Cet arrêt juge illégal un permis de construire parce que le projet, par sa situation, ses dimensions et ses caractéristiques, est de nature à porter significativement atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ainsi qu'aux paysages urbains et naturels respectivement du centre-bourg de la commune.
"Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, M. U... W..., M. P... H..., la SCI du Pas St Martin, Mme X..., M. J... T..., M. I... D..., M. L... Q..., M. C... M..., M. A... R... et Mme B... N... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2018 par lequel le maire de Saint-Lunaire a délivré à la société civile immobilière de construction-vente Saint-Lunaire (SCCV) Saint-Lunaire un permis de construire une résidence services pour personnes âgées de cent trois logements sur un terrain situé boulevard de la Plage valant notamment autorisation de travaux pour la création d'un établissement recevant du public, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement nos 1805413, 1900915 du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 10 septembre 2018 du maire de Saint-Lunaire ainsi que la décision du 19 décembre 2018 par laquelle il a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 mai 2020 sous le n° 20NT01547, et des mémoires enregistrés les 14 décembre 2020 et 8 février 2021, la SCCV Saint-Lunaire, représentée par Me Bonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1805413, 1900915 du 26 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter les demandes de première instance, ou subsidiairement, de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. W... et de M. H... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la SCI du Pas St Martin, Mme X..., M. T..., M. D..., M. R..., M. Q... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. V..., M. H..., la SCI du Pas St Martin, M. T... et M. R... ne disposaient pas d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire délivré à la SCCV Saint Lunaire le 10 septembre 2018 ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles UE 11 et UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Lunaire ; l'arrêté de permis de construire délivré à la SCCV Saint Lunaire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- les vices tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UE 11 et UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Lunaire, s'il devait entacher le permis de construire litigieux, sont régularisables par le dépôt d'un permis de construire modificatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2020, 30 janvier et 27 février 2021, M. U... W... et M. P... H..., représentés par Me Collet, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Lunaire et de la SCCV Saint-Lunaire, le versement à chacun des requérants de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- ils présentent un intérêt à agir contre l'arrêté du 10 septembre 2018 ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance sont également de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, la SCI du Pas St Martin, M. P... X..., M. C... M..., M. I... D..., M. A... R..., et M. L... Q..., représentés par Me Busson, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire de la commune de Saint-Lunaire et de la SCCV Saint-Lunaire, le versement de la somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- ils présentent un intérêt à agir contre l'arrêté du 10 septembre 2018 ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance sont également de nature à entrainer l'annulation de l'arrêté litigieux.
La commune de Saint-Lunaire, représentée par Me Rouhaud, a présenté des observations par deux mémoires, enregistrés les 15 décembre 2020 et 18 janvier 2021.
II. Par une requête enregistrée le 29 mai 2020 sous le n° 20NT01563, et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2020, 15 janvier 2021 et 9 février 2021, la commune de Saint-Lunaire, représentée par Me Rouhaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1805413, 1900915 du 26 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter les demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. W..., M. H..., la SCI du Pas St Martin, M. X..., M. T..., M. D..., M. Q..., M. M..., M. R... et Mme N... une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il a méconnu le principe du contradictoire ; elle n'a disposé que d'un délai de 10 jours pour répondre aux mémoires communiqués le 28 janvier 2020 par les requérants ;
- M. V... et M. H... ne disposaient pas d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire délivré à la SCCV Saint Lunaire le 10 septembre 2018 ;
- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles UE 11 et UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Lunaire ; l'arrêté de permis de construire délivré à la SCCV Saint Lunaire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- les vices tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UE 11 et UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Lunaire, s'il devait entacher le permis de construire litigieux, sont régularisables par le dépôt d'un permis de construire modificatif.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2020, 30 janvier 2021 et 27 février 2021, M. U... W... et M. P... H..., représentés par Me Collet, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Lunaire et de la SCCV Saint-Lunaire, le versement à chacun des requérants de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable ; le maire de la commune de Saint-Lunaire n'établit pas avoir été habilité par le conseil municipal pour ester en justice ;
- ils présentent un intérêt à agir contre l'arrêté du 10 septembre 2018 ;
- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance sont également de nature à entrainer l'annulation de l'arrêté litigieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonneau, représentant la SCCV Saint-Lunaire, Me Mésséant, représentant la commune de Saint-Lunaire, Me Collet, représentant MM. H... et W... et Me Busson, représentant la SCI du Pas St Martin et autres.
Considérant ce qui suit :
1. La SCCV Saint-Lunaire a déposé le 21 décembre 2017 un dossier de demande de permis de construire une résidence services pour personnes âgées de cent trois logements sur un terrain cadastré à la section AB n°174, n°176 et n°180, situé boulevard de la plage à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine). Cette demande a fait l'objet, le 5 juin 2018, d'un avis favorable assorti de prescriptions de l'architecte des bâtiments de France. Par un arrêté du 10 septembre 2018, le maire de Saint-Lunaire a délivré à la SCCV Saint-Lunaire, au nom de la commune, le permis de construire sollicité, assorti de plusieurs prescriptions. Par un jugement du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 10 septembre 2018 ainsi que la décision du 19 décembre 2018 portant rejet du recours gracieux formé contre cette décision. La SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire relèvent appel de ce jugement.
2. Les requêtes n°s 20NT01547 et 20NT01563 présentées par la SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. ".
4. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que, par deux lettres du 13 janvier 2020, le tribunal administratif a informé les parties qu'à compter du 28 janvier 2020, l'instruction des affaires nos 1805413, 1900915 était susceptible d'être close immédiatement dès lors qu'il n'attendait pas de nouvelles écritures. Des mémoires et des pièces, produits dans les deux instances, d'une part par M. V... et M. H..., d'autre part par la SCI du Pas Saint-Martin et autres, respectivement les 27 et 28 janvier 2020, qui ne portaient plus que sur la régularisation éventuelle des places de stationnement du projet, ont été communiqués aux parties le 28 janvier 2020. Le 7 février 2020, une ordonnance de clôture d'instruction est intervenue pour chacune des affaires, conformément aux calendriers prévisionnels d'instruction, après avoir laissé aux parties un délai suffisant pour répondre aux dernières écritures, la commune ayant d'ailleurs produit le même jour. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, en raison d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, en tant qu'elle a été présentée par M. V... et M. H..., la SCI du Pas Saint Martin, M. T... et M. R... :
5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. H... et M. W... sont chacun propriétaires d'un terrain situé rue du Goulet, sur lesquels sont implantées leurs maisons d'habitation. Ces terrains, situés à une centaine de mètres de la parcelle d'assiette du projet, sont séparés de celle-ci par l'estran du Goulet. Si les intéressés ne peuvent être regardés comme étant des voisins immédiats, il n'est pas sérieusement contesté qu'ils bénéficieront d'une vue directe sur le bâtiment projeté, implanté en " R+2+C " d'un linéaire de plus de quatre-vingt mètres le long de la rive opposée du Goulet. L'implantation du futur immeuble aura par ailleurs une incidence sur les vues dont ils disposent, depuis leurs propriétés, sur le centre-bourg de Saint-Lunaire, lequel présente des qualités patrimoniales et esthétiques. Dans ces conditions, les travaux projetés sont susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens respectifs.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la SCI du Pas St Martin, M. T... et M. R... sont chacun propriétaires de biens immobiliers respectivement situés 229 et 279 boulevard de la Plage, et 110 rue Victor Renaud. Compte tenu de la proximité de ces biens avec la parcelle d'assiette du projet, ils doivent être regardés comme étant des voisins immédiats. Les intéressés font par ailleurs état de l'ampleur des constructions envisagées, d'une hauteur de 12 mètres, d'une emprise au sol de 2 400 m2 pour une surface de plancher de 6 380 m2. Dans ces conditions, et au vu de l'ensemble des pièces du dossier, le projet est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens respectifs.
9. Il résulte de ce qui précède que la SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire ne sont pas fondées à soutenir que la demande, en tant qu'elle a été présentée par M. V..., M. H..., la SCI du Pas Saint Martin, M. T... et M. R... n'était pas recevable aux motifs qu'ils ne justifieraient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour contester l'arrêté contesté.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 10 septembre 2018 :
S'agissant de la méconnaissance de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire : " 11.1 Tout projet de construction devra présenter un volume, une implantation et un aspect satisfaisants, permettant une bonne intégration dans l'environnement tout en tenant compte du site général dans lequel il s'inscrit et notamment la végétation existante et les constructions voisines qui y sont implantées. / 11.2 La qualité recherchée vise aussi bien les volumes, y compris la forme de la toiture, que les percements, les couleurs, la nature des matériaux apparents et les détails architecturaux. (...) ". Ces dernières dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision attaquée.
11. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un site ou un paysage propre à fonder le refus opposé à une demande d'autorisation de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ladite autorisation, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce site.
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le centre-bourg de la commune de Saint-Lunaire est localisé dans un site patrimonial remarquable et présente un paysage urbain d'un intérêt certain. Par ailleurs, à l'exception des berges situées sur le terrain d'assiette du projet, l'estran du Goulet et la quasi-totalité de ses berges sont protégés par le plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire au titre des espaces remarquables du littoral. Il ressort des plans et des photographies produits par les parties que le lieu, au sein duquel se situe la parcelle d'assiette du projet, présente également un intérêt remarquable, de par la qualité des paysages et des sites naturels environnants.
13. D'autre part, la construction projetée est implantée, pour une grande partie, à seulement quelques mètres de la berge du Goulet. Elle présentera, parallèlement à cet estran, une longueur de façade de quatre-vingt-dix mètres et une hauteur constante de douze mètres par rapport au terrain naturel. Elle surplombera au demeurant l'estran et ses berges de plus d'une quinzaine de mètres. Le bâtiment comportera trois ailes perpendiculaires d'une largeur importante d'une quinzaine de mètres, dont deux d'entre elles s'avanceront vers l'estran sur plus d'une dizaine de mètres. Dès lors, la construction envisagée, de par ses dimensions massives et son important volume, engendrera un " effet barre " le long de l'estran du Goulet, de sorte que sa vue écrasera la végétation du terrain d'assiette ainsi que la berge. L'implantation du futur immeuble empêchera, par ailleurs, les vues sur le centre-bourg de Saint-Lunaire, qui présente des qualités patrimoniales et esthétiques certaines, depuis l'autre rive de l'estran du Goulet. En outre, et ainsi qu'il a été dit, le projet présentera un coefficient d'occupation des sols légèrement supérieur à 100 % et une emprise au sol de 2 400 m2 pour une surface de plancher de 6 380 m2 sur un terrain d'une superficie de 6 340 m2. Il envisage la création de 103 logements, alors qu'il se situera à proximité immédiate d'un espace naturel remarquable, et au sein d'un quartier de la commune de Saint-Lunaire essentiellement composé de maisons d'habitation individuelles. Par conséquent, le projet litigieux, par sa situation, ses dimensions et ses caractéristiques, est de nature à porter significativement atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ainsi qu'aux paysages urbains et naturels respectivement du centre-bourg de la commune de Saint-Lunaire et de l'estran du Goulet. Il ne permettra pas une bonne intégration dans son environnement au regard du site général dans lequel il s'inscrit, notamment par rapport à la végétation existante, à la berge et aux constructions voisines.
14. Enfin, la circonstance que le projet respecterait les prescriptions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine de la commune de Saint-Lunaire, relatives à l'implantation, la volumétrie et la qualité architecturale des constructions nouvelles, à la supposer établie, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, est sans incidence sur la légalité du permis contesté au regard de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
15. Il résulte de ce qui précède que c'est par une inexacte application des dispositions de de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme que le maire de Saint-Lunaire a délivré le permis de construire sollicité.
S'agissant de la méconnaissance de l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire :
16. Aux termes de l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire : " 12.1 Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions ou installations devra être assuré en dehors des voies publiques. (...) / 12.3.7 Constructions destinées à d'autres usages : / Pour les équipements d'intérêt général, le nombre de places sera défini en fonction des effectifs et de l'accueil des usagers. (...) / Pour les foyers et autres établissements de ce type le nombre de places sera défini en fonction du degré de motorisation des personnes hébergées et des besoins liés aux visites. (...) ".
17. La construction projetée, qui consiste à implanter une résidence service pour personnes âgées, doit être regardée comme un " foyer " ou un " autre établissement de ce type ", au sens des dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Lunaire, en dépit de ce que la majorité de ses surfaces sera destinée au logement. Dans ces conditions, le nombre de places de stationnement prévu par le projet doit être défini en fonction du degré de motorisation des personnes hébergées, des membres du personnel et des besoins liés aux visites.
18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCCV Saint-Lunaire prévoit la construction de cent trois logements destinés à la location par des personnes âgées autonomes ou en perte d'autonomie. La moitié de ces logements sera destinée à accueillir des couples, de sorte qu'environ 150 personnes résideront au sein du bâtiment projeté. En outre, le projet envisage la création d'un établissement recevant du public comprenant un restaurant et plusieurs salles destinées à l'accueil des familles des résidents ainsi qu'à l'organisation d'activités pour ces derniers. Cet établissement accueillera un personnel composé de vingt-cinq employés, dont quinze seront simultanément présents sur place. Il ressort du dossier spécifique, permettant de vérifier la conformité de l'établissement aux règles d'accessibilité et de sécurité contre l'incendie et la panique, que le bâtiment pourra ainsi accueillir jusqu'à 406 personnes. Afin de répondre aux besoins en stationnement des résidents, du personnel et des visiteurs, la société pétitionnaire a prévu 7 places de stationnement réservées pour les membres du personnel, 1 place réservée à un véhicule de transport affecté à l'établissement, au service des résidents, et 15 places réservées aux résidents de l'établissement. Aucune place n'a été prévue pour les visiteurs, lesquels devront utiliser les places de stationnement situées le long du boulevard de la Plage ou au sein des parcs de stationnement municipaux.
19. D'une part, en dépit de ce que le pétitionnaire aurait prévu un " recrutement local ", ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, et que l'établissement serait desservi par un arrêt de bus, le nombre de places de stationnement réservées aux membres du personnel, qui implique que moins de la moitié de ceux-ci utilisent un véhicule motorisé pour se rendre à leur travail, n'apparaît pas suffisant et adapté aux effectifs de la résidence projetée.
20. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les résidents de la future résidence soient, dans leur immense majorité, insusceptibles de conduire ou de disposer de leur propre véhicule personnel. Par suite, la définition des besoins du pétitionnaire, qui suppose un degré de motorisation des résidents à hauteur de 10 %, apparaît insuffisante et inadaptée.
21. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, les dispositions précitées du plan local d'urbanisme s'opposent directement à la possibilité, pour le pétitionnaire, d'envisager que les usagers et visiteurs puissent utiliser les places de stationnement situées sur les voies publiques.
22. Il résulte de ce qui précède que c'est par une inexacte application des dispositions de de l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme que le maire de Saint-Lunaire a délivré le permis de construire sollicité.
Sur l'application des article L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de justice administrative :
23. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis (...) d'aménager, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
24. Le vice mentionné aux points 12 à 15, tiré de ce que le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme et porte atteinte au site naturel et urbain dans lequel il s'inscrit, d'un intérêt remarquable, n'est pas relatif à une partie identifiable du programme. Eu égard à la situation, à la dimension et aux caractéristiques du projet, la régularisation de ce vice implique de revoir l'économie générale du projet et d'y apporter un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la cour ne peut faire application, ni des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, ni de celles de l'article L. 600-5-1 du même code.
25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. W... et M. H... à la requête n°20NT01563, que la SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire ne sont pas fondées à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 10 septembre 2018 du maire de Saint-Lunaire ainsi que la décision du 19 décembre 2018 par laquelle il a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. W..., M. H..., la SCI du Pas St Martin,
M. X..., M. T..., M. D..., M. R..., M. Q..., M. M..., et Mme N..., qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire et non compris dans les dépens.
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Lunaire le versement à M. W... et M. H... d'une somme globale de 750 euros.
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCCV Saint-Lunaire, d'une part, le versement, à M. W... et M. H... d'une somme globale de 750 euros et, d'autre part, le versement à la SCI du Pas St Martin, M. P... X..., M. I... D..., M. C... M..., M. A... R... et M. L... Q... d'une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de la SCCV Saint-Lunaire et la commune de Saint-Lunaire sont rejetées.
Article 2 : La commune de Saint-Lunaire versera une somme globale de 750 euros à M. W... et M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SCCV Saint-Lunaire versera une somme globale de 750 euros à M. W... et M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La SCCV Saint-Lunaire versera une somme globale de 1 500 euros à la SCI du Pas St Martin, M. P... X..., M. C... M..., M. I... D..., M. A... R... et M. L... Q... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. U... W..., à M. P... H..., à la SCI du Pas St Martin, représentant unique, pour l'ensemble de ses co-défendeurs, à la commune de Saint-Lunaire et à la SCCV Saint-Lunaire."