A quoi correspond la mention "Sous réserves des droits des tiers" dans un permis de construire ? Cette décision permet de mieux le comprendre : il s'agit en particulier de la réserves des servitudes et droits réels ou personnels dont les voisins ou comme ici un locataire du pétitionnaire disposent et qui peuvent s'opposer à la construction envisagée.
"La SARL Le Panier de Luz a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2014 par lequel le maire de Saint Jean de Luz a délivré à la SCI du lot 22 des Pontots un permis de construire pour l'aménagement de deux cellules commerciales et 213 places de stationnement.
Par un jugement n° 1402710 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 mai 2016, le 29 juillet, le 23 septembre et le 29 novembre 2016, la SARL Le Panier de Luz, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 mars 2016 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la SCI du lot 22 et de la commune de Saint Jean-de-Luz la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intérêt à agir ne fait pas de doute, dès lors que l'extension projetée va porter atteinte aux droits de stationnement que lui confère son bail commercial dans l'immeuble litigieux, portant ainsi atteinte à son fonds de commerce ; un extrait Kbis atteste de la fonction de gérant exercée par M.A... ;
- l'aménagement de parkings en face de son entrée et le cheminement en pente douce pour handicapés vont réduire l'espace disponible, empêchant toute manoeuvre des camions de livraison de son commerce de fruits et légumes ;
- la cour d'appel de Pau lui a reconnu des droits de parking par arrêt du 15 septembre 2015, et le plan masse du permis de construire méconnaît, par une " voie de fait ", cet emplacement réservé ; la SCI du lot 22 n'a pas correctement informé l'autorité administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2016 et le 26 août 2016, la SCI du lot 22 du lotissement des Pontots conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Le Panier de Luz d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SARL Le Panier de Luz n'explique pas dans quelles conditions elle serait recevable et aurait un intérêt à agir au sens de l'article L 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le seul moyen développé par la SARL Le Panier De Luz est la méconnaissance de son droit de manoeuvre et de stationnement qu'elle détient aux termes du bail commercial signé le 4 avril 2007. Ce moyen tiré de la violation d'une stipulation contractuelle de droit privé n'entre pas dans le champ des règles visées par l'article L 421-5 du code de l'urbanisme. La voie de fait ne relève également que de l'autorité judiciaire. La SARL Le Panier De Luz est mal venue d'invoquer des travaux réalisés sur le parking sans l'autorisation de sa bailleresse et en totale contravention aux clauses du bail. Ledit bail lui concède seulement 1 'utilisation de l'aire de stationnement située devant ses locaux et d'une aire de manoeuvre permettant l'approvisionnement par camions.
- les changements concernent essentiellement l'aire de stationnement sur laquelle la SARL ne dispose d'aucun droit. Aucune violation des règles d'urbanisme n'est alléguée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, la commune de Saint Jean de Luz conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Le Panier de Luz d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés, et subsidiairement que la capacité pour agir de M.A..., gérant de la SARL, n'a pas été démontrée.
Par ordonnance du 2 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er décembre 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) "
2. Le 3 octobre 2014, le maire de Saint-Jean-de-Luz a délivré un permis de construire à la SCI du Lot 22 des Pontots pour l'aménagement de deux cellules commerciales dans un entrepôt situé dans la zone d'activités de Jalday, avec ajout de 163 places de stationnement à celles existantes sur un parc qui dessert aussi le bâtiment qu'elle donnait à bail commercial depuis 2007 à la SARL Le panier de Luz, qui y exploite un commerce de fruits et légumes. Cette société, estimant que le permis de construire méconnaissait les droits à l'usage des stationnements situés au droit de son local qu'elle tire de ce bail, a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande d'annulation de ce permis.
3. Pour rejeter sa demande, le tribunal administratif de Pau a rappelé " qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. " ; que seule la méconnaissance des règles auxquelles ces dispositions font référence est de nature à entraîner l'annulation d'un permis de construire ". Il a alors retenu que " la méconnaissance du droit d'accès et de stationnement dont se prévaut la requérante, dès lors qu'il trouve son origine dans un acte contractuel de droit privé, n'est pas au nombre des règles qui, en vertu de l'article L. 421-6 précité du code de l'urbanisme, s'impose à un permis de construire ; que, par suite, ce droit ne peut être utilement invoqué par la requérante à l'appui de son recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire en litige ; que dès lors, les conclusions de la requête à fin d'annulation doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée en défense ". Ce faisant, le tribunal n'a pas remis en cause l'intérêt pour agir de la requérante, et ne s'est pas déclaré incompétent, mais a rejeté la requête au fond en considérant le moyen unique tiré de la méconnaissance des droits que la SARL Le Panier de Luz tire de son bail comme inopérant.
4. Il résulte de ce qui précède que la SARL Le Panier de Luz ne peut utilement faire valoir qu'elle avait bien un intérêt pour agir. Contrairement à ce qu'elle soutient, la réserve des droits des tiers édictée par l'article A 424-8 du code de l'urbanisme n'a pas pour effet de permettre aux tiers de soulever devant la juridiction administrative des moyens tirés d'une atteinte aux droits privés qu'ils détiennent, mais bien au contraire d'indiquer que la légalité d'une décision administrative au regard de la réglementation d'urbanisme ne ferait pas obstacle à ce que les tiers lésés fassent valoir leurs droits devant la juridiction judiciaire. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que la pétitionnaire n'aurait pas informé l'autorité administrative des difficultés soulevées par les droits de la SARL Le Panier de Luz est également inopérante. L'interprétation des clauses du bail ne relevant que de la juridiction judiciaire, et le plan de masse approuvé par le permis de construire litigieux ne pouvant à l'évidence être regardé comme une voie de fait, dès lors qu'il se rattache à un pouvoir que l'autorité administrative détient légalement, la requête d'appel, dépourvue de tout autre moyen opérant, apparaît manifestement mal fondée et doit être rejetée par application des dispositions précitées du code de justice administrative.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige:
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint Jean de Luz et de la SCI du lot 22 la somme que demande la SARL Le Panier de Luz sur leur fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante des sommes de 2 000 euros à verser respectivement à la commune de Saint Jean de Luz et à la SCI du lot 22 au titre des frais qu'elle ont exposés.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Panier de Luz est rejetée.
Article 2 : La SARL Le Panier de Luz versera respectivement à la commune de Saint Jean de Luz et à la SCI du lot 22 des sommes de 2 000 euros au titre des frais qu'elles ont exposés.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Le Panier de Luz, à la SCI du lot 22 du lotissement des Pontots et à la commune de Saint Jean de Luz.
Fait à Bordeaux le 31 août 2018.
Le président,
Catherine GIRAULT
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance."