la privant d'ensoleillement ainsi que la pièce de séjour qui permet d'y accéder par une porte-fenêtre ; que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a alloué aux époux Y... une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur trouble de jouissance ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est mal fondée à contester l'existence de la servitude de vue attachée au fonds des époux Y... ; qu'elle sera donc déboutée de ses demandes tendant à voir condamner ceux-ci sous astreinte à supprimer la vue dont ils jouissent depuis leur terrasse, et à lui payer en conséquence des dommages-intérêts pour atteinte à son droit de propriété et perte d'intimité ; que le rapport d'expertise du 5 avril 2013 contenant des éléments tendant à établir que le mur construit à l'initiative de Mme X... pourrait être la cause de désordres au préjudice du fonds appartenant aux époux Y..., le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a, sur ce point, ordonné la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la servitude de vue, une servitude est, au sens de l'article 637 du Code Civil, une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ; que l'article 690 dudit code dispose que les servitudes continues et apparentes, telle la servitude de vue, s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans ;qu'aux termes d'une jurisprudence constante, la preuve de l'acquisition par usucapion trentenaire d'une servitude de vue par le propriétaire d'une véranda, d'un balcon ou d'une terrasse, est rapportée dès lorsqu'il apparaît que la possession de cet aménagement, par lequel s'exerce la servitude de vue sur le fonds voisin, est continue, paisible, publique et non équivoque depuis au moins 30 ans ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... ont acquis leur maison à usage d'habitation le 12 novembre 1994, celle-ci étant alors composée de trois étages et d'une terrasse donnant à l'arrière du bâtiment sur le jardin ; que l'existence de cette terrasse à cette date n'est pas contestée ; que s'agissant de déterminer sa datation exacte, il appert sur le plan cadastral de 1971 que figure déjà, à cette époque, un décrochement de l'immeuble correspondant à la terrasse existante ce jour ;que certes les relevés cadastraux ne sauraient constituer un titre pouvant fonder une servitude, mais ils peuvent servir de commencement de preuve ; que sont également fournis aux débats les attestations de M. Gilles I... et Mme Julienne I... - conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile - desquelles il ressort qu'étant directement voisins et demeurant rue [...] , et ce depuis 1980, ils ont toujours vu la présence d'une terrasse à l'arrière de la maison du n° 7, et que cette terrasse n'a jamais subi de transformation, elle a toujours eue une vue sur le [...] ; que force est donc de constater que depuis 1971, et à tout le moins depuis 1980, le fonds acquis par les époux Y... disposait d'une terrasse surplombant le jardin situé à l'arrière de l'habitation et ayant une vue directe sur le fonds voisin, détenu par Mme X..., soit depuis plus de trente lors de l'introduction de l'instance ; qu'il n'est pas démontré par cette dernière que cette servitude de vue, par nature continue, n'ait pas été paisible, publique et non équivoque ; qu'enfin, il importe peu que Mme X... ait obtenu l'autorisation administrative de réaliser des travaux d'extension de sa maison, à savoir la construction d'une terrasse et la démolition de la dépendance le 15 octobre 2012, dans la mesure où il est expressément indiqué dans l'arrêté municipal délivré le 14 mai 2014, à l'occasion de la démolition du mur en parpaing litigieux, que : « En ce qui concerne la reconstruction de ce mur en parpaing situé à l'arrière de votre propriété, ce type de construction ne relève par du Code de l'Urbanisme mais du code civil » ; qu'ainsi Mme X... ne saurait se prévaloir d'une autorisation administrative d'édification du mur, objet du présent litige ; que le second mur érigé par Mme X... sur son fonds, en limite de la propriété des époux Y..., d'une longueur de 3 m et d'une hauteur de 4,59 m, surplombe la terrasse de ces derniers de 2,50 m, ce qui obstrue la vue de leur terrasse et leur ensoleillement ; qu'en conséquence, il convient de faire droit la demande présentée par les consorts Y... en ordonnant à Mme X... de procéder à la destruction du mur édifié sur son fonds et empêchant la servitude de vue dont disposent les demandeurs, dans les 2 mois suivants la signification du présent jugement et en la condamnant, à défaut d'exécution dans le délai, au versement d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard ; que, sur la demande d'expertise judiciaire, les époux Y... sollicitent l'instauration d'une mesure d'investigation judiciaire afin de déterminer si leur mur privatif a subi des dégradations du fait des constructions successives du mur par Mme X... ; qu'ils se fondent sur le rapport établi contradictoirement le 5 avril 2013 par l'assureur protection juridique, la Matmut, aux termes duquel il ressort que:
-la fixation de plaques polystyrènes, par clouage sur le mur appartenant à M. Y..., provoque un arrachement de l'enduit, qui concerne autant le mur séparatif que le mur de soubassement de la terrasse, - le fait que le mur bouge, prouve son instabilité, un risque d'effondrement persiste, - la construction du mur crée une paroi opaque le long de la terrasse Y... - trouble de voisinage constitué par le défaut d'achèvement de l'ouvrage, aucune protection n'a été effectuée à la jonction des murs Y... et X... pour empêcher l'infiltration dos eaux pluviales ;
Qu'il échet de faire droit à cette demande en ordonnant une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. Lionel A..., avec mission telle que définie au dispositif du présent jugement, aux frais avancés de M. et Mme Y... ;
que, sur la demande de dommages et intérêts, ce même rapport met en évidence le trouble d'ensoleillement subi par les époux Y... à partir de midi, au niveau de la perte d'ensoleillement tant de la terrasse que du séjour de la maison d'habitation ; qu'il leur sera alloué en réparation de ces troubles qui perdurent depuis 2011, la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE l'agrément de bénéficier d'une vue dégagée ne peut s'analyser en une servitude de vue et ne constitue pas en milieu urbain un droit acquis ; qu'en affirmant que Mme X... ne produisait « aucune pièce en contradiction avec les témoignages de M. B... et les époux C... selon lesquels la terrasse avait une vue dégagée sur les jardins d'alentour » pour décider que le fonds des époux Y... bénéficiait sur le fonds de Mme X... d'une servitude de vue, la cour d'appel, qui a assimilé la servitude de vue à l'agrément de bénéficier d'une vue dégagée, a violé par fausse application les articles 677 et 678 du code civil ;
2°) ALORS QUE le propriétaire dont les vues, donnant sur le toit aveugle du voisin, ne peuvent causer aucune gêne susceptible de provoquer la contradiction de celui-ci, ne peut invoquer aucune possession utile pour prescrire ; qu'en se bornant à retenir, pour affirmer que les époux Y... justifiaient de l'exercice d'une servitude de vue durant trente ans, l'existence d'une terrasse bénéficiant d'une « vue dégagée sur les jardins alentours » sans rechercher, comme elle y était invitée, si la vue de ladite terrasse ne s'était pas exercée avant 1986 sur le toit aveugle de la maison de Mme X..., seul élément déterminant au regard de la prescription dont les époux Y... se prévalaient, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 678, 679 et 680 du code civil ;
3°) ALORS QUE les actes de prescription sur lesquels peut se fonder l'acquisition d'une servitude de vue par usucapion trentenaire doivent être de nature à éveiller l'attention du propriétaire voisin et à provoquer au besoin sa contradiction ; qu'en retenant, pour décider que les époux Y... avaient utilement prescrit pendant trente ans une servitude de vue directe sur le fonds de Mme X..., que l'exercice de la servitude de vue n'aurait pas été « clandestine, contestée ou interrompue » au motif inopérant que rien depuis cette date ne permet de constater que la vue de la terrasse était « obstruée» par le toit du pavillon de l'exposante, et que ladite terrasse avait une « vue
dégagée sur les jardins d'alentour », sans rechercher, comme elle y était invitée par les écritures de l'exposante, si, avant 1986, l'absence de gêne résultant d'une vue directe sur un toit aveugle était susceptible de provoquer la contradiction, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 678, 679 et 680 du code civil."