Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le risque d'éviction garanti par le vendeur doit être actuel et non pas seulement éventuel

C'est ce que juge cet arrêt : l'éviction suppose un trouble actuel et non simplement éventuel et la simple connaissance par l'acheteur de l'existence d'un droit au profit d'un tiers susceptible de l'évincer ne suffit pas à lui permettre d'agir en garantie.

625fd572eccc22f34e6b8c06-1650447751-1200x675.jpg

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 avril 2021), par acte authentique du 6 septembre 2011, M. et Mme [Z] ont acquis de M. et Mme [P] une propriété bâtie composée d'une maison d'habitation et d'une piscine hors-sol, édifiées sur un terrain cadastré section [Cadastre 2], d'une contenance de 20 ares 44 centiares.

2. Ayant appris, postérieurement à la vente, que la piscine empiétait sur la parcelle voisine appartenant à la société civile immobilière Christian Nesty (la SCI), M. et Mme [Z] ont assigné M. et Mme [P], sur le fondement de la garantie d'éviction et du dol, en paiement du coût des travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle et en indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre de la garantie d'éviction, alors :

« 1°/ que la garantie d'éviction s'exerce sur la chose vendue ; qu'en considérant que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, aux motifs « qu'il n'existe pas de défaut de contenance de la parcelle en cause de sorte que M. et Mme [P] en vendant l'immeuble cadastré [Cadastre 2] sis à [Localité 4] (Goyave) n'ont pas cédé de droits aux Consorts [Z]-[L] sur la portion de terre litigieuse jouxtant leur propriété laquelle appartient à la SCI Christian Nesty », et que « la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit », sans rechercher si, bien que la superficie de la parcelle vendue ait correspondu aux plans de bornage antérieurs, la circonstance que la SCI Christian Nesty ait revendiqué la propriété de la parcelle sur laquelle était implantée la piscine hors-sol qui était mentionnée, à l'acte authentique de vente, dans la désignation du bien vendu par les époux [P] aux époux [Z] ne caractérisait pas un risque d'atteinte au droit de propriété acquis par ces derniers, obligeant les vendeurs à garantir les acquéreurs de l'éviction ou du risque d'éviction de la portion de terre litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel a constaté, par des motifs propres et adoptés, que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine », et que « par courrier du 01 juin 2012 le représentant de cette SCI [SCI Christian Nesty] a fait savoir aux consorts [Z]-[L] que l'emplacement de leur "piscine et (de leur) clôture empiétait sur la parcelle qui jouxte (leur) propriété" et qu'il leur appartenait de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les (leurs)" puis par missive du 1er avril 2016 a renouvelé cette demande en précisant que suite à la réalisation d'un procès-verbal de bornage révélant que "cette barrière empiète sur (son) propre jardin (et que) l'empiétement s'étend sur une surface de 375 m² il les met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire "en vertu de l'article 544 du code civil (à défaut de) l'arrêt de cet empiétement, dans les meilleurs délais" », ce dont il résultait l'existence d'un risque d'éviction tenant à ce que la SCI Christian Nesty revendiquait la propriété de la parcelle incluant la piscine et la clôture que les époux [Z] avaient acquis des époux [P] ; qu'en retenant néanmoins que « le contenu de ces courriers ne caractérise pas l'éviction ou le risque d'éviction des Consorts [Z]-[L] puisque la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1625 et 1626 du code civil ;

3°/ qu'en retenant, pour dire que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, que « les écritures et pièces du dossier notamment le rapport d'expertise en date du 10 décembre 2017 diligenté par M. [Y] [S] révèlent que ladite piscine (en kit bois construite en 2006 et vétuste) a été démolie en 2016 de sorte qu'elle n'est plus implantée sur la portion litigieuse, seule la clôture dont il n'est pas rapporté qu'elle soit définitive demeurant entre les fonds, selon les termes dudit rapport », quand cette circonstance tirée de ce que, postérieurement à la vente, la consistance de la chose vendue aurait été partiellement modifiée était inopérante au regard de la revendication par la SCI Christian Nesty de la propriété de la portion de parcelle sur laquelle avaient été placées la piscine et la clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ;

4°/ que la cour d'appel a constaté que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine », et « qu'ils versent aux débats : un courrier du 1er juin 2012 adressé par la SCI Christian Nesty, propriétaire de la parcelle sur laquelle la piscine était susceptible d'empiéter, sollicitant de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les vôtres", mais qui n'a fait l'objet d'aucune suite ; un courrier du 1er avril 2016, adressé par la SCI Christian Nesty, demandant de cesser l'empiètement et rappelant qu'aux termes de l'article 544 du code civil, ils pourraient être contraints de démolir "la barrière" à leurs frais » ; qu'en considérant néanmoins, par des motifs adoptés, que les époux [Z] n'apportaient pas la preuve d'un trouble actuel autorisant la mise en oeuvre de la garantie d'éviction, dès lors « qu'aucune action judiciaire n'a été intentée à titre principal par la SCI Nesty afin d'être rétablie dans ses droits, étant observé que le droit de propriété de la SCI Nesty sur ce morceau de parcelle pouvait être remis en cause par une prescription acquisitive, la situation perdurant depuis plus de dix ans », quand elle constatait que le représentant de la SCI Christian Nesty avait clairement manifesté son intention de faire valoir son droit sur la portion de terre contenant la piscine et la clôture et de contester celui des époux [Z], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a encore violé les articles 1625 et 1626 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a énoncé à bon droit que l'éviction supposait un trouble actuel et non simplement éventuel, la simple connaissance par l'acheteur de l'existence d'un droit au profit d'un tiers susceptible de l'évincer ne suffisant pas à lui permettre d'agir en garantie.

6. Ayant relevé qu'une lettre du 1er juin 2012, adressée par la SCI à M. et Mme [Z] les sollicitant de prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites de leur parcelle, n'avait fait l'objet d'aucune suite et que, si, par une lettre du 1er avril 2016, la SCI leur avait rappelé qu'aux termes de l'article 544 du code civil ils pourraient être contraints de démolir « la barrière » à leurs frais, aucune action judiciaire n'avait été intentée par ce tiers afin d'être rétabli dans ses droits, elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que l'existence d'un trouble de droit actuel subi par les acheteurs n'était pas établie.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Z]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. et Mme [Z] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes, au titre de la garante d'éviction de M. et Mme [P], en paiement des sommes de 24 780,45 euros pour les travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, outre une indemnité de procédure ;

1°) ALORS QUE la garantie d'éviction s'exerce sur la chose vendue ; qu'en considérant que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, aux motifs « qu'il n'existe pas de défaut de contenance de la parcelle en cause de sorte que M. et Mme [P] en vendant l'immeuble cadastré [Cadastre 2] sis à [Localité 4] (Goyave) n'ont pas cédé de droits aux Consorts [Z]-[L] sur la portion de terre litigieuse jouxtant leur propriété laquelle appartient à la SCI Christian Nesty » (arrêt p. 4, § 2), et que « la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit » (arrêt p. 4, § 3), sans rechercher si, bien que la superficie de la parcelle vendue ait correspondu aux plans de bornage antérieurs, la circonstance que la SCI Christian Nesty ait revendiqué la propriété de la parcelle sur laquelle était implantée la piscine hors-sol qui était mentionnée, à l'acte authentique de vente, dans la désignation du bien vendu par les époux [P] aux époux [Z] ne caractérisait pas un risque d'atteinte au droit de propriété acquis par ces derniers, obligeant les vendeurs à garantir les acquéreurs de l'éviction ou du risque d'éviction de la portion de terre litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté, par des motifs propres et adoptés, que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine » (jugement p. 4, § 9), et que « par courrier du 01 juin 2012 le représentant de cette SCI [SCI Christian Nesty] a fait savoir aux Consorts [Z]-[L] que l'emplacement de leur "piscine et (de leur) clôture empiétait sur la parcelle qui jouxte (leur) propriété" et qu'il leur appartenait de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les (leurs)" puis par missive du 01 avril 2016 a renouvelé cette demande en précisant que suite à la réalisation d'un procès-verbal de bornage révélant que "cette barrière empiète sur (son) propre jardin (et que) l'empiétement s'étend sur une surface de 375 m² il les met en garde contre une éventuelle démolition judiciaire "en vertu de l'article 544 du code civil (à défaut de) l'arrêt de cet empiétement, dans les meilleurs délais" » (arrêt p. 4, § 3), ce dont il résultait l'existence d'un risque d'éviction tenant à ce que la SCI Christian Nesty revendiquait la propriété de la parcelle incluant la piscine et la clôture que les époux [Z] avaient acquis des époux [P] ; qu'en retenant néanmoins que « le contenu de ces courriers ne caractérise pas l'éviction ou le risque d'éviction des Consorts [Z]-[L] puisque la parcelle [Cadastre 2] acquise ne contient pas la portion de terre dont s'agit » (arrêt p. 4, § 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1625 et 1626 du code civil ;

3°) ALORS QU'en retenant, pour dire que les époux [Z] ne subissaient pas d'éviction ou de risque d'éviction, que « les écritures et pièces du dossier notamment le rapport d'expertise en date du 10 décembre 2017 diligenté par M. [Y] [S] révèlent que ladite piscine (en kit bois construite en 2006 et vétuste) a été démolie en 2016 de sorte qu'elle n'est plus implantée sur la portion litigieuse, seule la clôture dont il n'est pas rapporté qu'elle soit définitive demeurant entre les fonds, selon les termes dudit rapport » (arrêt p. 4, § 5), quand cette circonstance tirée de ce que, postérieurement à la vente, la consistance de la chose vendue aurait été partiellement modifiée était inopérante au regard de la revendication par la SCI Christian Nesty de la propriété de la portion de parcelle sur laquelle avaient été placées la piscine et la clôture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1625 et 1626 du code civil ;

4°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les époux [Z] « ont acquis un bien immobilier comprenant une piscine » (jugement p. 4, § 9), et « qu'ils versent aux débats : un courrier du 1er juin 2012 adressé par la SCI Christian Nesty, propriétaire de la parcelle sur laquelle la piscine était susceptible d'empiéter, sollicitant de "prendre les mesures nécessaires pour retrouver les limites qui sont les vôtres", mais qui n'a fait l'objet d'aucune suite ; un courrier du 1er avril 2016, adressé par la SCI Christian Nesty, demandant de cesser l'empiètement et rappelant qu'aux termes de l'article 544 du code civil, ils pourraient être contraints de démolir "la barrière" à leurs frais » (jugement p. 4, § 10) ; qu'en considérant néanmoins, par des motifs adoptés, que les époux [Z] n'apportaient pas la preuve d'un trouble actuel autorisant la mise en oeuvre de la garantie d'éviction, dès lors « qu'aucune action judiciaire n'a été intentée à titre principal par la SCI Nesty afin d'être rétablie dans ses droits, étant observé que le droit de propriété de la SCI Nesty sur ce morceau de parcelle pouvait être remis en cause par une prescription acquisitive, la situation perdurant depuis plus de dix ans » (jugement p. 4, §§ 10 et 11), quand elle constatait que le représentant de la SCI Christian Nesty avait clairement manifesté son intention de faire valoir son droit sur la portion de terre contenant la piscine et la clôture et de contester celui des époux [Z], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a encore violé les articles 1625 et 1626 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. et Mme [Z] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes, au titre de la responsabilité délictuelle de M. et Mme [P] pour leur réticence dolosive sur des éléments déterminants du consentement de l'acheteur, en paiement des sommes de 24 780,45 euros pour les travaux nécessaires à la délimitation de la parcelle, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, outre une indemnité de procédure ;

ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux [Z] soutenaient que les époux [P] savaient que la piscine et le bassin à poissons étaient implantés sur la parcelle de terrain du voisin et que, pour l'établir, ils se prévalaient du rapport d'expertise de M. [S] (p. 8 des conclusions d'appel), qu'ils produisaient et qui énonçait que « les demandeurs subissent un préjudice ayant été, manifestement, dupés par la nature et la configuration des lieux, ceux-ci étant enjolivés par la présence d'une piscine, d'implantation cohérente avec la jouissance la parcelle de terrain arborée, « se trouvant agrandie artificiellement » jusqu'à la clôture (375 m²), les vendeurs, selon propos recueillis le 24/05/17, se gardant bien de les informer sur la situation réelle de cette parcelle et de leur piscine, ces biens constituant, naturellement des éléments attractifs pour la vente » (p.12 du rapport) ; que, pour rejeter la demande des époux [Z], la cour d'appel a retenu que « les Consorts [Z]-[L] ne produisent aucune pièce justifiant de leur argumentaire et notamment l'existence de manoeuvres dolosives de la part de M. et Mme [P] ayant conduit à l'achat de leur propriété du seul fait de l'emplacement de la piscine, d'un bassin à poissons ou de la clôture » (arrêt p. 5, § 3) ; qu'en faisant ainsi abstraction du rapport d'expertise qui relatait les propos des consorts [P] quant à leur connaissance de la situation réelle de la parcelle et de la piscine qui constituaient des éléments attractifs pour la vente, la cour d'appel a dénaturé par omission ledit rapport en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

Les commentaires sont fermés.