Cette décision juge que la décision irrévocable de condamner le constructeur à démolir et reconstruire l’immeuble des maîtres d'ouvrage caractérise l’impropriété de l’ouvrage à sa destination.
« Vu l’article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 14 septembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 15-15.899), que M. et Mme X… ont confié à la société VDF, assurée auprès de la société Aviva, la construction d’une maison individuelle ; que la société VDF a sous-traité les travaux de gros oeuvre à M. Z…, assuré auprès de la société Axa ; qu’un procès-verbal de réception sans réserve a été signé le 27 juin 2003 ; que, le 7 mai 2004, la direction départementale de l’équipement a refusé de délivrer un certificat de conformité au motif que le plancher de la construction ne respectait pas les cotes figurant au permis de construire et que le sous-sol était trop enterré ; qu’invoquant un défaut d’altimétrie et des infiltrations en sous-sol, M. et Mme X… ont, après expertise, assigné la société VDF, M. Z… et leurs assureurs en réparation de leur préjudice ; que la société VDF a appelé en garantie son assureur ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société VDF en condamnation de la société Aviva à prendre en charge les conséquences de la condamnation à démolir et reconstruire l’immeuble, l’arrêt retient qu’il n’est pas démontré que la non-conformité de l’immeuble, seul désordre imputable à la société VDF, soit de nature à rendre l’immeuble de M. et Mme X… impropre à sa destination, étant ici observé qu’ils l’ont toujours habité, et qu’il s’ensuit que ce désordre ne présente pas une nature décennale ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la décision irrévocable de condamner la société VDF à démolir et reconstruire l’immeuble de M. et Mme X… caractérisait l’impropriété de l’ouvrage à sa destination, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers ;
Condamne la société Aviva assurances aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aviva assurances à payer à la société Compagnie des villas et demeures de France la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie des villas et demeures de France
Le moyen de cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en condamnant la société Aviva à garantir la société Compagnie des Villas et Demeures de France à concurrence de la somme de 42 101 €, rejeté la demande de la Compagnie des Villas et Demeures de France de condamnation de la société Aviva à prendre en charge les conséquences de la condamnation à démolir et reconstruire l’immeuble des époux X…,
Aux motifs que « la cassation prononcée le 4 mai 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation est limitée au chef de décision rejetant la demande de garantie formée par la société VDF à l’encontre la société Aviva ; que sont, par suite, devenus définitifs les chefs de décision :
- rejetant la demande des époux X… en annulation du contrat de construction,
- condamnant la société VDF à démolir et reconstruire l’immeuble des époux X…,
- rejetant les demandes formées par la société VDF à l’encontre de M. Z… et de son assureur, la société AXA.
Attendu que pour soutenir que la garantie de son assureur, la société Aviva, est due sur le fondement de la garantie décennale, la société VDF soutient que la non-conformité tenant au défaut d’implantation de l’immeuble rend nécessairement cet ouvrage impropre à sa destination dès lors que sa réparation implique sa démolition et sa reconstruction ;
Mais attendu que tel n’est pas le principe posé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 4 mai 2016, a constaté que l’erreur d’implantation affectant immeuble rendait effectivement nécessaire sa démolition et sa reconstruction mais nous demande néanmoins de vérifier si cette non-conformité est de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination pour relever, dans l’affirmative, de la garantie décennale des constructeurs et être couvert à ce titre par la société Aviva.
Attendu que l’expert judiciaire, M. B…, a constaté que l’implantation de l’immeuble construit par la société VDF ne respecte pas les prescriptions du permis de construire puisqu’il est affecté d’une erreur d’altimétrie, son sous-sol se situant 77 cm trop bas, et que cette non-conformité a motivé le refus de délivrance du certificat de conformité par la direction départementale de l’équipement ; que l’expert a constaté un second désordre constitué par des infiltrations dues à des sous-pressions hydrostatiques résultant d’une imprégnation extrême des couches de terrain.
Attendu que l’expert conclut (rapport p. 12) que les désordres constatés ne sont pas de nature à nuire à la solidité de l’immeuble; qu’il précise toutefois que celui-ci peut devenir impropre à sa destination mais seulement à raison du désordre tenant aux infiltrations d’eau ;
Attendu qu’il n’est démontré aucun lien de causalité entre les infiltrations d’eau et l’erreur d’implantation de l’immeuble, ces infiltrations trouvant leur origine, selon l’expert judiciaire, dans la mauvaise exécution des travaux de drainage, travaux que le maître de l’ouvrage s’était réservés et qui n’ont pas été exécutés conformément aux règles de l’art (rapport d’expertise p. 11 qui fait mention d’une absence de protection mécanique sur les parois du sous-sol et de l’absence de lame d’air entre le mur et les remblais) ;
Attendu qu’il n’est donc pas démontré que la non-conformité de l’immeuble, seul désordre imputable à la société VDF, soit de nature à rendre l’immeuble des époux X… impropre à sa destination, étant ici observé que ceux-ci l’ont toujours habité ; que le refus de délivrance du certificat de conformité n’est pas de nature à caractériser une telle impropriété ; que d’ailleurs, il résulte du courrier de la mairie en date du 26 juillet 2006 que le certificat de conformité peut être délivré après comblement du sous-sol de l’habitation en laissant subsister un vide sanitaire ; qu’il s’ensuit que ce désordre ne présente pas une nature décennale ; en sorte que ses conséquences n’ont pas à être prises en charge au titre de la police d’assurance décennale souscrite par la société VDF auprès de la société Aviva ; que, cependant, cette police intègre une garantie « erreur d’implantation » au rang des garanties facultatives souscrites qui couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à la société VDF à l’égard du maître de l’ouvrage par suite des erreurs d’altimétrie ou de position dans l’implantation de la construction ; que cette garantie a vocation à être mobilisée dans la limite du plafond d’indemnisation stipulé, soit 42 101 euros ; que la société Aviva sera condamnée à garantir la société VDF à concurrence de cette somme.
Attendu que les époux X… réclament l’indemnisation de divers préjudices liés à la durée des travaux de démolition et reconstruction, aux frais de déménagement pendant ces travaux et aux pertes matérielles liées aux inondations de l’immeuble ; qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces chefs de demande qui n’entrent pas dans le champ de la cassation et sur lesquels la cour d’appel de Poitiers a, dans son arrêt du 16 janvier 2015, ordonné avant dire droit une expertise confiée à M. Rémy C… ; qu’il appartiendra à cette cour d’appel de statuer sur ces chefs de demande au vu du rapport de cet expert » (arrêt p. 4 et 5) ;
1/ Alors que la décision définitive de condamner un constructeur à démolir et à reconstruire un ouvrage à la suite d’une erreur d’implantation caractérise l’impropriété de l’ouvrage à sa destination ; qu’en l’espèce, par arrêt du 16 janvier 2015, la cour d’appel de Poitiers a condamné la société Villas et Demeures de France à la démolition et à la reconstruction de l’immeuble appartenant aux époux X… ; que le moyen dirigé contre ce chef de dispositif a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation le 4 mai 2016, rendant définitive la condamnation à démolition et à reconstruction ; qu’en décidant néanmoins que ce désordre ne présente pas une nature décennale, de sorte que ses conséquences n’ont pas à être prises en charge au titre de la police d’assurance décennale souscrite auprès de la société Aviva, la cour d’appel a violé l’article 1792 du Code civil ;
2/ Alors que la décision définitive de condamner un constructeur à démolir et à reconstruire un ouvrage à la suite d’une erreur d’implantation entraînant un risque d’inondation caractérise l’impropriété de l’ouvrage à sa destination ; que pour rejeter le moyen contre la décision de la cour d’appel de Poitiers condamnant la société Villas et Demeures de France à la démolition et à la reconstruction de l’immeuble des époux X…, la Cour de cassation s’est fondée sur l’existence d’un risque d’inondation ; qu’en décidant néanmoins que ce désordre ne présente pas une nature décennale, de sorte que ses conséquences n’ont pas à être prises en charge au titre de la police d’assurance décennale souscrite auprès de la société Aviva, la cour d’appel a violé l’article 1792 du Code civil. »