Cet arrêt juge que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil suppose que soit établi un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité du locateur d'ouvrage, sauf la faculté pour celui-ci de s'en exonérer en établissant la preuve d'une cause étrangère, et que l'incendie qui avait détruit les bâtiments avait trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque. De sorte que, en l'absence de cause étrangère établie, la responsabilité décennale de l'entrepreneur se trouvait engagée.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er avril 2021), la société Solage, constituée par les associés du groupement foncier agricole La Pouyade (le GFA), a, en qualité de maître de l'ouvrage, confié à la société Inovasol, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société SMA, des travaux d'installation de capteurs photovoltaïques sur deux bâtiments d'exploitation agricole appartenant au GFA, assurés auprès de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Centre Atlantique-Groupama Centre Atlantique (la société Groupama).
2. La société Inovasol a sous-traité la pose des panneaux solaires à la société Le Guelvel construction (la société Le Guelvel), assurée en responsabilité civile auprès de la SMABTP et en responsabilité décennale auprès de la société SMA, puis de la société Axa France IARD (la société Axa), et les travaux d'installation électrique à la société Morellec, assurée auprès de la société Axa, puis de la SMABTP.
3. Un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 28 janvier 2011.
4. Le 19 septembre 2012, un incendie a détruit les deux bâtiments qui supportaient les installations.
5. Par protocole transactionnel du 24 janvier 2014, la société Groupama s'est engagée à indemniser la société Solage et le GFA de leurs préjudices matériels et de perte d'exploitation.
6. La société Solage et le GFA ont, après expertise, assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en réparation.
7. La société Groupama est intervenue volontairement à l'instance pour exercer ses recours au titre des indemnités versées à ses assurés.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, sur les deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi principal et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La société Groupama fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son intervention volontaire et en ses demandes, alors « que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; qu'en écartant toute concomitance entre les paiements opérés par Groupama Centre-Atlantique et la subrogation, au regard de la seule quittance subrogative émise le 1er novembre 2014, sans rechercher si le protocole d'accord passé le 24 janvier 2014, antérieurement aux règlements opérés par l'assureur, ne prévoyait pas une telle subrogation au profit de Groupama Centre-Atlantique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel, devant laquelle la société Groupama ne se prévalait pas d'une subrogation résultant du protocole d'accord du 24 janvier 2014, a relevé qu'il ressortait de la quittance subrogative établie le 1er novembre 2014, seule invoquée, que les règlements d'indemnités étaient intervenus du 24 janvier 2013 au 13 octobre 2014, pour le plus tardif.
11. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu'à défaut de concomitance entre les paiements et la quittance subrogative, les conditions de mise en oeuvre de la subrogation conventionnelle n'étaient pas réunies.
12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident
Enoncé du moyen
13. La société SMA fait grief à l'arrêt de la condamner, en sa qualité d'assureur de la société Inovasol, à payer à la société Solage une certaine somme à titre de réparation, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que l'incendie avait « bien trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque » ; qu'en se fondant ainsi sur la seule circonstance que l'incendie aurait eu pour siège l'installation photovoltaïque, pour retenir la responsabilité décennale de la société Innovasol, quand elle constatait par ailleurs que « l'expert [n'avait] pu déterminer le processus ayant conduit à l'embrasement », ce dont il résultait que la cause de l'incendie restait inconnue, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'incendie aurait été en lien avec un vice affectant l'installation photovoltaïque dont la réalisation avait été confiée à la société Innovasol, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
14. La cour d'appel, qui a énoncé, à bon droit, que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil suppose que soit établi un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité du locateur d'ouvrage, sauf la faculté pour celui-ci de s'en exonérer en établissant la preuve d'une cause étrangère, a souverainement retenu que l'incendie qui avait détruit les bâtiments avait trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque que la société Inovasol avait été chargée de réaliser, même si la destruction de l'ouvrage et la dispersion des composants ne permettaient pas de déterminer le processus ayant conduit au sinistre.
15. Elle a pu en déduire que, en l'absence de cause étrangère établie, la responsabilité décennale de l'assurée de la société SMA se trouvait engagée et condamner, en conséquence, celle-ci à garantie.
16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Centre Atlantique-Groupama Centre Atlantique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la CRAMA Centre-Atlantique, le groupement Foncier agricole de la Pouyade et la société Solage
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Groupama Centre-Atlantique fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable son intervention volontaire ainsi que ses demandes,
1/ Alors que le fait, pour l'assureur, de verser l'indemnité prévue par le contrat d'assurance en exécution d'une transaction conclue avec l'assuré sur l'évaluation de son dommage ne prive pas l'assureur de la possibilité d'invoquer le bénéfice de la subrogation légale ; qu'en retenant que Groupama Centre-Atlantique ne pouvait se prévaloir d'une subrogation légale dans les droits de la société Solage et du GFA de la Pouyade, faute de produire les contrats d'assurance souscrits par ses assurés, sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions de Groupama, p. 8) si ladite subrogation ne résultait pas du protocole d'accord passé le 24 janvier 2014 – lequel précisait que les sommes versées par l'assureur l'étaient au titre des préjudices couvertes par les contrats d'assurance souscrits auprès d'elle par la société Solage et du GFA de la Pouyade, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
2/ Alors subsidiairement que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; qu'en écartant toute concomitance entre les paiements opérés par Groupama Centre-Atlantique et la subrogation, au regard de la seule quittance subrogative émise le 1er novembre 2014, sans rechercher si le protocole d'accord passé le 24 janvier 2014, antérieurement aux règlements opérés par l'assureur, ne prévoyait pas une telle subrogation au profit de Groupama Centre-Atlantique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION :
Groupama Centre-Atlantique et le GFA de la Pouyade font grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir déclaré le GFA de la Pouyade irrecevable en ses demandes,
Alors que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence la censure de l'arrêt en ses dispositions déclarant le GFA de la Pouyade irrecevable dépourvu d'intérêt à agir, en application de l'article 624 du code de procédure civile, et ce dès lors que la cour d'appel a déduit ce défaut d'intérêt de ce que le GFA avait été indemnisé de ses préjudices par Groupama, sans subrogation de cet assureur dans ses droits.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION :
Groupama Centre-Atlantique et la société Solage font grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir limité à la somme de de 170 998 euros, sous déduction de la franchise contractuelle, égale à 10 % du sinistre, le montant dû à la société Solage par la société SMA, en sa qualité d'assureur de la société Inovasol,
Alors que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ses dispositions limitant à la somme de 170 998 euros le préjudice de la société Solage indemnisable par la SMA, et ce dès lors que la cour d'appel a déduit cette limitation de ce que la société Solage avait été indemnisée du surplus de ses préjudices par Groupama, sans subrogation de cet assureur dans ses droits.
QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION :
Groupama Centre-Atlantique et la société Solage font grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Solage ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une faute commise par l'EURL Morellec et la société Le Guevel constructions dans la réalisation de leur prestation concernant l'installation photovoltaïque, et rejeté en conséquence les demandes de la société Solage présentées contre l'EURL Morellec et la société Le Guevel constructions ainsi que leurs assureurs sur le fondement de la responsabilité délictuelle,
1/ Alors que le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal à qui il doit livrer un ouvrage exempt de vices ; qu'il ne peut s'exonérer de son obligation contractuelle que par la preuve d'une cause étrangère ; que les tiers au contrat de sous-traitance sont fondés à invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement leur a causé un dommage ; qu'en se bornant, pour écarter la responsabilité des sociétés Morellec et la société Le Guevel Constructions dans la survenance des dommages, à affirmer que « les opérations d'expertise n'ont pas permis d'établir l'existence d'un vice affectant les ouvrages réalisés respectivement par l'EURL Morellec et la société Le Guevel Constructions de nature à engager leurs responsabilité, tant envers le maître de l'ouvrage que des tiers », sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions des exposantes, p. 23) si la simple circonstance que l'expert ait conclu à une dérive de l'installation photovoltaïque ne suffisait pas à établir que la société Le Guevel constructions, sous-traitant de la société Inovasol, n'avait pas réalisé un ouvrage exempt de vices, la cour d'appel a privé sa décision de base l'égale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ;
2/ Alors qu'en statuant ainsi, sans davantage s'expliquer sur l'existence d'un lien de causalité entre les travaux d'électricité confiés en sous-traitance par la société Inovasol à la société Morellec pour la réalisation de l'installation photovoltaïque litigieuse et la circonstance, qu'elle relevait (arrêt, p. 12, § 3), suivant laquelle l'incendie avait trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque, la cour d'appel a privé sa décision de base l'égale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 . Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la SMABTP et la SMA
La Sma fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR condamnée, en sa qualité d'assureur de la société Inovasol, à payer à la société Solage la somme de 170.998 €, sous déduction de la franchise contractuelle, égale à 10% du sinistre ;
1/ ALORS QUE tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; que la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait du rapport de l'expert judiciaire que l'incendie avait « bien trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque » (arrêt p. 12) ; qu'en se fondant ainsi sur la seule circonstance que l'incendie aurait eu pour siège l'installation photovoltaïque, pour retenir la responsabilité décennale de la société Innovasol, quand elle constatait par ailleurs que « l'expert [n'avait] pu déterminer le processus ayant conduit à l'embrasement » (arrêt p. 12, § 5), ce dont il résultait que la cause de l'incendie restait inconnue, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que l'incendie aurait été en lien avec un vice affectant l'installation photovoltaïque dont la réalisation avait été confiée à la société Innovasol, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l'article 1792 du code civil ;
2/ ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'expert judiciaire a indiqué, dans son rapport, que « la ruine des aménagements et la dispersion voire la disparition des composants et câblages ne [l'avait] pas autorisé à localiser exactement le constituant ou l'assemblage qui avait pu servir de vecteur au phénomène incident » (p. 49), qu'« il ne [lui avait] pas été donné de déterminer exactement quel avait été le processus qui avait conduit à la destruction de l'ouvrage et de son contenu » (p. 49), et qu'« il ne [lui avait] cependant pas été donné, du fait de la destruction de l'ouvrage et de la dispersion des composants, de déterminer quel avait été le processus incident qui avait servi de vecteur à l'embrasement » (p. 52) ; qu'en affirmant qu'il ressortait de ses analyses précises et circonstanciées que « l'incendie avait bien trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque », quand il résultait au contraire des mentions claires et précises du rapport d'expertise judiciaire que l'expert affirmait ne pas être en mesure de déterminer la cause de l'incendie, et donc de l'imputer aux travaux d'installation des panneaux photovoltaïques confiés à la société Innovasol, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire, et violé l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; que, pour retenir la responsabilité décennale de la société Innovasol, la cour d'appel a affirmé « qu'il [ressortait] de ces analyses précises et circonstanciées que l'incendie [avait] bien trouvé son origine dans l'installation photovoltaïque » (arrêt p. 12, § 4) et que c'était « à tort que le premier juge au motif que la preuve d'un désordre affectant l'installation n'était pas rapportée, [avait] déclaré non mobilisable la garantie décennale de la société Innovasol » (arrêt p. 12, § 6) ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait par ailleurs que « l'expert [n'avait] pu déterminer le processus ayant conduit à l'embrasement » (arrêt p. 12, § 5), et que « les opérations d'expertise [n'avaient] pas permis d'établir l'existence d'un vice affectant les ouvrages réalisés » (arrêt p. 12, § 12), la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a entaché sa décision d'un défaut de motifs, et violé l'article 455 du code de procédure civile."