Cet arrêt juge que les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l'origine d'un inconfort qui n'entraînait pas une impossibilité de travailler dans l'immeuble de sorte que les désordres n'étaient pas de nature décennale.
"La société Mate, société à responsabilité limitée, dont le siège est La Roche-sur-Yon, a formé le pourvoi n° E 19-11.879 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Aviva assurances, société anonyme, dont le siège est Bois-Colombes, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Mate, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Aviva assurances, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Bordeaux, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 novembre 2018), la société Espace Europ a confié à la société Mate, assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur destinée à la climatisation et au chauffage de ses bureaux.
2. Se plaignant de dysfonctionnements survenus dès la mise en route de l'installation, la société Espace Europ a, après expertise, assigné la société Mate en résolution de la vente et en dommages-intérêts. La société Mate a assigné en garantie la société Aviva.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
3. La société Mate fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Aviva, alors :
" 1°/ que le système de chauffage-climatisation d'un immeuble peut par sa conception, son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière constituer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en qualifiant le système de chauffage-climatisation litigieux, d'élément d'équipement dissociable, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si l'installation qui a fait l'objet d'un devis de 26 400 euros HT n'avait pas nécessité de lourds travaux sur deux niveaux modifiant la structure du bâtiment, les conduits étant intégrés dans le gros oeuvre et ne constituait pas dès lors un ouvrage dont l'impropriété à sa destination relève de la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°/ que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'il en va ainsi lorsque la dépose de cet élément d'équipement, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; qu'en énonçant que le système de chauffage-climatisation litigieux constituerait un élément d'équipement dissociable, après avoir constaté que son remplacement nécessiterait la dépose de l'existant et des faux plafonds, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil qu'elle a violé ;
3°/ que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en excluant l'impropriété de l'immeuble à sa destination, après avoir constaté qu'en raison du dysfonctionnement du système de climatisation-chauffage, les occupants de l'immeuble sont soumis à des variations brusques et importantes de température, à des brassages d'air important et à des arrêts de chauffage l'hiver entrainant leur mal être permanent, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1792 du code civil ;
4°/ que la société Aviva admettait expressément dans ses conclusions devant la cour d'appel que les travaux facturés le 31 janvier 2006 avaient été intégralement réglés par Espace Europ ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve du paiement des travaux, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'un moyen contraire aux conclusions de la société Aviva, tiré de l'absence de paiement des travaux, sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°/ que la prise de possession des travaux par le maître de l'ouvrage, et le paiement de l'intégralité des travaux, valent présomption de réception tacite ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve de la date du paiement, sur la circonstance que l'occupation des locaux aurait résulté de l'activité professionnelle qui s'exerçait dans ces locaux et que la société Espace Europ aurait fait connaître rapidement son insatisfaction à plusieurs reprises, la cour d'appel a statué par des motifs qui ne sont pas de nature à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas recevoir les travaux et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. "
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel, qui a apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui n'était pas liée par les constatations et les conclusions de l'expert judiciaire qu'elle a rappelées, a souverainement retenu que les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l'origine d'un inconfort qui n'entraînait pas une impossibilité de travailler dans l'immeuble de sorte que les désordres n'étaient pas de nature décennale.
5. Elle a déduit à bon droit de ces seuls motifs que la demande de garantie formée par la société Mate contre la société Aviva devait être rejetée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Énoncé du moyen
7. La société Mate fait le même grief à l'arrêt alors " qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de la société Mate qui, invoquant la renonciation de l'assureur à contester sa garantie, faisait valoir que la société Aviva avait pris en charge le sinistre en mandatant un expert à ses frais sans décliner sa garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. "
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel, devant qui la société Mate n'avait pas soutenu que la désignation de l'expert serait intervenue sans réserves de la part de l'assureur ni que celui-ci aurait renoncé à contester sa garantie, n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mate aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mate et la condamne à payer à la société Aviva assurances la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Mate.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
11 est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mate de ses demandes à l'égard de la société Aviva Assurances ;
Aux motifs que sur la nature de l'installation posée, la société Mate soutient que les travaux litigieux résultent d'un contrat d'entreprise portant sur la conception, la réalisation, l'installation d'un système de chauffage-climatisation. Ils constituent selon elle un ouvrage, à défaut un élément d'équipement dissociable sur existant. L'assureur estime qu'il ne s'agit pas d'un contrat de louage d'ouvrage. La cour d'appel le 23 novembre 2012 avait relevé qu'il résultait de l'examen du devis et de la facture des
12 octobre 2005 et 31 janvier 2006 que la société Mate a assuré une mission de conception et de réalisation de l'installation litigieuse, que la pose, le réglage et l'adaptation à l'existant constituent un travail. Elle qualifiait en conséquence le contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1787 du code civil. La société AVIVA fait observer que les travaux n'ont été précédés d'aucune étude technique, d'aucun cahier des charges, qu'il n'y a eu aucune personnalisation de la prestation. Elle considère que le raccordement électrique, le percement des murs sont de menus travaux qui ne permettent pas de les qualifier de travaux de construction. La cour relève que l'expert judiciaire afin de remédier aux désordres a préconisé le remplacement de l'installation, au titre des frais complémentaires, la dépose de l'existant et des faux plafonds. Ces éléments démontrent que les travaux litigieux portent sur un élément d'équipement dissociable, ne constituent pas un ouvrage.
- Sur l'atteinte à la destination de l'immeuble, la société Mate soutient que les désordres sont décennaux dans la mesure où il est impossible de travailler dans les locaux. L'assureur considère que les dommages relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun s'agissant de défaut de conformité de l'installation au regard des attentes du client. L'expert judiciaire a indiqué que l'installation de chauffage rafraîchissement réalisée par la société Mate ne donne pas satisfaction aux utilisateurs.
Il relève des :
-inconforts liés aux variations brusques et importantes des températures ; -inconforts dus aux brassages d'air importants ;
-impossibilité sur un étage de rafraîchir une zone ;
-des arrêts de chauffage l'hiver.
L'expert indique que l'installation ne répond pas à sa destination. L'entreprise n'a pas su concevoir, réaliser et régler une installation de climatisation capable d'assurer les normes de confort standard dans les règles de l'art et répondant aux exigences des économies d'énergie. Le 11 août 2006, M. ... écrivait à la société Mate : La période chauffage s'est très mal passée avec des résultats inefficaces : irrégularité des températures, coupures de chauffage sans raison, mal être permanent des salariés. La période de climatisation des locaux n'est pas plus satisfaisante. Nous constatons toujours l'irrégularité des températures. Certains bureaux fonctionnent bien deux jours et par la suite, ils sont déréglés. Il concluait en lui demandant expressément de résoudre le problème car il est hors de question que le personnel revive l'inconfort permanent de l'hiver passé. Force est de relever que les experts consultés amiablement se sont également prononcés en faveur de désordres limités affectant le confort. M. ..., le 30 novembre 2006, estimait que l'incidence sur le confort était minime, que les inconvénients de ce type d'installation étaient connus, que l'installation ne permet pas d'obtenir une température identique. Le 20 mai 2007, M. ..., ingénieur, relevait que l'installation avait suscité l'insatisfaction générale du personnel dès l'occupation des locaux. Il ajoutait qu'elle n'était pas du tout conforme à l'attente du client car ce n'est pas une unité de climatisation mais une machine réversible.
L'inconfort s'il est caractérisé n'établit pas contrairement à ce qui est soutenu par la société Mate l'impossibilité de travailler dans l'immeuble. Le dysfonctionnement affectant l'installation ne permet pas de qualifier les désordres de décennaux.
- sur la réception, la société Mate soutient qu'il y a eu réception tacite des travaux dès lors qu'il y a eu prise de possession des locaux et paiement intégral des travaux. L'expert judiciaire a estimé qu'il existait un accord des parties sur l'existence d'une réception tacite pouvant être fixée à la date d'occupation des lieux. L'assureur est fondé à contester l'existence de la réception dès lors qu'il n'était pas partie aux opérations d'expertise. Il ressort des pièces produites que les travaux n'ont pas fait l'objet d'un contrat de maîtrise d'oeuvre, que l'architecte présent était un architecte d'intérieur, qu'aucun procès-verbal de réception n'a été rédigé, que le dossier des ouvrages exécutés a été déposé le 30 janvier 2008. La cour d'appel dans son arrêt du 23 novembre 2012 a considéré que les réserves importantes émises par le maître de l'ouvrage excluaient une réception tacite. La société Mate ne justifie pas de la date de paiement de la facture, facture qui a été émise le 31 janvier 2006 avant l'occupation des locaux. Il est établi que la mise en service est du 9 janvier 2006, que la facture a été émise le 31 janvier. En revanche, l'occupation des locaux est du 15 février. La société Espace Europ qui se prononce en faveur d'une réception tacite des travaux ne justifie pas du paiement de ceux-ci, ni de sa date. De même, l'occupation des locaux résulte de l'activité professionnelle qui s'exerçait dans ces locaux, n'établit pas en elle-même la volonté de recevoir les travaux. La société Espace Europ a fait connaître rapidement son insatisfaction à plusieurs reprises les 15 février, 4 juillet, 11 août 2006. Il n'est donc pas démontré que l'entreprise ait eu la volonté d'accepter les travaux le 15 février 2006, fût-ce avec réserves. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la garantie décennale de l'assureur était due. La société Mate sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnisation pour refus de garantie abusif.
1°- Alors que le système de chauffage-climatisation d'un immeuble peut par sa conception, son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière constituer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en qualifiant le système de chauffage-climatisation litigieux, d'élément d'équipement dissociable, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si l'installation qui a fait l'objet d'un devis de 26.400 euros HT n'avait pas nécessité de lourds travaux sur deux niveaux modifiant la structure du bâtiment, les conduits étant intégrés dans le gros oeuvre et ne constituait pas dès lors un ouvrage dont l'impropriété à sa destination relève de la garantie décennale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2°- Alors que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'il en va ainsi lorsque la dépose de cet élément d'équipement, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; qu'en énonçant que le système de chauffage-climatisation litigieux constituerait un élément d'équipement dissociable, après avoir constaté que son remplacement nécessiterait la dépose de l'existant et des faux plafonds, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil qu'elle a violé ;
3°- Alors que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en excluant l'impropriété de l'immeuble à sa destination, après avoir constaté qu'en raison du dysfonctionnement du système de climatisation-chauffage, les occupants de l'immeuble sont soumis à des variations brusques et importantes de température, à des brassages d'air important et à des arrêts de chauffage l'hiver entrainant leur mal être permanent, la Cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1792 du code civil ;
4°- Alors que la société Aviva admettait expressément dans ses conclusions devant la Cour d'appel que les travaux facturés le 31 janvier 2006 avaient été intégralement réglés par Espace Europ ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve du paiement des travaux, la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°- Alors que le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'un moyen contraire aux conclusions de la compagnie Aviva, tiré de l'absence de paiement des travaux, sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°- Alors que la prise de possession des travaux par le maitre de l'ouvrage, et le paiement de l'intégralité des travaux, valent présomption de réception tacite ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve de la date du paiement, sur la circonstance que l'occupation des locaux aurait résulté de l'activité professionnelle qui s'exerçait dans ces locaux et que la société Espace Europ aurait fait connaître rapidement son insatisfaction à plusieurs reprises, la Cour d'appel a statué par des motifs qui ne sont pas de nature à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas recevoir les travaux et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Mate de ses demandes à l'égard de la société Aviva Assurances ;
Aux motifs cités au premier moyen.
Alors qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de la société Mate qui, invoquant la renonciation de l'assureur à contester sa garantie, faisait valoir que la société Aviva avait pris en charge le sinistre en mandatant un expert à ses frais sans décliner sa garantie, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile."