Cet arrêt juge qu'une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit.
"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 mars 2017), que les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements sont propriétaires, à Saint-Denis, de parcelles sur lesquelles elles ont créé un lotissement traversé par la rue des Marquis ; que la société Colline des Camélias est propriétaire des parcelles voisines issues de la division du même ensemble foncier, sur lesquelles elle a entrepris l’aménagement d’une ZAC portant sur quatre cent cinquante logements ; que la société Colline des Camélias a assigné les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements en reconnaissance d’une servitude de passage conventionnelle et autorisation d’ effectuer en sous-sol des travaux d’installation de tous réseaux et conduits nécessaires à la desserte de la ZAC ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements font grief à l’arrêt d’accueillir la demande en reconnaissance d’une servitude de passage, alors, selon le moyen :
1°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements contestaient expressément l’emplacement d’une servitude de passage sur la rue des Marquis pour la desserte du lotissement de la société Colline des Camélias ; qu’elles soutenaient, en effet, que, contrairement à la mention figurant dans l’acte de vente du 30 juin 2005 au profit de cette société et à ce que les premiers juges avaient retenu, il résultait à la fois de cet acte mais aussi de l’acte d’apport des consorts X... du 1er février 1962 et de l’acte de vente du 20 mars 1980 au profit de la société Maison Ah Sing, que cette servitude correspondait en réalité non à la rue des Marquis mais à la rue des Capucines située à l’Ouest du lotissement Les Rosiers et que le projet initial de voie de desserte de la Zac se situait d’ailleurs exactement dans le prolongement de cette allée avec création d’une voie afin de franchir le rempart existant ; qu’en se contentant de retenir, pour dire que la Sarl Colline des Camélias bénéficie d’une servitude de passage qui s’exerce notamment sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint-Denis, que le droit de passage prévu dans le titre de la société Colline des Camélias est conforté par l’acte de propriété de la société Maison Ah Sing et que ces deux titres faisaient expressément référence à l’acte du 1er février 1962 incluant l’existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu aux consorts X... sans répondre aux conclusions des exposantes contestant la mention de l’acte d’acquisition de la Sarl Colline des Camélias du 30 juin 2005 et l’analyse du tribunal sur l’emplacement même de cette servitude de passage sur la rue des Marquis, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’au surplus l’acte d’acquisition de la Sarl Colline des Camélias en date du 30 juin 2005 se bornait à mentionner en page 8, de façon laconique, « le droit de passer sur la rue de la Colline, la rue des Longozes et la rue des Marquis […] en conformité avec la réserve faite sous l’article 20 de l’acte reçu […] le 19 novembre 1965… » ; que, dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements soutenaient que le renvoi, dans cet acte, à l’article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 ne rappelait que la servitude de passage établie en faveur de M. Clovis Y... mais ne permettait d’établir ni l’existence, ni l’étendue ni les modalités d’exercice d’une servitude de passage sur la rue des Marquis au profit du fonds acquis par la Sarl Colline des Camélias ; qu’en ne s’expliquant pas sur cette mention de l’acte d’acquisition de la société Colline des Camélias du 30 juin 2005 renvoyant à l’article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 et, en particulier, sur sa portée au regard de l’existence d’une prétendue servitude de passage sur la rue des Marquis en faveur de cette société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu’en tout état de cause, dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements avaient fait valoir que, contrairement à ce qu’avait retenu le tribunal ayant confondu la rue de la Colline avec la rue de la Glacière, la Zac de la Colline des Camélias dispose d’un accès direct à la voie publique, ce qui empêchait de lui reconnaître la qualité de fonds enclavé, dès lors qu’il résulte des documents issus du service de la Documentation nationale du cadastre et de Google Maps que la rue des Longozes, incluse dans parcelle EO 100 appartenant à la Sarl Colline des Camélias débouche directement au Sud sur la rue de la Glacière ; qu’en se contentant de relever, par motif éventuellement adopté, pour considérer qu’il n’existerait pas d’autres dessertes de la Zac de la Colline des Camélias, qu’il ressortait du rapport d’expertise judiciaire que l’extrémité Sud de la rue de la Colline se termine en impasse de sorte qu’un raccordement avec les terrains de la Zac situés au-dessus est difficilement envisageable compte tenu du rempart existant sans répondre à ce moyen des exposantes, le fait que le fonds de la Sarl Colline des Camélias ne soit pas désenclavé au Nord par un raccordement à la rue de la Glacière n’excluant nullement qu’il le soit au Sud par un accès direct rue de la Glacière, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le droit de passage prévu dans l’acte de propriété de la société Colline des Camélias était conforté par l’acte de propriété des sociétés Fascom international et Ah Sing investissements et que ces deux titres faisaient expressément référence à un acte du 1er février 1962 qui excluait l’existence de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu à leur auteur commun, la cour d’appel, qui a interprété souverainement les titres de propriété des parties et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu retenir que la servitude dont bénéficie la société Colline des Camélias s’exercera sur la nouvelle assiette du chemin créé par la société Ah Sing et constitué par la rue des Marquis et une partie de la rue de la Colline ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour accueillir la demande en autorisation d’installation des réseaux en sous-sol, l’arrêt retient que, l’acte du 1er février 1962 assignant aux terrains concernés une vocation à recevoir des constructions destinées au logement, leur desserte dépasse le seul passage et s’étend aux besoins inhérents à toute construction, que, l’acte instituant une unité de circulation sur l’ensemble des lotissements à créer, celle-ci vaut pour le passage des canalisations et réseaux inhérents à l’équipement des logements et que, l’acte établissant la réciprocité des servitudes, le terrain grevé bénéficie de la même servitude lorsqu’elle s’exerce sur les terrains voisins ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit et que l’acte constitutif du 1er février 1962 ne conférait pas le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette de la servitude, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 702 du code civil ;
Attendu que l’arrêt rejette la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements et destinée à réparer l’aggravation de la servitude de passage en raison de la desserte de la ZAC ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la création, sur le fonds dominant, d’une ZAC conduisant à la desserte de plusieurs centaines de logements n’entraînait pas une aggravation de la servitude conventionnelle, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives au bénéfice pour la société Colline des Camélias d’une servitude de passage qui s’exerce sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à Saint-Denis, l’arrêt rendu le 3 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis."