Cet arrêt juge que c'est légalement qu'un bail précaire commercial a été consenti et que ce bail n'est pas soumis au statut des baux commerciaux.
La Cour relève que "depuis l'origine des relations contractuelles, le sort de l'immeuble, dont la destruction avait été évoquée plusieurs fois, était lié à la réalisation par la commune d'un projet de réhabilitation du centre ville et que les lieux loués n'étaient pas destinés à rester pérennes, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties et permettant de retenir la qualification de convention d'occupation précaire".
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mai 2018), que, de 1987 à 2008, la société GLM (la SCI) a, chaque année, donné en location à titre précaire à la société Diffusion directe de l'Arve (la société DDA) un local situé au rez-de-chaussée d'un immeuble dont elle est propriétaire et à l'étage duquel elle exploite un hôtel ; que, le 3 juillet 2008, la SCI a demandé à la société DDA de libérer le local à la date du 1er septembre 2008 pour procéder à des travaux d'aménagement de l'hôtel en appartements ; que, le 20 avril 2010, la SCI lui a proposé la conclusion d'un bail commercial, proposition à laquelle il n'a pas été donné suite ; que, le 11 septembre 2014, la société DDA a assigné la SCI en paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que la société DDA fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux et de rejeter sa demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, depuis l'origine des relations contractuelles, le sort de l'immeuble, dont la destruction avait été évoquée plusieurs fois, était lié à la réalisation par la commune d'un projet de réhabilitation du centre ville et que les lieux loués n'étaient pas destinés à rester pérennes, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties et permettant de retenir la qualification de convention d'occupation précaire, a exactement déduit, de ces seuls motifs, que le statut des baux commerciaux n'était pas applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Diffusion directe de l'Arve aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Diffusion directe de l'Arve et la condamne à payer à la société GLM la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Diffusion directe de l'Arve
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Diffusion directe de l'Arve ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux concernant le local loué de Chamonix et de l'avoir déboutée de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE
sur l'application du statut des baux commerciaux
Il résulte des éléments du dossier que les parties ont conclu durant toute la durée d'occupation des locaux par la société DDA des conventions précaires.
En 1987, elle a donné à bail à la société Diffusion directe de l'Arve (DDA) une partie du rez-de-chaussée, aux fins d'exploitation d'un fonds de commerce de vente au détail de vêtements et articles de sport sous l'enseigne et la marque SNC.
Le 24/03/1989, le gérant de la société DDA a écrit à M. E... la lettre suivante : « je soussigné M. T..., gérant de la Sarl DDA (..) déclare renoncer au bénéfice de la propriété commerciale au 01/03/1989 concernant le contrat de location bail du 01/05/1988 au 31/03/1989 des locaux situés [...] ». (Le bailleur est ensuite devenu la société civile immobilière GLM).
Par la suite, des contrats de bail ont été conclus chaque année entre la SCI GLM et la société DDA :
- le 30/12//2004, pour l'année 2005 (loyer mensuel HT de 3.566 euros)
- le 22/12/2005, pour l'année 2006 (loyer mensuel HT De 3.695 euros)
- le 28/12/2006 pour l'année 2007 (loyer mensuel HT de 3.805 euros)
- le 03/01/2008 pour l'année 2008 (loyer mensuel HT de 3.910 euros), la location ayant pris fin à l'automne 2008.
Selon l'article L. 145-5-1 du Code de commerce, « n'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ».
Or, tel est bien le cas en l'espèce.
En effet, les lieux loués n'étaient pas destinés à rester pérennes, en raison des projets d'urbanisme de la commune de Chamonix :
- en 1979, la commune de Chamonix a organisé un concours d'idées pour la modification de la place du Mont Blanc sur laquelle se trouve l'hôtel Le Stade, appartenant à la SCI GLM ;
- le 24/12/1979, la commune a écrit aux consorts E... R..., (aujourd'hui SCI GLM), qu'elle avait confié à M. J..., architecte, une mission générale de coordination, pour « décider très rapidement les bâtiments qui pourront ou non être conservés »;
- le 23/01/1985, la commune a écrit à nouveau : « d'après le projet remis par le cabinet LAMBERT (..) il apparaît que l'Hôtel du Stade et le garage Arpin seraient détruits, pour être reconstruits en retrait » ;
- le 18/09/1987, elle écrivait : « l'Hôtel du Stade que vous exploitez est compris au sein du périmètre de la [...] (..) cet immeuble est donc susceptible d'être soumis au droit commun de l'expropriation » ;
- le 26/10/1989, la commune a approuvé par anticipation sur la procédure de révision du Plan d'Occupation des Sols lancée le 7 juillet 1989, en indiquant à M. E... que « l'hôtel du Stade est appelé à conserver toute sa place au sein du schéma d'aménagement de la place du Mont Blanc » ;
- en 1990, la commission de sécurité a fait fermer le 3ème étage, en raison de l'absence d'isolement au feu entre les chambres et les combles, le bâtiment étant en bois ;
- lors de sa séance du 29/11/1996, le conseil municipal a pris une décision sur cet aménagement, avec création d'un quai piétonnier rive gauche de l'Arve, restructuration des bâtiments du centre de secours DDE, création de logements, maintien du bâtiment « garage Arpin- Hôtel du Stade », redressement de l'avenue du Mont Blanc et déplacement du rond-point ;
- dans son bulletin de mars-avril 1997, la commune a fait état de la révision du POS, concernant notamment l'aménagement de la place du Mont Blanc ;
- le 08/07/2004, à l'occasion du Plan local d'urbanisme (PLU), la SCI GLM a indiqué vouloir créer des appartements à la place de l'hôtel, en créant des dalles et un escalier extérieur avec ascenseur,
- le 22/09/2005, la mairie indiquait qu'aucun obstacle n'empêchait ce changement de destination, l'hôtel ayant moins de 20 chambres.
Il en résulte qu'à compter de l'année 1979, le sort de l'immeuble propriété de la SCI GLM était en discussion, que sa destruction avait été évoquée à plusieurs reprises, et que finalement, en raison de 'impossibilité de transformer l'immeuble pour qu'il puisse répondre aux exigences de la commission de sécurité, il a dû être détruit, de façon à être reconstruit, l'immeuble ancien ne pouvant supporter le poids de dalles de béton armé séparant les différents niveaux, d'autant que les murs et ouvertures devaient être repris pour répondre aux normes sismiques, et être isolés phoniquement et thermiquement.
Il en résulte que le bailleur était fondé à ne louer le local litigieux à la société DDA qu'à titre précaire, conformément aux dispositions légales sus mentionnées, aucune fraude ne pouvant être relevée à son encontre, les conventions conclues entre les parties manifestant leur volonté commune de pouvoir exploiter les lieux tant que le bâtiment ne sera pas démoli.
Du reste, le bailleur a finalement fait démolir le bâtiment pour faire édifier un immeuble tout à fait différent.
Le fait que cette situation a pu perdurer de très nombreuses années est inopérant, la commune de Chamonix ayant en permanence fait évoluer son projet de réaménagement du centre ville, et n'ayant prise qu'au bout d'une trentaine d'années sa décision définitive quant aux travaux à réaliser.
Ainsi, le statut des baux commerciaux ne peut être invoqué en l'espèce.
Sur le non-renouvellement du bail
Le statut des baux commerciaux n'étant pas applicable, le preneur ne peut invoquer un droit au renouvellement de son bail.
Le bailleur n'était donc pas obligé de donner congé par acte d'huissier, et pouvait ne pas renouveler le bail après chaque période annuelle de location. En demandant à la société DDA de quitter les lieux en raison des travaux, elle a mis fin nécessairement aux relations contractuelles, les lieux loués étant destinés à être détruits. Il ne s'en est pas suivi une suspension du bail, mais une résiliation, en raison de l'arrivée d'un terme, et la SCI GLM était fondée à proposer à son ancienne locataire un bail commercial cette fois-ci soumis au statut, dans des conditions financières différentes de celles qui avaient régi les relations des parties dans le cadre de contrats précaires.
En conséquence, la société DDA sera déboutée de ses demandes,
1° ALORS QUE la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières et pour une durée dont le terme est marqué par une cause autre que la seule volonté des parties; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'a compter de l'année 1979, l'éventualité de la destruction de l'immeuble propriété de la SCI GLM, bailleur, avait seulement été évoquée dans le cadre du projet d'urbanisme de la ville de Chamonix sans qu'aucune décision n'ait jamais été prise en ce sens par la commune de Chamonix et qu'au contraire, le 26 octobre 1989, la commune de Chamonix avait indiqué que cet immeuble conserverait toute sa place au sein du schéma d'aménagement de la place ; qu'en décidant néanmoins que les lieux loués n'étaient pas destinés à rester pérennes, en raison des projets d'urbanisme de la commune de Chamonix et qu'en conséquence le motif de la précarité de la convention liant la SCI GLM à la SNC DDA depuis 1987, preneur, résultait de circonstances extérieures à la seule volonté des parties, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la convention d'occupation précaire, a violé l'article L. 145-1 du code de commerce et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
2° ALORS QUE la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par une cause autre que la seule volonté des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la SCI GLM, bailleur, avait justifié la fin du contrat la liant à la SNC DDA, preneur, par la réalisation de travaux de réaménagement du bâtiment Hôtel le Stade en appartements suivant le permis de construire accordé le 21 août 2006 par la Commune de Chamonix ; qu'en retenant que la SCI GLM était fondée à ne louer le local litigieux qu'à titre précaire bien qu'elle ait relevé que le motif de précarité dépendait de la seule volonté du bailleur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 145-1 du code de commerce et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,
3° ALORS QUE dans le cadre d'un bail dérogatoire, la renonciation au statut des baux commerciaux ne peut intervenir que postérieurement à l'expiration dudit contrat ; que la cour d'appel a relevé que le 24 mars 1989, le gérant de la société DDA, preneur, avait écrit une lettre par laquelle il déclarait renoncer au bénéfice de la propriété commerciale au 1er mars 1989 concernant le contrat de location du 1er mai 1988 au 31 mars 1989 et que par la suite des contrats de bail ont été conclus chaque année entre la SCI GLM, bailleur, et la société DDA ; qu'en décidant que le bailleur était fondé à ne louer le local à la société DDA qu'à titre précaire, bien qu'elle ait relevé que la renonciation au statut des baux commerciaux était antérieure à l'expiration du contrat en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 145-5 du code de commerce,
4° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, l'exposante, preneur, faisait valoir que les contrats annuels de location du local commercial successivement établis par la SCI GLM, bailleur, ne faisaient référence à une quelconque incertitude urbanistique ou à une quelconque précarité et que pendant plus de 20 années, l'urbanisme n'avait non seulement jamais entravé l'exploitation du fonds de commerce mais qu'au contraire, toutes les évolutions éventuelles n'avaient fait que confirmer la possibilité de l'exploitation commerciale de l'immeuble ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire des conclusions de l'exposante d'où il résultait que la conclusion de multiples contrats de courtes durées n'était pas motivée par des circonstances extérieures à la volonté des parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile."