Si la faute est établie dès lors qu'un propriétaire a posé sur un piquet un gant de jardinage ficelé de manière à faire apparaître un seul doigt dressé et que cela est une une grossière provocation, le voisin ne justifie pas que le préjudice qu'il subit résulte d'une cause autre que "l'attention excessive qu'il porte au fond voisin" de sorte que sa demande tendant à sa suppression sous astreinte est rejetée.
"DÉCISION :
Vu l'appel que M. Pierre MERCERON a interjeté le 20 janvier 2013 du jugement rendu le 5 janvier 2012 par le juge de l'exécution de Beauvais ;
Vu les dernières conclusions de l'appelant notifiées le 27 février 2013 ;
Vu les dernières conclusions de l'intimé notifiées le 26 mars 2013 .
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. Pierre MERCERON et les époux NEDELEC sont propriétaires de fonds voisins à Avrigny, 60190, et le litige qui les oppose quant aux végétaux plantés par chacun d'eux en bordure de la limite séparative a donné lieu à une décision rendue par le tribunal d'instance de Beauvais le 07 mars 2011.
Estimant que M. MERCERON n'avait pas respecté les obligations mises à sa charge par cette décision, les époux NEDELEC l'ont assigné en liquidation d'astreinte devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Beauvais, qui par jugement en date du 5 janvier 2012, auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé du litige, a :
- liquidé l'astreinte ordonnée par le Tribunal d'Instance de Beauvais et condamné M. MERCERON à payer aux époux NEDELEC la somme de 2.260 €,
- condamné Monsieur MERCERON, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant une période de six mois, passé le délai de trente jours à compter de la signification du jugement, à couper les bambous qui dépassent sur la propriété des époux NEDELEC, à couper les racines, rhizomes et turions qui avancent chez ses voisins en passant sous la clôture et à faire réaliser une barrière anti rhizome par un professionnel,
-condamné M. MERCERON à payer aux époux NEDELEC une indemnité de 200 € en réparation de leur trouble de jouissance,
- condamné M. MERCERON aux dépens et au paiement aux époux NEDELEC d'une somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
M. MERCERON a relevé appel de cette décision pour que la Cour , au vu des pièces et des procès-verbaux de constat qu'il a produits, dise qu'il a respecté les termes du jugement rendu le 07 mars 2011, déboute les époux NEDELEC de leurs demandes et dise n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte, condamne les époux NEDELEC à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonne en outre aux époux NEDELEC sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une période de six mois passé le délai de 130 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de couper les charmilles qui dépassent sur la propriété de leur voisin, d'arracher les charmilles plantées à une distance inférieure à 50 cm de la clôture et de retirer le gant de jardinage ficelé de manière à ne faire apparaître un seul doigt dressé, qui correspond au majeur, et les condamne, enfin, en tous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au coût des PV de constat.
Les époux NEDELEC demandent, au contraire, à la Cour de confirmer le jugement du 5 janvier 2012 en toutes ses dispositions et, en conséquence, de débouter M. MERCERON de l'ensemble de ses demandes, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'instruction dont ils offrent d'avancer les frais, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment informée de la situation de fait réelle en raison des allégations de l'appelant quant à la description de la situation sur le terrain.
Les époux NEDELEC demandent, par ailleurs, que la Cour condamne M. MERCERON aux dépens et à leur régler la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et confirme les dispositions du jugement de ces chefs.
MOTIFS
Sur l'objet de l'actuel litige
C'est en vain que chacune des parties procéde à un historique du conflit qui l'oppose à l'autre en fournissant une version des faits dont il résulterait, selon elle, la démonstration de sa parfaite bonne foi et de la turpitude de son adversaire, la Cour n'étant saisie, dans le cadre de la présente instance, ni des circonstances qui ont suscité le litige originaire, ni des fautes éventuellement commises par le passé par chacun des belligérants ni, davantage d'ailleurs, du bien fondé des dispositions du jugement du 7 mars 2011- à ce jour définitif - par lesquelles le tribunal d'instance a mis à la charge de chacun des voisins des obligations de faire sous astreinte mais uniquement de l'appel de la décision qui a procédé à la liquidation de l'astreinte, en exécution du jugement précité rendu par le tribunal d'instance de Beauvais et à la fixation d'une nouvelle astreinte.
Ce jugement du 7 mars 2011, assorti de l'exécution provisoire, a
- ordonné sous astreinte de 20 € par jour de retard, passé un délai de trois semaines à compter de la décision, la taille et la coupe par M. Pierre MERCERON des bambous qui dépassent sur la propriété de Monsieur et Madame NEDELEC ainsi que la réduction à hauteur légale, c'est-à-dire à 2 mètres, de ceux plantés à moins de deux mètres de la limite des propriétés,
- ordonné sous astreinte de 20 € par jour de retard, passé un délai de trois semaines à compter de la décision, la coupe par M. Pierre MERCERON des racines, rhizomes et turions qui avancent chez les époux NEDELEC en passant sous la clôture, ainsi que la réalisation d'une barrière efficace anti-rhizomes, les travaux devant être exécutés par un professionnel, rendez-vous préalablement pris avec les époux NEDELEC (afin d'accèder à leur propriété),
-ordonné, sous astreinte de 20 € par jour de retard, passé un délai de trois semaines à compter de la décision, l'arrachage par les époux NEDELEC de la partie de haie plantée à une distance moindre de 0,50 mètre de la clôture séparative.
C'est donc le respect par chacune des parties de ces prescriptions - dont l'appréciation incombait au juge de l'exécution - qui fera l'objet de l'examen de la cour , cet examen portant toutefois aussi, par l'effet dévolutif de l'appel, sur la demande reconventionnelle et les demandes annexes.
Sur le respect par les époux NEDELEC de l'obligation mise à leur charge par la décision du tribunal d'instance
Les époux NEDELEC affirment qu'ils ont procédé dans les plus brefs délais, ainsi qu'il résulte de la facture « Arbotechnic » qu'ils versent aux débats, à l'arrachage de la partie de haie plantée à une distance moindre de 0,50 mètre de la clôture séparative.
M. Pierre MERCERON conteste le respect de cette prescription par les époux NEDELEC et prétend inférer cette carence des mentions d'un constat d'huissier qu'il verse au débat.
Mais la Cour relève que le constat d'huissier de Maître BELLANGER en date du 20 décembre 2011 produit par M. MERCERON au soutien de ses allégations mentionne seulement: «Monsieur MERCERON me montre une baguette en bois d'une longueur de 50 cm taillée par ses soins pour cette circonstance. Il place cette baguette contre le pied de l'un des plants de charmille qui jouxte le grillage séparatif des propriétés et je constate que la baguette dépasse sur le fonds du requérant, ce qui signifie de facto que le pied de charmille est planté à moins de 50 cm de la limite de propriété ».
La dimension de la baguette spécialement taillée par M MERCERON n'ayant fait l'objet d'aucun contrôle par l'huissier, les constatations de celui-ci quant à la distance séparant les plantations de la limite séparative sont dépourvues de toute force probante.
De même, un cliché joint par l'huissier permet certes de constater que la distance -cette fois curieusement mesurée avec un mètre- séparant une branche de la clôture est inférieure (de quelques cms, seulement, il est vrai) à la distance réglementaire mais une telle constatation est inopérante. En effet, la circonstance que la branche, qui fait un coude en direction de la limite séparative, soit à une distance inférieure à 50cms, ne démonte nullement que le tronc de l'arbre qui la supporte est lui même implanté à une telle distance.
M MERCERON ne rapporte donc pas la preuve de ses allégations quant au manquement qu'il impute aux époux NEDELEC et ne peut qu'être, en conséquence, débouté de ses demandes tendant à la condamnation des intimés à une obligation de faire sous astreinte, la facture produite par les intimés, qu'aucun élément pertinent ne vient contredire, justifiant qu'ils ont respecté l'obligation mise à leur charge.
Sur la demande de M. MERCERON tendant à obtenir la condamnation sous astreinte de ses voisins à retirer le gant de jardinage ficelé de manière à ne faire apparaître qu'un seul doigt dressé, qui correspond au majeur et la demande en dommages intérêts
Il est constant que le gant et le piquet qui lui sert de support, qui font l'objet de la demande de M. MERCERON, sont implantés dans la propriété de ses voisins et qu'aucun empiétement n'est allégué.
Si un abus de son droit peut toutefois conduire le juge à imposer au propriétaire qui s'en rend responsable de le faire cesser, encore faut-il que le requérant qui réclame une telle mesure justifie tout à la fois d'une faute de l'auteur de l'abus allégué et d'un préjudice que lui cause cette faute.
Or si la faute des époux NEDELEC apparaît démontrée par la production du constat qui établit à leur charge une grossière provocation, la description permettant de constater la mise en place d'un «doigt d'honneur», l'appelant ne justifie pas que le préjudice qu'il subit résulte d'une cause autre que l'attention excessive qu'il porte au fond voisin.
Dans ces conditions, la demande tendant à la suppression sous astreinte de l'objet incriminé sera écartée, tout comme la demande en dommages intérêts que ne justifie aucun préjudice démontré par l'appelant.
Sur le respect par M. MERCERON des obligations mises à sa charge par la décision du tribunal d'instance
C'est à juste titre que le juge de l'exécution, après avoir constaté que l'appelant avait fait procéder à l'arrachage de ses bambous le 2 mai 2011 par AD'HOM SERVICES, a relevé que M MERCERON n'établissait pas avoir satisfait aux prescriptions de cette décision en produisant seulement une facture et des constats portant une date antérieure au jugement du tribunal d'instance.
En effet, M MERCERON, qui s'est abstenu de relever appel du jugement du tribunal d'instance, ne saurait être admis à soutenir qu'une barrière de protection anti-rhizome avait été mise en place avant même ce jugement si bien qu'il aurait été dispensé d'en implanter une autre ainsi que le lui a ordonné, sous astreinte, la décision du tribunal d'instance.
Au demeurant, ainsi que l'a encore relevé le premier juge, les constats dressés par Me TALLIER les 13 mai, 9juin et 8 septembre 2001 que produisent les intimés établissent que les mesures prétendûment mises en oeuvre par M MERCERON, quelqu'en soit la nature, et contrairement à l'obligation mise à sa charge, ne constituent pas une protection efficace puisque des rejets de bambous provenant du fond voisin ont été constatés sur le terrain des époux NEDELEC.
Et si M MERCERON a fait constater la présence, en terre, d'une goulotte, vraisemblablement mise en place lors de la plantation des bambous, il ne justifie pas, après la décison du tribunal d'instance, de l'intervention d'un professionnel, pourtant imposée, de manière exprès, par cette décision, manifestement dans le souci de parvenir au choix d'une solution technique adaptée pour contenir la progression de végétaux connus pour leur caractère invasif.
C'est donc avec raison que le premier juge a liquidé l'astreinte en retenant que M. MERCERON ne s'était pas conformé à l'ensemble des prescriptions du jugement du tribunal d'instance.
Sur la liquidation de l'astreinte
Le jugement du 7 mars 2011 a été signifié à M. MERCERON le 21 avril 2011, et n'a fait l'objet d'aucun recours, ainsi qu'il résulte du certificat de non appel du 26 mai 2011.
Les intimés soulignent avec raison qu'aucun élément postérieur à l'audience de plaidoirie du juge de l'exécution en date du 3 novembre 2011 ne saurait être pris en considération par la cour pour se prononcer sur le bien fondé de la liquidation de l'astreinte par le jugement querellé.
Au moment de l'évocation de l'affaire par le juge de l'exécution, M. MERCERON, ainsi qu'indiqué dans les motifs qui précèdent, ne justifiait pas avoir fait procéder à la mise en place par un professionnel d'une barrière anti-rhizome, comme ordonné par le tribunal d'instance de Beauvais et n'établissait ni même n'allégait aucune circonstance susceptible de l'avoir empêché de s'exécuter.
L'article 36 alinéa 1er de la loi du 9 juillet 1991 dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Aucun élément ne conduit, en l'espèce, à modérer l'astreinte.
Le délai de trois semaines accordé à M. MERCERON pour s'exécuter a commencé à courir à compter de la signification, soit le 21 avril 2011 et, en l'état de ce délai, le cours de l'astreinte elle-même trois semaines plus tard, soit le12 mai 2011.
La somme journalière étant fixée par le jugement à 20 euros, il était dû au moment de la liquidation de l'astreinte le 5 janvier 2012, pour une durée de 238 jours : 20 € x 238 soit 4.760euros.
Les époux NEDELLEC se bornant à solliciter la confirmation du jugement, la cour fera droit à cette demande, M. MERCERON ne pouvant voir son sort aggravé sur son seul appel.
Sur le prononcé d'une nouvelle astreinte et l'octroi de dommages intérêts
Les allégations de M MERCERON relatives à la mise en culture par les époux NEDELEC de bambous sur leur propre fond, pour lui nuire en le faisant condamner, ne sont en aucune façon étayées par les constats qu'il verse au débat, lesquels ne font que décrire des bambous tuteurés se dressant sur le fond voisin, constatation que ne démentent pas les intimés qui nient avoir planté ces végétaux mais expliquent les avoir protégés afin de pouvoir faire constater leur existence.
Les époux NEDELEC, en réplique, ont également fait dresser un constat le 18 octobre 2012 qui démontre, après dégagement de la terre qui les recouvre, que les racines de l'un de ces bambous ainsi tuteuré, suivies le long d'une tranchée creusée à cet effet, conduisent jusqu'au fond voisin, cette constatation démontrant que, contrairement aux assertions de l'appelant, les intimés n'ont nullement procédé à la plantation de bambous pour lui nuire mais qu'ils subisssent les tendances invasives de ces végétaux que devait précisemment pallier la barrière anti-rhizome que M MERCERON était tenu de mettre en place.
A ce jour, au demeurant, M MERCERON ne justifie toujours pas qu'il a fait procéder aux travaux mis à sa charge et continue à se prévaloir de la goulotte installée lors de la plantation originaire et qui a d'ailleurs été déjà évoquée devant le tribunal d'instance dont la décision n'en a pas moins obligé l'appelant à l'exécution d'une barrière anti-rhizome par un professionnel ainsi que sus-rappelé.
La persistance fautive de M. MERCERON dans son abstention, qui a pour effet la perpétuation du préjudice des époux NEDELEC, justifie pleinement la décision du premier juge de prononcer une nouvelle astreinte d'un montant augmenté et l'allocation des dommages-intérêts par lui fixés.
La décision sera en conséquence également confirmée sur ces points.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. MERCERON qui succombe supportera les dépens sans qu'il apparaisse inéquitable de laisser à la charge des époux NEDELEC les frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer pour se défendre, leur attitude provocatrice précédemment décrite caractérisée par l'implantation sur leur propriété d'un symbole injurieux ayant nécessairement contribué à la perpétuation du litige.
Les parties seront donc chacune déboutées de leurs réclamations respectives présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement quant aux dépens et de ce chef étant toutefois confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant après débats publics, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Déboute M. Pierre MERCERON de son appel et de toutes ses demandes,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, en ce compris les dispositions relatives aux dépens de première instance et à la somme allouée aux époux NEDELEC en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne M. MERCERON aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de la SELARL GARNIER ROUCOUX ET ASSOCIES, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes respectives présentées au titre de leurs frais non répétibles exposés en appel."