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Pouvoirs du maire pour assurer la commodité du passage sur une voie publique

Cet arrêt rappelle qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'une part, d'assurer le respect du droit des riverains des voies publiques ouvertes à la circulation de bénéficier d'une desserte correcte de leurs habitations, y compris en voiture et, d'autre part, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique qui nuirait à cette desserte. Si un élément immobilier vient à être construit au-delà de ce qui était auparavant la limite de fait de la voie publique, le maire peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition.

Vie pratique

"Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D..., propriétaires d'un ensemble immobilier, composé des parcelles cadastrées section C n° 1330, 1356, 1357 et 1359, situé sur le territoire de la commune de Lauris, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle le maire de Lauris a implicitement rejeté leur demande du 7 décembre 2017 tendant à ce qu'il mette en œuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier communal sur l'impasse et la rue du Barry et d'enjoindre à la commune de Lauris de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour prendre les mesures de nature à faire cesser l'occupation irrégulière de l'impasse et de la rue du Barry.

Par un jugement n°1801131 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du maire de Lauris rejetant implicitement la demande formée par M. et Mme D... le 7 décembre 2017 et a enjoint au maire de Lauris de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation des voies communales dénommées " impasse du Barry " et " rue du Barry " et, à cette fin, d'engager toute procédure utile, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier 2020, 6 juillet 2021 et 12 octobre 2021, la commune de Lauris, représentée par Me Légier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande formée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de supprimer le passage injurieux et diffamatoire du mémoire déposé par les époux D... le 15 septembre 2021 ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le maire n'avait pas pris les mesures de police nécessaires pour assurer la commodité du passage dans la rue et l'impasse du Barry alors que l'affectation normale des voies dans le centre ancien nécessite de tenir compte à la fois du maintien de la circulation dans des rues étroites au profit des riverains et du caractère piétonnier et végétalisé des lieux, afin de garantir la tranquillité publique et la sécurité de la circulation ; le maire a pris les mesures nécessaires pour faire cesser les occupations irrégulières et gênantes du domaine public tout en évitant l'aggravation du conflit de voisinage persistant entre les époux D... et leurs voisins ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en considérant que les objets mobiliers placés le long des façades des habitations constitués de bancs, jardinières ou végétations empêchent les véhicules, même de petit gabarit, d'emprunter ces voies.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mars 2020, 23 décembre 2020, 2 juillet, 15 septembre et 15 octobre 2021, les époux D..., représentés par Me Marquis, concluent au rejet de la requête et demandent également à la Cour :

1°) d'annuler la décision de refus implicite du maire de Lauris de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier communal sur l'impasse du Barry et la rue du Barry ;

2°) d'enjoindre au maire de Lauris de mettre en œuvre ses pouvoirs de police et de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation et de nature à faire cesser l'occupation irrégulière de ces voies publiques, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lauris une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont privés d'un accès à leur propriété au moyen d'un véhicule automobile et par voie de conséquence de la jouissance de leurs deux garages, du fait des obstacles érigés par le voisinage dans la rue et l'impasse du Barry, deux voies communales pourtant ouvertes à la circulation des riverains ;

- le maire refuse de prendre les mesures de polices nécessaires pour faire cesser l'occupation irrégulière de ces voies publiques ;

- l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande implique nécessairement en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative que le Maire de Lauris fasse usage de ses pouvoirs de police en mettant en demeure les occupants irréguliers du domaine public de démolir les obstacles qui entravent la circulation sur les chemins communaux et si cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet de dresser procès-verbal de contravention de voirie.

Les parties ont été informées, par lettre du 13 octobre 2021, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire avant la fin de l'année 2021 et que l'instruction pourrait être close à partir du 29 octobre 2021 sans information préalable.

Par une ordonnance du 2 novembre 2021, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Légier, représentant la commune de Lauris ainsi que celles de Me Marquis représentant les époux D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., propriétaires d'un ensemble immobilier, composé des parcelles cadastrées section C n° 1330, 1356, 1357 et 1359, situé sur le territoire de la commune de Lauris, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision par laquelle le maire de Lauris a implicitement rejeté leur demande du 7 décembre 2017 tendant à ce qu'il mette en œuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier communal sur l'impasse et la rue du Barry et d'enjoindre au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour prendre les mesures de nature à faire cesser l'occupation irrégulière de l'impasse et de la rue du Barry. La commune de Lauris relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du maire de Lauris rejetant implicitement la demande formée par M. et Mme D... le 7 décembre 2017 et a enjoint au maire de Lauris de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation des voies communales dénommées " impasse du Barry " et " rue du Barry " et, à cette fin, d'engager toute procédure utile, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...) ". En application de l'article L. 2212-2 de ce code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :/ 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière : " En dehors des cas prévus aux articles L. 113-3 à L. 113-7 et de l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière, l'occupation du domaine public routier n'est autorisée que si elle a fait l'objet, soit d'une permission de voirie dans le cas où elle donne lieu à emprise, soit d'un permis de stationnement dans les autres cas. Ces autorisations sont délivrées à titre précaire et révocable. ". Aux termes de l'article L. 116-1 de ce code : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'une part, d'assurer le respect du droit des riverains des voies publiques ouvertes à la circulation de bénéficier d'une desserte correcte de leurs habitations, y compris en voiture et, d'autre part, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiètement sur la voie publique qui nuirait à cette desserte. Si un élément immobilier vient à être construit au-delà de ce qui était auparavant la limite de fait de la voie publique, le maire peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition.

5. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par le maire de Lauris aux demandes des requérants d'adoption de mesures de nature à faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier communal sur l'impasse et la rue du Barry et permettant d'enlever les obstacles à la circulation automobile qui s'y trouvent réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le maire de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier son bien-fondé au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la rue du Barry et l'impasse du Barry, situées dans le centre ancien du village de Lauris, sont deux voies appartenant au domaine public routier communal, ouvertes à la circulation des riverains. A la suite de travaux effectués par M. C..., propriétaire d'une maison d'habitation située au 8 rue du Barry et autorisés par le maire de Lauris en septembre 2013, consistant notamment en l'implantation d'une marche d'escalier entouré de deux jardinières fixées au sol sur la rue du Barry, la largeur de cette voie communale en son passage le plus étroit a été ramenée de 1,82 mètres à 1,70 mètres, ce qui ne permet plus, à la date de la présente décision, d'assurer la commodité du passage d'un véhicule, même de petit gabarit, par cette voie communale pourtant ouverte à la circulation des riverains. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du constat d'huissier établi pour les requérants le 30 juillet 2020, que d'autres objets mobiliers, scellés ou non dans le sol de la rue et de l'impasse du Barry, tels des jardinières, des boîtes aux lettres et une chaise métallique, empiètent aussi sur ces voies publiques et empêchent la desserte correcte des garages des requérants situés au fond de l'impasse du Barry et au n°6 de la rue du Barry. En application des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, le maire de Lauris est, dès lors, tenu de prendre les mesures de police nécessaires pour assurer la commodité du passage sur ces deux voies publiques ouvertes à la circulation des riverains, y compris en mettant en demeure les riverains ayant implanté des éléments immobiliers sur la voie publique de les démolir puis, si cette mesure n'est pas suivie d'effet, en faisant dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition. Dans ces conditions, faute qu'aient été prises, à la date de la présente décision, l'ensemble des mesures de police nécessaires, notamment la mise en demeure et le procès-verbal d'une contravention de voirie susmentionnées, le refus opposé par le maire de Lauris à la demande des époux D... tendant à ce qu'il mette en œuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier communal sur l'impasse et la rue du Barry afin de rétablir la circulation sur ces voies desservant leur propriété, méconnaît les dispositions précitées des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la commune de Lauris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a annulé ce refus.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. L'annulation du refus implicite de prendre les mesures nécessaires pour assurer la commodité du passage sur ces deux voies publiques implique nécessairement l'édiction de telles mesures. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Lauris de prendre l'ensemble de ces mesures, et en particulier, à la suite, le cas échéant, d'une mise en demeure non suivie d'effet adressée aux riverains ayant implanté des éléments immobiliers sur la voie publique de les démolir, de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'en ordonner la démolition et ce, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

8. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

9. Le passage dont la suppression est demandée par la commune n'excède pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ne peut être regardé comme injurieux, outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Lauris. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme D... sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Lauris est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Lauris de prendre les mesures nécessaires pour assurer la commodité du passage dans les voies communales dénommées " impasse du Barry " et " rue du Barry " et, à cette fin, de mettre en demeure les riverains ayant implanté des éléments immobiliers sur la voie publique de les démolir puis, si cette mesure n'est pas suivie d'effet, de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'en ordonner la démolition, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Article 3 : La commune de Lauris versera à M. et Mme D... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme E... A... épouse D... et à la commune de Lauris."

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