Le copropriétaire qui veut effectuer des travaux sur les parties communes dont il a la jouissance privative doit solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires : c'est ce que juge cet arrêt.
"Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble de [...], dont le siège est [...] , représenté par son syndic, la société Le Centre de gestion immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 18-24.676 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. I... N...,
2°/ à Mme F... W..., épouse N...,
domiciliés tous deux [...], [...],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...], après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Vu les articles 3 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 septembre 2018), que M. N... et Mme W... (les consorts N...), propriétaires d'un appartement avec jouissance privative d'un jardin, ont assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision de l'assemblée générale du 21 mai 2015 qui a refusé de les autoriser à construire dans le jardin un abri sur une dalle en béton ; que le syndicat des copropriétaires a reconventionnellement sollicité la démolition de l'ouvrage et la remise en état des lieux ;
Attendu que, pour accueillir la demande des consorts N... et rejeter celle du syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient que la parcelle de terre dont les premiers ont la jouissance exclusive est une partie commune dont ils peuvent jouir dans les conditions prévues pour les parties privatives, ce qui exclut la nécessité de recueillir l'accord des copropriétaires pour y implanter la construction litigieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'attribution d'un droit d'usage privatif sur une partie commune ne modifie pas le caractère de partie commune et que le copropriétaire qui veut effectuer des travaux sur les parties communes dont il a la jouissance privative doit solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. N... et Mme W... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. N... et Mme W... à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Tamaris la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement, annulé la résolution n° 24 de l'assemblée générale du 21 mai 2015 et rejeté la demande du syndicat des copropriétaires tendant à la condamnation de M. et Mme N... à rétablir les lieux dans leur état antérieur en enlevant leurs abris de jardin et en démolissant la dalle en béton ;
AUX MOTIFS QUE I... N... et F... W... soutiennent que l'aménagement litigieux se situe dans leurs parties privatives ; que leur attestation de propriété fait référence à l'achat d'un appartement F3 en rez-de-chaussée avec « jouissance d'une parcelle de terre de 132 m² environ » ; que l'état descriptif de division décrit le lot 415 comme un appartement F3 en rez-de-chaussée avec « jouissance dans les termes de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965 d'une parcelle de terre de 132 m² environ » ; que l'article 2 susvisé définit les parties privatives comme celles réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé et précise qu'elles sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire ; que par ailleurs, l'article 2 du règlement de copropriété définit comme parties communes « la totalité du sol, en ce compris
des cours, jardins et
» ; qu'en l'état de ces dispositions contradictoires, il doit être considéré que la parcelle de terre de 132 m² dont I... N... et F... W... ont la jouissance exclusive est une partie commune dont ils peuvent jouir dans les conditions prévues pour les parties privatives, excluant dès lors la nécessité de recueillir l'accord des copropriétaires pour y implanter la construction litigieuse, la seule limitation à leurs droits étant de ne porter atteinte ni à ceux des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble ; que, dans ces conditions, le jugement ayant rejeté la demande d'annulation de la résolution n° 24 de l'assemblée générale du 21 mai 2015 doit être informé, et l'annulation prononcée ; que la cour n'a pas à leur délivrer d'autorisation dans les conditions prévues par l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 alors que l'ajout d'un cabanon de 3 m sur 3 et d'une terrasse en teck ne peut être considération comme une amélioration au sens de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 et alors surtout que la jouissance de la parcelle de terre de 132 m² est permis dans les conditions prévues pour les parties privatives ; que, sur la demande de condamnation de I... N... et F... W... à rétablir les lieux dans leur état antérieur, en enlevant leurs abris de jardin et en démolissant la dalle de béton, la résolution n° 14 de l'assemblée générale du 21 mai 2015 étant annulée, et cette demande de condamnation n'étant pas motivée par une atteinte portée aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble, ne peut être accueillie ;
1° - ALORS QUE les parties communes d'un immeuble en copropriété, même grevées d'un droit de jouissance exclusif bénéficiant à l'un des copropriétaires, ne peuvent faire l'objet de travaux sans autorisation de l'assemblée générale ; que la cour d'appel a elle-même relevé que « la parcelle de terre de 132 m² dont I... N... et F... W... ont la jouissance exclusive est une partie commune » ; qu'en décidant néanmoins que des travaux de construction pouvaient y être réalisés par les intéressés sans qu'il soit besoin d'autorisation de l'assemblée générale, dès lors qu'ils en avaient la jouissance privative, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 3 et 25 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2° ALORS en tout état de cause QU'aucune des deux parties ne soutenaient que les travaux litigieux pouvaient être réalisés sans autorisation de l'assemblée générale ; qu‘en relevant d'office ce moyen, pour en déduire que la résolution de l'assemblée générale refusant l'autorisation devait être annulée et débouter le syndicat des copropriétaires de ses conclusions tendant à la remise en état des lieux, sans avoir mis les parties en mesure d'en débattre, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile."