Voici un arrêt qui évoque une servitude de passage par destination du père de famille en relevant qu'elle ne nécessite pas, pour être reconnue par les juges, que soit apportée la preuve de l'intention de l'auteur commun d'établir un service foncier.
"Vu les articles 692, 693 et 694 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 février 2017), que M. et Mme X..., propriétaires des parcelles cadastrées [...] , [...] et [...] et issues de la division d'un fonds ayant appartenu à M. B..., ont assigné M. Z..., propriétaire de la parcelle cadastrée [...] , en reconnaissance d'une servitude de passage par destination du père de famille, établie par acte du 18 août 1967, sur cette parcelle, issue de la division du même fonds ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés que, s'il existait en 1967, lors de la division du fonds, un chemin aménagé dans la partie est de la parcelle [...] , celui-ci n'avait pas été aménagé pour la desserte des parcelles [...] , [...] et [...] constituant l'un des fonds issu de la division et qu'il n'est pas établi que, préalablement à la division des fonds, M. B... ait entendu assujettir la parcelle [...] à une servitude de passage, dont devaient bénéficier les parcelles dont il restait propriétaire ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a subordonné la reconnaissance d'une servitude de passage par destination du père de famille à la preuve de l'intention de l'auteur commun d'établir un service foncier, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et le condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Olivier X... et Mme Anne X..., son épouse, de leur demande tendant à la reconnaissance au profit de leur fonds d'une servitude de passage par destination du père de famille dont le fonds appartenant à M. Alfred Z... est débiteur ainsi que D'AVOIR débouté M. Olivier X... et Mme Anne X... de leur demande tendant à faire injonction à M. Alfred Z... de supprimer la chaîne entravant l'accès au passage litigieux ainsi que de leur demande de dommages et intérêts.
AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas discuté que les parcelles [...] et [...] (Z...) et B n° 43, 44, 45 et 314 (Liffré) sont issues de la même propriété d'origine ayant appartenu aux consorts B..., qui ont procédé à sa division en vendant, par acte de Me C..., notaire, en date du 18 août 1967, à M. et Mme Z... la parcelle [...] comprenant une maison d'habitation et la parcelle [...] en nature de jardin, sachant qu'à l'époque, les parcelles [...] , [...] et [...] restant la propriété des consorts B... n'étaient pas construites et qu'elles étaient desservies au sud par un chemin, relié au chemin départemental n° 31, appelé « chemin de service » sur le plan cadastral ; qu'en 1967, M. D... (Marius) était notamment propriétaire des parcelle [...] et [...], une maison construite dans les années 1905-1906, d'après les attestations de ses descendants, produites aux débats (Janine E... née D..., Patrick E...), se trouvant édifiée sur la parcelle [...] ; que cette maison était desservie par un chemin, débouchant sur la RN n° 99, notamment aménagé sur la parcelle [...] , qui était son seul accès ; que dans la perspective de la vente d'une partie de leur propriété, les consorts B... ont fait procéder à un bornage par M. F..., géomètre-expert, et il est alors apparu qu'une bande de terrain avait été englobée dans la propriété de M. D..., ce qui a conduit le géomètre à établir, en février 1988, un document d'arpentage rectificatif opérant la division de la parcelle B n° 46 en deux parcelles [...] et [...] ; qu'il a ainsi été constitué, aux termes de l'acte également dressé par Me C..., le 15 mars 1988, une servitude de passage au profit de la parcelle [...] de M. D... sur la parcelle [...] des consorts B... cette servitude de passage était destinée à permettre à M. D... d'accéder à sa propriété par le chemin existant sur la parcelle [...] de M. et Mme Z..., qui se poursuivait sur la nouvelle parcelle [...] , correspondant à une partie de son assiette ; que M. et Mme G... aux droits desquels viennent M. et Mme X..., ont fait l'acquisition des parcelles [...] , [...], [...] et [...], qui n'étaient pas encore construites, par acte de Me C... du 31 mars 1998, qui rappelle la servitude de passage constituée le 15 mars 1998 au profit de la parcelle [...] sur la parcelle [...] et qui comporte cette déclaration des vendeurs, les consorts B..., selon laquelle pour accéder à la parcelle présentement vendue, on utilise un chemin se trouvant sur la propriété de M. Z... ; que ce chemin, accessible par la RN n° 99, dont M. H... a constaté l'existence lors de ses opérations d'expertise, se situe à l'Est de la parcelle [...] (Z...) et se poursuit sur la parcelle [...] jusqu'à la limite ouest de la parcelle [...] ; que de toute évidence, il s'agit d'un chemin ancien, visible sur les photographies aériennes versées aux débats et qui se trouve figuré en traits tirettes sur l'extrait du plan cadastral de la commune de Mas Blanc des Alpilles de 1940, que M. et Mme X... sont parvenus à se procurer auprès des archives départementales des Bouches-du-Rhône ; qu'il permet, ainsi que l'a constaté Me I..., huissier de justice, dans un procès-verbal établi le 1er septembre 2006 avant que son accès soit condamné par une chaîne fixée à deux poteaux métalliques implantés en bordure de la voie publique, d'accéder au moyen de véhicules à la parcelle [...] en passant sur une dizaine de mètres en limite est de la parcelle [...] ; que l'actuelle propriétaire de la parcelle [...] (Mme J...) atteste d'ailleurs utiliser normalement ce chemin pour accéder à son fonds avec l'accord de M. Z... ; qu'il résulte de l'article 694 du code civil que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ; qu'il est de principe que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues s'il existe des signes apparents de servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien ; qu'en l'occurrence, s'il existait en 1967, lors de la division des fonds, un chemin notamment aménagé dans la partie est de la parcelle [...] accessible par la RN n° 99, force est de constater que ce chemin avait été aménagé, non pour la desserte des parcelles [...] , [...] et [...] constituant l'un des fonds issus de la division, mais de la parcelle [...] , qui était construite et appartenait à un tiers (M. D...) ; qu'il n'est donc nullement établi que préalablement à la division des fonds, les consorts B..., qui sont les auteurs communs des parties, aient entendu assujettir la parcelle [...] à une servitude de passage, dont devaient bénéficier les parcelles [...] , [...] et [...], dont ils restaient alors propriétaires, quand bien même ils auraient déclaré 21 ans plus tard, lors que la vente à M. et Mme G... de l'autre partie de la propriété d'origine, que pour accéder à la parcelle présentement vendue, on utilise un chemin se trouvant sur la propriété de M. Z... ; qu'il importe peu que M. et Mme X... aient pu accéder, du moins jusqu'en 2006, par le chemin litigieux, à la partie nord de leur parcelle [...] , pour en effectuer le débroussaillage ; que l'existence d'une servitude de passage créée par destination du père de famille sur la parcelle [...] au profit des parcelles [...] , [...], [...] et [...] ne se trouve pas dès lors établie, les conditions de l'aménagement du chemin ne traduisant pas une volonté certaine des auteurs communs de constituer un service foncier d'un fonds au profit de l'autre ; que le jugement entrepris mérite ainsi confirmation ; que succombant sur leur appel, M. et Mme X... doivent être condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer à M. Z... la somme de 3000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article 693 du code civil « Il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude » ; qu'en outre, selon l'article 694 de ce même code « Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné » ; qu'il est par ailleurs de jurisprudence établie que « la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues, lorsqu'existent, lors de la division du fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien » (cass. civ. 3ème, 24 novembre 2004, n° 03-l6366) ; qu'en l'occurrence, il est constant que les parcelles appartenant aujourd'hui à M. Olivier X... et Mme Anne X... d'une part et à M. Alfred Z... d'autre part appartenaient à un auteur commun, à savoir Jean et Jacques B... ; que l'acte de vente des consorts B... à M. Alfred Z... du 18 août 1967 ne fait état d'aucune servitude de passage entre le fonds cédé et celui conservé par les vendeurs et aujourd'hui propriété de M. Olivier X... et Mme Anne X... ; qu'il ne contient aucune disposition contraire à la servitude alléguée par les demandeurs ; que cependant, comme le soutient à juste titre M. Alfred Z..., il n'est pas démontré que l'existence du passage dont M. Olivier X... et Mme Anne X... réclament la reconnaissance était matériellement existant au moment de la division des héritages en 1967 ; que certes le fonds anciennement n° 46 bénéficiait d'une servitude de passage relatée par le titre de M. Olivier X... et Mme Anne X... ; que la parcelle [...], propriété de ces derniers, constituait l'assiette et le fonds servant de cette servitude ; que le passage ainsi constitué par titre se poursuivait pour accéder au chemin départemental n° 99 par le passage se trouvant sur la propriété de M, Alfred Z... et aujourd'hui revendiqué comme étant l'assiette de la servitude par destination du père de famille au profit du fonds des demandeurs ; que l'acte de vente du 15 mars 1988 mentionne que « Les consorts B... rappellent que pour accéder à la parcelle présentement vendue (celle aujourd'hui propriété de M. Olivier X... et Mme K... X...) on utilise un chemin se trouvant sur la propriété de M Z.... » ; que cette mention est reprise dans l'acte de propriété de M. Olivier X... et Mme Anne X... du 24 janvier 1991 en page 7 ; que toutefois, il n'est pas démontré que cet état de fait et que ce passage sur la propriété de M. Alfred Z... étaient préexistants à l'acte de vente de 1967 ; qu'en outre, à supposer que tel ait été le cas, il n'en résulterait aucune certitude quant à l'intention des consorts B... d'affecter la parcelle [...] à la parcelle [...] et non, seulement, au profit des parcelles [...] et [...] ; que dans ces conditions, les demandes de M. Olivier X... et Mme Anne X... seront rejetées.
1) ALORS QU'il suffit, pour qu'il y ait servitude par destination du père de famille, qu'il soit établi que les fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, qu'il existait des signes apparents de servitude résultant de l'aménagement des fonds lors de leur division réalisée par cet auteur commun et qu'aucune clause de l'acte de division ne contenait une disposition contraire au maintien de ces aménagements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel expressément constaté, par motifs propres, que les parcelles [...] et [...], propriété de M. Z..., et les parcelles [...] , [...], [...] et [...], propriété des époux X..., sont issues de la même propriété d'origine ayant appartenu aux consorts B... qui ont procédé à sa division par acte du 18 août 1967 (arrêt p. 4, dernier al.) et qu'il existait à la date de division des fonds en 1967 un chemin, accessible par la RN n° 99, aménagé dans la partie Est de la parcelle [...] et se poursuivant sur la parcelle [...] jusqu'à la limite Ouest de la parcelle [...] , qui appartenait alors à M. D..., (arrêt p. 5, al.3 et 5) et, par motif adopté (jugement p. 3, al.1) que l'acte de division du 18 août 1967 ne contenait aucune disposition contraire à la servitude de passage invoquée à leur profit par les époux X... ; que, cependant, pour dénier l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille au profit du fonds des époux X... et constitué par ce chemin la cour d'appel a simplement retenu qu'il n'était pas établi que, préalablement à la division des fonds, les consorts B..., auteurs communs des parties, auraient eu la volonté certaine d'assujettir la parcelle [...] à une servitude de passage dont devaient bénéficier les parcelles n° [...], [...] et [...], devenues, avec la parcelle n° [...], la propriété des époux X..., et non la seule parcelle [...] , alors propriété de M. D..., qui était construite et pour laquelle cette servitude aurait été uniquement aménagée ; qu'en subordonnant ainsi la reconnaissance d'une servitude de passage par destination du père de famille à la preuve de l'intention de l'auteur commun d'établir un service foncier d'un fonds au profit d'un autre, condition qui n'est prévue par aucun texte, la cour d'appel a violé les articles 692, 693 et 694 du code civil.
2) ALORS QU'en tout état de cause, lorsqu'il a été établi, par celui qui revendique une servitude par destination du père de famille, qu'il existait des signes apparents de servitude résultant de l'aménagement des fonds par le propriétaire commun de ces fonds au moment de leur division par ce dernier et que l'acte de division originel ne prévoit aucune disposition contraire au maintien des aménagements antérieurs, il appartient à celui qui conteste l'existence de cette servitude de rapporter la preuve d'éléments de nature à démontrer la volonté de l'auteur de la division d'écarter la présomption légale qui s'attachait à la situation de fait constatée ; qu'en l'espèce, les juges du fond ayant relevé qu'il existait, lors de la division des fonds opérée en 1967 par les auteurs communs des époux X... et de M. Z..., les consorts B..., un chemin passant sur ces fonds et que l'acte de division ne contenait aucune disposition contraire au maintien de ce chemin, la présomption légale de l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille en faveur des époux X... ne pouvait être détruite que par la preuve, par M. Z..., d'une volonté contraire de leurs auteurs communs ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande tendant à la reconnaissance au profit de leur fonds d'une servitude de passage par destination du père de famille sur le fonds appartenant à M. Z... dès lors qu'il n'était pas établi par les exposants que, préalablement à la division des fonds par les consorts B..., ces derniers avaient entendu assujettir la parcelle [...] , devenue la propriété de M. Z..., à une servitude de passage dont devaient bénéficier les parcelles n° [...], [...] et [...], acquises ultérieurement par les époux X..., quand il appartenait au contraire à M. Z... de démontrer la volonté des consorts B..., qui avaient pourtant déclaré lors de la vente de ces parcelles, le 31 mars 1998, aux époux G..., auteurs des exposants, que « pour accéder à la parcelle présentement vendue, on utilise un chemin se trouvant sur la propriété de M. Z... », d'exclure lesdites parcelles du bénéfice de cette servitude de passage, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 692, 693 et 694 et 1353, anciennement 1315, du code civil.
3) ALORS QUE pour décider qu'un fonds bénéficie ou non d'une servitude de passage par destination du père de famille, le juge doit se placer au moment de la division des fonds opérée par l'auteur commun des propriétaires des fonds concernés ; qu'en retenant, pour débouter les époux X... de leur demande tendant à la reconnaissance au profit de leur fonds d'une servitude de passage par destination du père de famille sur le fonds appartenant à M. Z... que, par acte du 15 mars 1988, il avait été constitué, par les consorts B..., auteurs communs des parties, une servitude de passage au profit de la parcelle [...] de M. D..., issue de la division de la parcelle B n° 46, sur la parcelle [...] des consorts B..., devenue ultérieurement propriété des époux X..., afin de permettre à M. D... d'accéder à sa propriété par le chemin existant sur la parcelle n° [...] appartenant à M. Z... et qui se poursuivait sur la parcelle [...] , la cour d'appel, qui s'est placée à une date postérieure à la division des fonds pour dénier l'existence de la servitude de passage par destination du père de famille dont se prévalaient les époux X..., a violé les articles 692, 693 et 694 du code civil.
4) ALORS QU'en toute hypothèse, le fait qu'un acte de vente ne mentionne l'existence d' aucune servitude de passage entre le fonds cédé et celui conservé par le vendeur ne fait pas obstacle à l'existence d'une servitude par destination du père de famille ; qu'en retenant également, par motif adopté (jugement p. 3, al.1), que l'acte de vente des consorts B... à M. Z... du 18 août 1967 ne faisait état d'aucune servitude de passage entre le fonds cédé et celui conservé par les vendeurs, aujourd'hui propriété de M. et Mme X..., la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 692, 693 et 694 du code civil."