Pas besoin d'appeler à la cause le syndicat des copropriétaires pour faire juger le syndic responsable : c'est ce que juge cet arrêt.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2019), se prévalant de ce que la société d'administration et de gestion (la SAG), syndic de la copropriété, avait irrégulièrement dispensé les lots, propriété de la société civile immobilière Renoir (la SCI Renoir), de contribuer aux frais de nettoyage des escaliers de l'immeuble, et ordonné des travaux excédant ceux votés lors de l'assemblée générale du 15 décembre 2010, Mme [G] et douze autres copropriétaires (les consorts [G]) l'ont assignée en indemnisation de leur préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts, formées contre la SAG, pour avoir exonéré la SCI Renoir de sa quote-part relative aux frais d'entretien de parties communes, alors :
« 1°/ que l'action engagée par les copropriétaires tendait à engager la responsabilité de la SAG à titre personnel et à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts ; qu'elle était recevable, dès lors que la SAG était en cause, sans qu'il soit besoin d'appeler à la procédure la SCI RENOIR ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°/ que les demandeurs n'avaient pas à mettre en cause la SCI RENOIR, peu important qu'au titre des moyens invoqués, et pour mettre en évidence la faute de la SAG, il y avait lieu de débattre sur le point de savoir si l'exclusion de la SCI RENOIR était légalement justifiée ou non ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a également été rendu en violation des articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 14 du code de procédure civile et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
3. Aux termes du premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, et du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
4. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les consorts [G] n'ont pas attrait la SCI Renoir à l'instance, alors que le procès est de nature à aggraver sa situation au regard des charges de copropriété qui devraient dorénavant lui être réclamées, sans qu'elle soit en mesure de faire valoir ses explications en défense, de sorte que le tribunal ne pouvait examiner la demande des copropriétaires et rechercher la responsabilité du syndic en l'absence de la SCI Renoir qui, n'ayant pas été mise en mesure de se défendre et de prouver qu'elle ne devait pas participer aux charges en cause, ne peut donc se voir appliquer une décision d'aggravation de sa quote-part des charges communes.
5. En statuant ainsi, alors que la SCI Renoir n'était pas liée par les effets de la décision à venir sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la SAG, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Sur le moyen relevé d'office
6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 14 du code de procédure civile et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, et du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
8. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée contre la SAG pour avoir exonéré la SCI Renoir de sa quote-part relative aux frais d'entretien de parties communes, l'arrêt retient, encore, que le syndicat des copropriétaires n'a pas été appelé en la cause, bien qu'il soit l'organe chargé de la conservation des parties communes, seul apte à représenter la copropriété en cas de litige concernant son fonctionnement interne, de sorte que le tribunal ne pouvait examiner la demande des copropriétaires et rechercher la responsabilité du syndic, qui prétend avoir respecté une décision s'imposant au syndicat des copropriétaires, en l'absence du syndicat.
9. En statuant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires n'était pas lié par les effets de la décision à venir sur l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la SAG, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y], et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts contre la SAG en raison de la mauvaise exécution de la décision de l'assemblée générale du 15 décembre 2010, alors « que le surcroît d'appel de charges lié à l'exécution défectueuse d'une délibération d'assemblée générale constitue un préjudice direct subi par chaque copropriétaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 17 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
11. Selon le premier de ces textes, le syndic, seul responsable de sa gestion, est chargé d'assurer l'exécution des délibérations de l'assemblée générale.
12. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
13. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les copropriétaires requérants ont reçu une contrepartie aux charges qu'ils ont payées puisque des travaux ont été faits dans la copropriété et que le tribunal a donc fait une erreur de droit en condamnant la SAG à réparer le dommage que les copropriétaires prétendent avoir individuellement subi par sa faute personnelle, en leur remboursant l'équivalent de la quote-part de charges qu'ils estiment avoir payées indûment mais que, pour autant, ils ont accepté d'acquitter, car ainsi ils bénéficient cumulativement de la plus-value apportée par les travaux réglés et de la restitution d'une partie du montant desdits travaux, de sorte que leur demande tend à obtenir une double indemnisation du même dommage.
14. En statuant ainsi, alors que l'appel par le syndic de charges irrégulières constitue un préjudice actuel et direct, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts formées par Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et les sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi contre la société d'administration et de gestion, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société d'administration et de gestion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'administration et de gestion et la condamne à payer à Mme [G], M. et Mme [W], Mme [Y] et aux sociétés civiles immobilières AP, [L] et Agoi la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mmes [G], [O], M. [W], Mme [X], la société AP, la société [L], la société Agoi.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté les demandes en dommages et intérêts, formées par les copropriétaires, aujourd'hui demandeurs au pourvoi, à l'encontre de la SAG, assignée à titre personnel, pour avoir exonéré fautivement la SCI RENOIR de sa quote-part s'agissant des frais d'entretien de parties communes [escaliers] ;
AUX MOTIFS QUE « le syndicat des copropriétaires n'a pas été appelé en cause, bien qu'il soit l'organe chargé de la conservation des parties communes, seul apte à représenter la copropriété en cas de litige concernant son fonctionnement interne ; que la SARL SAG est donc actionnée seule au titre de sa responsabilité professionnelle et non comme représentant légal du syndicat des copropriétaires, ce qui induit qu'il ne pourrait être retenu à son égard que les fautes détachables de ses fonctions de syndic, se rapportant à des manquements « personnels » caractérisés et ayant causé un préjudice direct à chacun des copropriétaires requérants ; qu'il lui est fait grief d'avoir depuis 2010, appelé les charges de nettoyage de l'immeuble en excluant les lots de la SCI RENOIR, copropriétaire de lots situés au rez-de-chaussée de l'ensemble immobilier ; que la SAG fait valoir qu'en appelant les charges sans inclure les lots de la SCI RENOIR, elle n'a fait qu'appliquer une décision rendue par le tribunal de grande instance de Grasse le 7 janvier 1993 qui a autorité de chose jugée en ses dispositions ayant jugé que les lots appartenant à la SCI RENOIR ne sont pas tenus de participer aux frais d'entretien de propreté des escaliers ; que pour leur part, les intimés soutiennent comme ils l'ont fait en première instance, que l'autorité de chose jugée d'une décision ne peut être invoquée que si le litige répond aux conditions cumulatives qui sont imposées par l'article 1351 du Code civil, à savoir identité d'objet, de cause, de demande et de parties, ce qui n'est pas le cas du jugement précité rendu dans une espèce opposant le syndicat des copropriétaires à la SCI RENOIR ; que le précédent invoqué par la SAG est un jugement rendu le 16 janvier 1993 par le tribunal de grande instance de Grasse confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de céans du 26 septembre 1996 ; que dans ce procès, le tribunal de grande instance était saisi d'un litige opposant la SCI RENOIR au syndicat des copropriétaires ; qu'en effet initialement le règlement de copropriété prévoyait que les charges d'entretien et de réparation concernant les entrées des blocs A et B de l'immeuble étaient réparties entre les lots de ces bâtiments, à l'exception des lots appartenant à la SCI RENOIR qui se constituent les locaux commerciaux situés au rez de chaussée que lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 27 novembre 1990 il avait été voté une résolution n°1 supprimant la clause susvisée et décidant que dorénavant les charges de réfection des cages d'escalier seraient réparties entre les tous les copropriétaires y compris la SCI ; que la SCI a donc demandé au tribunal d'annuler cette résolution ; qu'au terme de son jugement du 7 janvier 1993 le tribunal a rejeté la demande d'annulation présentée par la SCI et, faisant droit à la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires, a constaté l'inexistence de la clause du règlement de copropriété dispensant les lots de la SCI des charges « escaliers » puis, dans le dispositif de sa décision, a jugé comme suit : « en conséquence, procédant à une nouvelle répartition des charges, DIT et JUGE que les lots 12 3 4 5, 45 et 93 de la SCI devront participer : « au prorata de leurs tantièmes aux charges de réparation et conservation (mais non de simple entretien de propreté) des escaliers (?) « (sic) ; que ce dispositions ont été confirmées par arrêt du 26 septembre 1996 ; que la SCI RENOIR a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté suivant arrêt du 8 juillet 1998 ; qu'or, les copropriétaires requérants n'ont pas attrait la SCI RENOIR à l'instance alors que le procès est de nature à aggraver sa situation au regard des charges de copropriété qui devraient dorénavant lui être réclamées, sans qu'elle soit en mesure de faire valoir ses explications en défense ; que dès lors, le tribunal ne pouvait examiner la demande des copropriétaires et rechercher la responsabilité du syndic qui prétend avoir respecté une décision s'imposant au syndicat des copropriétaires ne pouvait être accueillie, en l'absence du syndicat des copropriétaires et surtout de la SCI RENOIR qui n'ayant pas été mise en mesure de se défendre et de prouver qu'elle ne doit pas participer aux charges en cause, ne peut donc se voir appliquer une décision d'aggravation de sa quotepart des charges communes » ;
ALORS QUE, premièrement, l'action engagée par les copropriétaires tendait à engager la responsabilité de la SAG à titre personnel et à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts ; qu'elle était recevable, dès lors que la SAG était en cause, sans qu'il soit besoin d'appeler à la procédure la SCI RENOIR ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, les demandeurs n'avaient pas à mettre en cause la SCI RENOIR, peu important qu'au titre des moyens invoqués, et pour mettre en évidence la faute de la SAG, il y avait lieu de débattre sur le point de savoir si l'exclusion de la SCI RENOIR était légalement justifiée ou non ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a également été rendu en violation des articles 14, 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté la demande des copropriétaires, aujourd'hui demandeurs au pourvoi, dirigée contre la SAG, et visant à ce que cette dernière soit condamnée à payer des dommages et intérêts à raison d de la mauvaise exécution de la décision de l'assemblée générale du 15 décembre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE « la faute personnelle du syndic peut être retenue à l'égard de copropriétaires auxquels elle a causé un préjudice direct et certain ; qu'or, en l'espèce, il n'existe pas de preuve de ce que la situation dénoncée par les copropriétaires leur a causé à chacun, individuellement, un préjudice direct et qu'en outre, la contrepartie du préjudice personnel invoqué consiste en la restitution de la quote-part des appels de charges correspondant la part qu'ils estiment avoir trop versée ; qu'en effet, l'assemblée générale ayant donné lieu au vote des travaux litigieux s'est tenue le 15 décembre 2010 et la présente procédure a été introduite le 20 mai 2015 ; que les copropriétaires ont entre temps sur plusieurs exercices répondu aux appels de charge et n'ont pas provoqué la réunion d'une assemblée générale sur le problème des travaux ; qu'à ce jour, la SAG est toujours le syndic de la copropriété et sauf pièce non produite aux débats, le syndicat des copropriétaires n'a pas fait le nécessaire pour rectifier la situation dénoncée par les consorts [G] et autres ; qu'il n'est pas établi ni même plaidé que les fonds levés ont été dilapidés par la SAG qui les a donc bien utilisés pour payer les entreprises chargées de réaliser les travaux dans la copropriété ; que dès lors, les copropriétaires requérants ont reçu une contrepartie aux charges qu'ils ont payées puisque des travaux ont été faits dans la copropriété, et le tribunal a donc fait une erreur de droit en condamnant la SAG à réparer le dommage que les copropriétaires prétendent avoir individuellement subi par sa faute personnelle, en leur remboursant l'équivalent de la quote-part de charges qu'ils estiment avoir payées indûment mais que pour autant ils ont acceptées d'acquitter car ainsi, ils bénéficient cumulativement, de la plus value apportée par les travaux réglés, et de la restitution d'une partie du montant desdits travaux ; qu'en conséquence, la demande des consorts [G] et autres contre la SAG, tendant à obtenir une double indemnisation du même dommage allégué, il y a lieu d'infirmer le jugement querellé » ;
ALORS QUE, premièrement, le surcroît d'appel de charges lié à l'exécution défectueuse d'une délibération d'assemblée générale constitue un préjudice direct subi par chaque copropriétaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, les circonstances que l'action aïet été intentée près de cinq ans après le vote de la délibération en cause, que les charges aient été acquittées, que les copropriétaires n'aient pas provoqué une réunion d'assemblée générale, que les copropriétaires aient maintenu le syndic en activité, que le syndicat n'ait pas procédé à des rectifications et que les fonds levés n'aient pas été dilapidés par le syndic ne faisaient pas obstacle à l'action en réparation du préjudice ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a également été rendu en violation des articles 17 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, la circonstance que le demandeur à la réparation ait tiré un avantage de la situation illégale, à supposer que cet avantage soit établi, ne peut faire échec au droit à réparation qu'il détient pour avoir subi un dommage lié notamment à un appel de charge illégal ; que de ce point de vue également, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil."