Cet arrêt rappelle que, si le sous-traitant était débiteur d'une obligation de résultat envers l'entrepreneur principal dont il ne pouvait s’exonérer que par la preuve d'une cause étrangère, il est également tenu d'un devoir de conseil dans les domaines de sa spécialité.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2020), la société Tech inter et la société Solutions béton préfabriqués (la société SBP), anciennement la société Agribat, assurée auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), ont conclu un contrat d'exclusivité portant sur la fabrication par la société SBP de postes en béton destinés à accueillir les transformateurs électriques à usage professionnel conçus et installés par la société Tech inter.
2. En 2010, la société Tech inter a vendu et livré à la société Samso deux transformateurs destinés à équiper des remontées mécaniques.
3. Au cours de l'année 2016, la société Samso a informé la société Tech inter de la dégradation des bords de la toiture des deux postes abritant les transformateurs.
4. La société Tech inter a, après expertise, fait procéder aux travaux de reprise des désordres.
5. Elle a assigné la société SBP et la société Aviva en indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société SBP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Tech inter une certaine somme à titre de dommages et intérêts, alors :
« 1/ que si le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal, il ne s'oblige dans ce cadre qu'à effectuer des travaux conformes à ce qui a été contractuellement prévu et exempts de vice ; que la cour d'appel a explicitement relevé que les travaux exécutés étaient pleinement conformes à ce qui avait été contractuellement prévu et sans vices ; qu'en reprochant pourtant à la société Solutions Béton Préfabriqués un manquement à son obligation de réalisation de résultat, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 ;
2/ qu'il appartient à l'entrepreneur qui conclut un contrat-cadre avec un sous-traitant en vue lui confier la fabrication de produits standardisés répondant à des caractéristiques définies à l'avance de l'informer de l'usage spécifique qu'il pourrait être amené à effectuer de certains produits auprès de ses clients finaux ; qu'en l'espèce, d'une part, la société Tech Inter a confié à la société SBP, en vertu d'un contrat-cadre du 15 novembre 2002, la fabrication de postes en béton destinés à accueillir des transformateurs électriques conçus et installés par la société Tech Inter répondant à des plans et spécifications annexés au contrat tandis que, d'autre part, en 2010, la société Tech Inter a vendu et livré deux postes à la société Samso destinés à équiper des remontées mécaniques qui se sont révélés défectueux en raison des conditions climatiques extrêmes auxquels ils étaient exposés, et dont le fabricant n'avait pas été informé ; qu'en estimant qu'il appartenait au fabricant, en 2002, de s'enquérir de l'implantation géographique des postes vendus par l'entrepreneur principal auprès de ses clients finaux, en 2010, afin d'adapter la résistance du béton aux conditions climatiques, quand c'est à l'entrepreneur qu'il appartenait d'informer son partenaire de l'usage spécifique qu'il pourrait être amené à faire des produits fournis en application du contrat-cadre, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 ;
3/ que le juge doit respecter la loi des parties ; qu'en l'espèce, une clause du contrat-cadre conclu en 2002 stipulait que le fabricant s'engageait « à étudier toute demande formulée par Tech Inter concernant la fabrication éventuelle de postes spécifiques », de sorte que le contrat faisait peser sur l'entrepreneur la charge de l'obligation d'informer son partenaire de toute nécessité de produits spécifiques différents des postes en béton standardisées ; qu'en estimant qu'il appartenait au fabricant de s'enquérir auprès de son cocontractant de l'implantation future et éventuelle des postes en béton sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette clause n'imposait pas à la société Tech Inter d'informer son partenaire de l'existence d'un usage spécifique des produits à fournir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 ;
4/ à tout le moins, que la faute du co-contractant qui a concouru au dommage vient limiter son droit à indemnisation, même si elle ne présente pas les caractères de la force majeure ; qu'en jugeant que la société Solutions Béton Préfabriqués ne justifiait d'aucune cause étrangère exonératoire de responsabilité sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Tech Inter n'avait pas commis une faute ayant concouru au dommage, en s'abstenant d'informer sa co-contractante de l'utilisation spécifique en montagne qui serait faite de certains postes, et en livrant à sa propre cliente des postes standards qu'elle avait d'ailleurs commandés à la société Solutions Béton Préfabriqués avant de recevoir la commande de sa propre cliente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
7. La cour d’appel a relevé que les désordres avaient pour origine une dégradation du béton sous l'effet des cycles successifs de gel et de dégel et d'une humidité excessive liée à l'enneigement et que les structures auraient dû être réalisées avec un béton résistant au gel et aux stagnations de neige ou être équipées d'une protection spécifique.
8. Elle a retenu que, si le sous-traitant était débiteur d'une obligation de résultat envers l'entrepreneur principal dont il ne pouvait s’exonérer que par la preuve d'une cause étrangère, il était également tenu d'un devoir de conseil dans les domaines de sa spécialité.
9. Elle a également retenu que, même si l’expert n’avait relevé aucun vice caché, aucune faute d'exécution, ni aucun manquement aux spécifications techniques contractuellement prévues et si la société SBP n’avait pas été informée de la destination géographique des deux postes litigieux, en sa qualité de spécialiste du béton, elle connaissait ses fragilités en cas d'exposition à certaines conditions climatiques extrêmes et aurait dû, lors de la conclusion du contrat-cadre d'origine, poser à la société Tech Inter, profane en la matière, toutes les questions nécessaires à la fourniture d'une prestation adaptée à ses besoins, et donc s'enquérir de l'implantation géographique des postes abritant les transformateurs pour adapter la résistance du béton aux conditions climatiques plus sévères auxquelles seraient confrontés certains d'entre eux.
10. Elle a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la société SBP avait engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Tech inter.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. La société SBP fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes contre la société Aviva, alors :
« 1/ que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, le délai subséquent des garanties ne pouvant être inférieur à cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que l'assurance de responsabilité professionnelle souscrite par SBP s'appliquait aux réclamations intervenues entre la date de la prise d'effet et celle de la cessation des effets du contrat et, d'autre part, que la résiliation de la police intervenue le 1 janvier 2011 emportait une cessation des garanties au 1 avril 2011 ; qu'il en résultait que la réclamation effectuée par le tiers lésé le 24 février 2016 s'inscrivait bien à l'intérieur du délai subséquent de cinq ans expirant le 1 avril 2016 ; qu'en jugeant toutefois que la garantie n'était pas mobilisable puisque les désordres avaient été dénoncés à l'assuré par le tiers lésé le 24 février 2016, et donc postérieurement au 1 avril 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 124-5 du code des assurances.
2/ que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, le délai subséquent des garanties ne pouvant être inférieur à cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que l'assurance de responsabilité professionnelle souscrite par SBP s'appliquait aux réclamations intervenues entre la date de la prise d'effet et celle de la cessation des effets du contrat et, d'autre part, que la résiliation de la police intervenue le 1 janvier 2011 emportait une cessation des garanties au 1 avril 2011 ; qu'il en résultait que la réclamation effectuée par le tiers lésé le 24 février 2016 s'inscrivait bien à l'intérieur du délai subséquent de cinq ans expirant le 1 avril 2016 ; qu'en jugeant toutefois que la garantie n'était pas mobilisable puisque les désordres avaient été dénoncés à l'assuré par le tiers lésé le 24 février 2016, et donc postérieurement au 1 avril 2011, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 124-5 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
13. En application de l' article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
14. L'arrêt, qui a rejeté les demandes de la société Tech inter contre la société Aviva, n’a pas statué sur le recours en garantie formé par la société SBP contre la société Aviva.
15. L'omission de statuer peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.
16. Le moyen n’est donc pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Solutions béton préfabriqués aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Solutions béton préfabriqués à payer à la société Tech inter la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP G., F. et R., avocat aux Conseils, pour la société Solutions béton préfabriqués.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Solutions Béton Préfabriqués fait grief à l’arrêt D’AVOIR infirmé partiellement le jugement du 16 février 2018 et D’AVOIR condamné la société Solutions Bétons Préfabriqués à payer à la société Tech Inter la somme de 10 353,60 €, à titre de dommages et intérêts.
1/ ALORS QUE si le sous-traitant est tenu d’une obligation de résultat à l’égard de l’entrepreneur principal, il ne s’oblige dans ce cadre qu’à effectuer des travaux conformes à ce qui a été contractuellement prévu et exempts de vice ; que la cour d’appel a explicitement relevé que les travaux exécutés étaient pleinement conformes à ce qui avait été contractuellement prévu et sans vices ; qu’en reprochant pourtant à la société Solutions Béton Préfabriqués un manquement à son obligation de réalisation de résultat, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016.
2/ ALORS QU’il appartient à l’entrepreneur qui conclut un contrat-cadre avec un sous-traitant en vue lui confier la fabrication de produits standardisés répondant à des caractéristiques définies à l’avance de l’informer de l’usage spécifique qu’il pourrait être amené à effectuer de certains produits auprès de ses clients finaux ; qu’en l’espèce, d’une part, la société Tech Inter a confié à la société SBP, en vertu d’un contrat-cadre du 15 novembre 2002, la fabrication de postes en béton destinés à accueillir des transformateurs électriques conçus et installés par la société Tech Inter répondant à des plans et spécifications annexés au contrat tandis que, d’autre part, en 2010, la société Tech Inter a vendu et livré deux postes à la société Samso destinés à équiper des remontées mécaniques qui se sont révélés défectueux en raison des conditions climatiques extrêmes auxquels ils étaient exposés, et dont le fabricant n’avait pas été informé ; qu’en estimant qu’il appartenait au fabricant, en 2002, de s’enquérir de l’implantation géographique des postes vendus par l’entrepreneur principal auprès de ses clients finaux, en 2010, afin d’adapter la résistance du béton aux conditions climatiques, quand c’est à l’entrepreneur qu’il appartenait d’informer son partenaire de l’usage spécifique qu’il pourrait être amené à faire des produits fournis en application du contrat-cadre, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016.
3/ ALORS QUE le juge doit respecter la loi des parties ; qu’en l’espèce, une clause du contrat-cadre conclu en 2002 stipulait que le fabricant s’engageait « à étudier toute demande formulée par Tech Inter concernant la fabrication éventuelle de postes spécifiques » (prod. 6), de sorte que le contrat faisait peser sur l’entrepreneur la charge de l’obligation d’informer son partenaire de toute nécessité de produits spécifiques différents des postes en béton standardisées ; qu’en estimant qu’il appartenait au fabricant de s’enquérir auprès de son cocontractant de l’implantation future et éventuelle des postes en béton sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette clause n’imposait pas à la société Tech Inter d’informer son partenaire de l’existence d’un usage spécifique des produits à fournir, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016.
4/ ALORS, à tout le moins, QUE la faute du co-contractant qui a concouru au dommage vient limiter son droit à indemnisation, même si elle ne présente pas les caractères de la force majeure ; qu’en jugeant que la société Solutions Béton Préfabriqués ne justifiait d’aucune cause étrangère exonératoire de responsabilité sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Tech Inter n’avait pas commis une faute ayant concouru au dommage, en s’abstenant d’informer sa co-contractante de l’utilisation spécifique en montagne qui serait faite de certains postes, et en livrant à sa propre cliente des postes standards qu’elle avait d’ailleurs commandés à la société Solutions Béton Préfabriqués avant de recevoir la commande de sa propre cliente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Solutions Béton Préfabriqués fait grief à l’arrêt D’AVOIR rejeté les demandes formées contre la société Aviva Assurances,
1/ ALORS QUE le juge doit respecter l’objet du litige, lequel est fixé par les prétentions respectives des parties énoncées dans le dispositif de leurs conclusions ; que dans le dispositif de ses conclusions, la société Aviva Assurances n’avait pas demandé à la cour d’appel de juger que sa garantie n’était pas mobilisable, pour avoir été mise en oeuvre plus de trois mois après la résiliation de la police ; qu’en faisant pourtant droit à une telle demande, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile.
2/ ALORS QUE la garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, le délai subséquent des garanties ne pouvant être inférieur à cinq ans ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, d’une part, que l’assurance de responsabilité professionnelle souscrite par SBP s’appliquait aux réclamations intervenues entre la date de la prise d’effet et celle de la cessation des effets du contrat et, d’autre part, que la résiliation de la police intervenue le 1er janvier 2011 emportait une cessation des garanties au 1 avril 2011 ; qu’il en résultait que la réclamation effectuée par le tiers lésé le 24 février 2016 s’inscrivait bien à l’intérieur du délai subséquent de cinq ans expirant le 1 avril 2016 ; qu’en jugeant toutefois que la garantie n’était pas mobilisable puisque les désordres avaient été dénoncés à l’assuré par le tiers lésé le 24 février 2016, et donc postérieurement au 1 avril 2011, la cour d’appel a violé par refus d’application l’article L. 124-5 du code des assurances."