Cet arrêt juge que le constructeur de maison individuelle doit assumer le coût des fluides indispensables à la construction de la maison.
"Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 février 2018), M. et Mme X... ont conclu avec la société Maisons Dauphiné Savoie, devenue société Primalp (la société Primalp), un contrat de construction de maison individuelle.
2. La Caisse de garantie immobilière (la CGI Bat) a accordé une garantie de livraison.
3. Se plaignant de retards et de désordres, M. et Mme X... ont assigné la société Primalp et la société CGI Bat en indemnisation de leurs préjudices.-Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, le deuxième moyen et le cinquième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen du pourvoi incident de la CGI Bat et du pourvoi incident de la société Primalp, ci-après annexés
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande au titre des pénalités de retard, alors :
« 1°/ qu’un débiteur ne peut invoquer l’exception d’inexécution qu’en se fondant sur une obligation exigible ; qu’en se bornant à retenir que les époux X... auraient payé avec retard des appels de fond « hors d’eau » pour en déduire que le constructeur était fondé à achever le chantier avec retard, sans rechercher si à la date de l’appel de fonds « hors d’eau », l’état d’achèvement de la construction rendait exigibles les paiements appelés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil, devenu l’article 1219 du même code ;
2°/ que le contrat a force obligatoire entre les parties ; qu’en retenant, pour rejeter les demandes des époux X... au titre des pénalités de retard, que la société Maisons Dauphine Savoie faisait état de huit jours d’intempéries qui, en application du contrat, auraient justifié un retard de livraison, sans rechercher si les stipulations mises en oeuvre ne subordonnaient pas le report du délai de livraison en cas d’intempéries à un arrêt de travail « conformément aux dispositions des articles L. 731-1 et suivants du code du travail », qui exige la fourniture de documents de la caisse des congés payés du bâtiment ou de l’inspection du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, devenu l’article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
6. La cour d’appel a retenu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu’il était justifié de huit jours d’intempéries, dès lors que, conformément aux dispositions le l’article 6-2 des conditions générales du contrat, l’entreprise avait averti du retard les maîtres de l’ouvrage par lettre recommandée.
7. La cour d’appel a relevé que la société Primalp faisait valoir que le chantier avait été arrêté en raison du non-paiement de certains appels de fonds, constaté que l’article 3.5 des conditions générales du contrat prévoyait que, si, après mise en demeure, les sommes dues n’étaient pas réglées dans le délai de huit jours, le constructeur était en droit d’interrompre les travaux, retenu qu’il était justifié d’une lettre recommandée du 28 mars 2013 de l’entreprise aux maîtres de l’ouvrage les avertissant de l’arrêt du chantier à la suite du défaut de paiement de l’appel de fonds « hors d’eau », lettre rappelée dans des courriels postérieurs pour non-paiement de l’appel de fonds « achèvement des cloisons » et « mise hors d’air » et, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu’il existait des retards de chantiers générés par le non-paiement des appels de fonds suivants : « hors d’eau », « achèvement des cloisons », « mise hors d’air ».
8. La cour d’appel a pu rejeter la demande de pénalités de retard.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
10. M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en remboursement de la somme de 4 494 euros facturée pour la souscription de l’assurance dommages-ouvrage, alors « que l’entrepreneur, agissant en qualité de mandataire du maître de l’ouvrage, doit justifier du montant réclamé en remboursement de la somme versée à l’assureur au titre de l’assurance dommage-ouvrage ; qu’en se bornant à retenir, pour rejeter la demande des époux X... en remboursement des sommes versées au titre de l’assurance dommage-ouvrage, que cette assurance avait bien été souscrite puisqu’elle avait pris en charge les désordres liés au balcon sans rechercher si le constructeur avait justifié du versement, à l’assureur, de la somme de 4 494 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1993 du code civil, ensemble l’article L. 242-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
11. La cour d’appel a relevé qu’il n’était pas contesté qu’une assurance dommages-ouvrage avait été souscrite dès lors que l’assureur avait pris en charge le désordre lié au balcon de la chambre parentale et que, par lettre du 8 octobre 2012, l’attestation de garantie avait été communiquée aux maîtres de l’ouvrage.
12. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la somme de 4 494 euros, que M. et Mme X... avaient payée à la société Primalp au titre de la souscription de l’assurance dommages-ouvrage, était due à l’entreprise.
13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen du pourvoi incident de la société CGI Bat et le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Primalp, réunis
Enoncé du moyen
14. La société CGI Bat et la société Primalp font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à payer à M. et Mme X... la somme de 1 533,70 euros au titre des fluides consommés lors de l’édification de la maison, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’ayant constaté l’existence d’une clause contractuelle mettant à la charge de M. et Mme X... les fluides consommés pour bâtir la maison, les juges du fond ne pouvaient se dispenser d’appliquer ladite clause ; qu’en refusant de lui donner effet, la cour d’appel de Paris a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
15. Il résulte de l’article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation que tous les travaux qui ne sont pas réservés par le maître de l’ouvrage dans les formes prescrites et qui sont nécessaires à l’achèvement de la maison incombent au constructeur.
16. La cour d’appel a retenu qu’il n’était pas contesté, au regard de la notice descriptive (« Généralités »), que l’installation d’un point d’eau et d’un branchement électrique sur le chantier était à la charge du maître de l’ouvrage et que la notice prévoyait également la prise en charge par le maître de l’ouvrage des consommations.
17. Elle a relevé que les fluides étaient nécessaires à l’édification de la construction.
18. Elle en a exactement déduit qu’ils auraient dû être compris dans le prix convenu et qu’il y avait lieu d’accueillir à la demande.
19. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident de la société Primalp, réunis
20. M. et Mme X... et la société Primalp font grief à l’arrêt de condamner la CGI Bat à payer aux maîtres de l’ouvrage les sommes de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves et de 37 124,60 euros au titre des suppléments de prix sous réserve pour la CGI Bat d’opposer sa franchise d’un montant de 17 285 euros, alors :
« 1°/ que l’assureur doit payer intégralement le supplément de prix imputable au constructeur ; qu’en appliquant une franchise de 17 825 euros à la garantie due par la CGI Bat, alors que le constructeur avait été condamné à verser aux époux X..., outre la somme de 5 964,50 euros au titre de nouvelles réserves, la somme de 37 124,60 euros au titre « des suppléments de prix » auxquels aucune franchise ne pouvait être appliquée, la cour d’appel a violé l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation ;
2°/ qu’en toute hypothèse, le garant ne peut opposer à l’assuré une franchise que pour dépassement du prix convenu, constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat ; qu’en se bornant à retenir qu’il « y a(vait) lieu de confirmer le jugement attaqué qui a(vait) fixé à 17 285 euros (5 % de 345 700 euros) le montant de la franchise opposable conformément aux dispositions de l’article L. 213-6 du code de la construction et de l’habitation »), sans rechercher si le coût réel des travaux avait dépassé le prix convenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation :
21. Aux termes de ce texte, en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge : a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ; b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix.
22. Il en résulte qu’une franchise peut être stipulée s’agissant du dépassement du prix convenu, et non s’agissant du supplément de prix.
23. La cour d’appel a fait application de la franchise s’agissant de travaux non prévus et non chiffrés dans la notice descriptive et donnant donc lieu à des suppléments de prix.
24. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.-Portée et conséquences de la cassation
25. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
26. La cassation prononcée n’implique pas, en effet, qu’il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fait application de la franchise à hauteur de 17 285 euros, l’arrêt rendu le 2 février 2018 par la cour d’appel de Paris ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de la franchise ;
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Brun
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret - SCP Foussard et Froger ; SCP Waquet, Farge et Hazan"