Cet arrêt juge que le fait qu'une maison vendue ne dispose pas d'un accès peut constituer un manquement à l'obligation de délivrance conforme par application de l'article 1604 du code civil.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 septembre 2018), que, par acte authentique de vente reçu par M. C... , notaire, le 26 septembre 2000, A... R... et son épouse ont acquis de M. W... et de Mme H... une maison édifiée sur les parcelles cadastrées n° [...], [...], [...], [...] et [...], avec un accès au sud par la parcelle contiguë n° [...] ; que, par acte du 30 juin 2007 reçu par le même notaire, le propriétaire de cette parcelle l'a cédée à M. O... et à Mme S... ; que, le 6 août 2009, ceux-ci ont assigné A... R... et son épouse en contestation du droit de passage allégué sur leur parcelle ; que ceux-ci ont appelé en garantie Mme H... et les consorts M..., vendeurs d'origine, ainsi que M. C... ; que, A... R... étant décédé, M. F... et Mme E... R... sont intervenus à l'instance en tant qu'héritiers de leur père ;
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen, qui est recevable :
Vu l'article 1604 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter l'action en responsabilité contractuelle des consorts R... contre les vendeurs, l'arrêt retient qu'aucun des actes de vente successifs intervenus entre les consorts M... et M. et Mme W..., puis entre ceux-ci et les consorts R... ne prévoyait la création ou l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle [...] bénéficiant à la propriété acquise par les consorts R... et que le bien qui leur a été délivré était ainsi conforme à celui qui était décrit à l'acte ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la non-conformité ne résultait pas du fait qu'en l'absence de droit de passage par la parcelle [...] , la maison, dont l'unique entrée était située sur la façade sud, n'était plus accessible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause M. O..., Mme S... et M. C... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'action en responsabilité des consorts R... contre les consorts M... et Mme H... divorcée W..., l'arrêt rendu le 4 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les consorts R... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les consorts R...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la cour d'appel
D'AVOIR jugé que Maître C... n'avait commis aucune faute et débouté en conséquence les consorts R... de toute demande indemnitaire ou en garantie formée à son encontre,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « dans la mesure où leur propriété ne bénéficie pas d'une servitude de passage sur la parcelle [...] pour accéder à la partie Sud de leur fonds, les consorts R... recherchent la responsabilité de Maître C... pour le voir condamné à réparer le préjudice occasionné par l'absence de servitude dès lors qu'ils n'auraient pas acquis le fonds s'il leur avait été dit que l'accès ne pouvait se faire que par le Nord. Ils reprochent au notaire de ne pas les avoir informés de cette absence de servitude alors que tout leur laissait penser qu'elle existait, et de ne pas avoir fait en sorte, en recevant le 30 juin 2007 l'acte authentique de la vente L.../O...-S..., qui réitérait le compromis des 5 et 8 février 2007 faisant mention d'une servitude, de les en aviser ou même de les faire intervenir à l'acte. Ceci étant, s'il est vrai que Maître C... a reçu plusieurs des actes de vente ou d'échange des parcelles en cause, les affirmations des parties en cause dans le litige, qui y ont donc des intérêts à défendre, ne suffisent pas à établir que ce notaire, qui le conteste, avait une connaissance physique des lieux litigieux, et en particulier du fait que la maison des consorts R... disposait d'une porte donnant sur la cour au Sud de celle-ci, et non au Nord. D'une part en effet, la photographie accompagnant une annonce parue à l'initiative de l'étude notariale, qui représente cette porte, ne permet pas par elle-même de constater qu'elle est ouverte dans la façade Sud. D'autre part, il ne ressort pas de l'attestation de Madame D... T... que celle-ci a personnellement constaté la "présence du représentant de i 'étude notariale en charge de la venté" lors de visites préalables à l'acquisition par les époux R... de la propriété W..., la formulation retenue par le témoin pouvant tout aussi bien correspondre à la relation de faits lui ayant été rapportés, et il ne se déduit pas du fait que Maître C... a visité la maison de Madame T... à l'occasion de sa vente à Madame B... que ce notaire a visité à cette même occasion la propriété voisine, alors propriété des époux W.... Par ailleurs, le notaire avait pu se convaincre à l'examen des pièces dont il disposait que la propriété alors vendue n'était pas enclavée puisqu'elle possédait d'une façade Nord bordant la voie publique. S'agissant de la vente L.../O...-S..., Maître C... est fondé à faire observer qu'il ne peut être considéré comme fautif de n'avoir pas fait en sorte que l'acte comporte une servitude de passage sur le fonds, dans la mesure où ses recherches l'ont conduit à constater qu'aucun titre antérieur n'avait constitué une servitude, que le compromis ne pouvait en tenir lieu non plus que de titre récognitif et qu'aucun des fonds limitrophes du fonds vendu n'était enclavé. Par ailleurs, rien ne permettait au notaire de considérer que l'intérêt des parties à l'acte qu'il recevait, Monsieur L... d'une part, les consorts O...-S... d'autre part, était de constituer une servitude au profit de tiers, lesquels n'avaient pas à être appelés à son initiative à cet acte. Les époux R..., qui ne démontrent pas que Maître C... a manqué à ses devoirs, seront déboutés de leur action en responsabilité contre celui-ci, le jugement déféré étant confirmé à cet égard ».
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « d'une part de ne pas avoir rappelé dans l'acte de vente du 30 juin 2007 (L.../O...-S...) l'existence de la servitude de passage, alors même que celle-ci était connue de tous et qu'elle avait été mentionnée dans le compromis de vente des 5 et 8 février 2007 ; d'autre part de ne pas s'être suffisamment interrogé sur les conditions d'accès à la maison d'habitation implantée sur le fonds R..., accès désormais matériellement impossible du fait de de l'absence de servitude de passage constituée au profit de la parcelle achetée par les Consorts R..., le notaire se voyant ainsi reprocher de ne pas avoir assuré l'efficacité de l'acte qu'il recevait, en l'occurrence celui du 26 septembre 2000.
- Sur l'absence de mention de la servitude dans l'acte du 30 juin 2007 : Ce premier reproche est infondé, l'officier ministériel ne pouvant pas en effet inventer une servitude dont il n'était pas en mesure de retrouver l'origine certaine, étant encore rappelé que le compromis de vente signé les 5 et 8 février 2007 entre Monsieur L... et les Consorts O...-S... par l'intermédiaire de l'agence BLOT IMMOBILIER ne précise pas l'origine - conventionnelle, légale ou judiciaire - de la servitude de passage dont il fait mention. Ainsi et faute pour le notaire d'avoir pu retrouver, certifier et dater l'origine de la servitude alléguée, c'est à bon droit qu'il ne l'a pas reproduite dans l'acte de vente du 30 juin 2007. Par ailleurs, les Consorts R... n'étant pas parties à cet acte, le notaire n'était pas tenu de les informer de cette circonstance ni des risques qui pourraient en résulter pour la survivance de la tolérance dont ils bénéficiaient jusqu'alors.
- Sur l'absence d'efficacité de l'acte du 26 septembre 2000 et le manquement au devoir de conseil : Ces deux reproches sont également infondés, étant en effet rappelé : que le notaire n'a pas participé aux opérations de négociation du bien, n'étant lui-même intervenu qu'au stade de la rédaction de l'acte authentique, ce dont il résulte qu'il n'était pas tenu de procéder à une visite des lieux préalable à la signature de cet acte; que l'examen des pièces - notamment cadastrales - dont il disposait lui permettait de vérifier que le bien n'était pas enclavé puisque disposant d'un accès à la voie publique par le nord, le notaire ne pouvant pas dès lors deviner, sauf à en avoir été expressément informé par les parties, ce qui n'est pas démontré ni même allégué, que l'accès principal à la maison devait se faire par le sud et nécessitait en conséquence que soit aménagée une servitude de passage au profit de la parcelle acquise; qu'il ne peut pas non plus être soutenu que le notaire n'a pas assuré l'efficacité juridique de l'acte auquel il a prêté son concours, les Consorts R... ayant en effet pu régulièrement entrer en possession du bien acheté, sans avoir été victimes d'une éviction au sens de celle définie aux articles 1[...]6 et suivants du code civil. En conséquence et faute pour les Consorts R... de démontrer en quoi Maître C... aurait, soit omis d'assurer l'efficacité de l'acte rédigé par lui, soit manqué à son devoir de conseil alors que les parties ne l'avaient pas sollicité en ce sens, la faute du notaire n'est pas établie et, par suite, sa responsabilité ne saurait être engagée ».
ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'attestation établie par Mme T... aux termes de laquelle elle énonçait que Me C... avait visité à plusieurs reprises la maison de M. W... avant qu'elle ne soit vendue aux consorts R..., indiquait expressément qu'elle avait assisté aux faits dont elle rapportait l'existence et qu'elle les avait constatés personnellement ; qu'en énonçant cependant qu'il « ne ressortait pas de l'attestation de Madame D... T... que celle-ci a personnellement constaté la présence du représentant de l'étude notariale en charge de la vente lors de visite préalables à l'acquisition par les époux R... de la propriété W..., la formulation retenue par le témoin pouvant tout aussi bien correspondre à la relation de faits lui ayant été rapportés », la cour d'appel a méconnu le principe sus visé ;
ET ALORS QU'un notaire manque à son devoir de conseil et de mise en garde lorsqu'il n'informe pas les acquéreurs d'une propriété des risques inhérents aux conditions de desserte de ce fond ; qu'en considérant que le notaire n'avait commis aucune faute sans rechercher comme il le lui était expressément demandé si Me C... ne connaissait pas nécessairement les lieux dans la mesure où l'annonce de vente de la maison de M. W... parue à son initiative était accompagnée d'une photo de celle-ci, et si dès lors il n'était pas tenu au titre de son devoir de conseil, de mettre en garde les époux R... sur l'absence de passage au Sud de leur propriété dès lors que la maison ne comprenait aucune porte en façade Nord, puisque l'absence d'un tel passage au Sud les obligeait à créer une porte au Nord pour rejoindre la voie publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016, 1382 ancien du même code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la cour d'appel
D'AVOIR rejeté la demande les consorts R... tendant à voir dire et juger que M. Q... M..., Madame J... V... et M. W... sont solidairement responsables des préjudices résultant de la suppression du passage Sud de leur propriété et de les voir condamnés solidairement en conséquence au versement de la somme de 40 000 euros correspondant à la dépréciation de valeur mobilière de la propriété et à la somme de 53 957,73 euros correspondant au coût des travaux à réaliser en façade Nord ainsi qu'aux travaux d'aménagement du terrain et de les AVOIR déboutés de leur action en garantie contractuelle intentée à l'encontre des consorts M... ainsi que de M. W...,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les consorts R... invoquent la responsabilité contractuelle de leurs vendeurs, les époux W..., et antérieurement celle des consorts M... eux-mêmes vendeurs des époux W..., en invoquant le bénéfice d'un droit d'action directe à l'encontre de ceux-ci, pour manquement à l'obligation de leur délivrer un bien conforme à celui qu'ils avaient acheté. Mais s'agissant des servitudes, il ne résulte pas des stipulations de l'acte du 26 septembre 2000 par lequel les époux R... avaient acquis les parcelles [...] ,[...],[...],[...] et [...] des époux W..., autre chose que le rappel de la servitude constituée le 26 octobre 1994 sur la parcelle [...] au profit de la parcelle [...] , qui est étrangère au litige. Et pas davantage, l'acte de vente antérieur M.../W... du 26 octobre 1994 ne prévoyait l'existence ou la création d'une servitude de passage sur la parcelle [...] bénéficiant à la propriété acquise par les époux R.... Le bien qui leur a été délivré était ainsi conforme à celui qui était décrit à l'acte, et le jugement déféré sera donc encore confirmé en ce qu'il a débouté les consorts R... de leur action en responsabilité contre les vendeurs » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'« expliquant que les Consorts M... (auteurs des époux W...) et les époux W... eux-mêmes leur ont toujours certifié qu'il existait un droit de passage sur la cour cadastrée n° [...] pour accéder à la maison d'habitation située sur les parcelles n° [...], [...] et [...], les Consorts R... se prévalent de la responsabilité contractuelle de leurs vendeurs ainsi que de leurs auteurs (les Consorts M... étant quant à eux recherchés la base d'une « action directe contractuelle ») et ce, pour manquement à leur obligation de délivrance conforme ainsi qu'à leur obligation de garantir l'éviction. Cette action est vouée à l'échec, étant en effet rappelé : - que les Consorts M... ont eux-mêmes cédé leur fonds aux époux W... sans que l'acte de vente, en date du 26 octobre 1994, fasse état d'une servitude de passage stipulée au profit du fonds vendu, ledit acte étant en effet muet sur les conditions d'accès aux parcelles cédées ; il en est de même de l'acte de vente W.../R... du 26 septembre 2000 qui ne fait pas davantage mention de cette servitude, ce dont il résulte que le fonds a été délivré conformément aux conditions contractuellement convenues entre les parties, l'obligation de délivrance définie aux articles 1604 et suivants du code civil ayant dès lors été respectée ; - que les Consorts R... ne sauraient davantage soutenir avoir été victimes d'une « éviction » au sens des articles 1[...]6 et suivants du code civil, alors que le fonds acquis par eux n'est pas grevé d'une servitude dont ils n'auraient pas été informés (cf a contrario les dispositions protectrices de l'acquéreur prévues en pareil cas à l'article [...]8) ».
ALORS QUE le vendeur est tenu de livrer une chose qui respecte les spécifications contractuelles ; que les consorts R... ont acquis de M. W... une maison d'habitation comprenant une unique porte d'entrée située sur sa façade Sud - aucune porte n'existant sur la façade Nord - à laquelle on accédait par un passage situé au Sud de la longère; qu'ils soutenaient que leur vendeur avait manqué à son obligation de délivrance conforme dès lors qu'à la suite de la suppression du passage sur la parcelle appartenant au fond voisin, l'unique entrée de la maison située au sud n'était plus accessible par aucune porte d'entrée ; qu'en écartant tout manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance conforme sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le fait que la maison ne soit plus accessible ne constituait pas un défaut de conformité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt de la cour d'appel
D'AVOIR condamné in solidum Madame Z... Y..., veuve R..., Monsieur F... R... et Madame Méline R..., ceux-ci in solidum entre eux d'une part, et Monsieur X... K... et Madame I... U..., ceux-ci in solidum entre eux d'autre part, à payer à Monsieur F... O... et à Madame Laetitia S... , ensemble, une somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts
AU MOTIFS PROPRES QUE « les consorts O...-S... sollicitent la condamnation, in solidum, des consorts R... et des consorts Le Métayer-Gouesnard-Robin à leur verser une somme de 10 000 € à titre de dommage-sintérêts en réparation du préjudice causé par les passages effectués sans droit sur leur propriété, qui les ont empêché d'user de leur terrain pour y stationner leurs véhicules, ou y entreposer des matériaux nécessaires aux travaux de rénovation de leur maison, ainsi en outre qu'une somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral généré par la situation contentieuse dans laquelle ils se sont trouvés du fait de leurs voisins. Il est constant que les consorts O...-S... ont subi indûment pendant huit années, entre 2007, année de leur acquisition, et le 7 avril 2015, date du jugement ayant fait défense aux tiers d'y passer, avec exécution provisoire, le passage répété sur leur propriété des consorts R... et des consorts Le Métayer-Gouesnard-Robin, lesquels ne pouvaient se prévaloir d'un droit. Ce fait justifie l'allocation d'une indemnisation du préjudice ainsi subi à hauteur de 1 000 € ».
ALORS QUE pour retenir une faute à la charge des consorts R..., la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'ils étaient passés de manière répétée sur la propriété des consorts O...- S... sans pouvoir se prévaloir d'un droit, après avoir cependant constaté que divers témoignages rapportaient que la propriété R... se desservait depuis la voie publique à l'est par le côté Sud de la longère implantée d'Est en ouest sur les propriétés aujourd'hui O...- S... R... et B... et ce depuis plusieurs dizaines d'années au moins ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civile ancien 1240 nouveau du même code."