Voici un arrêt qui juge que la responsabilité du syndic et du syndicat des copropriétaires peut être partagée en ce qui concerne l’effondrement du plancher haut d’un appartement.
"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2016), qu’à la suite de l’effondrement du plancher haut d’un appartement situé au cinquième étage, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble … a assigné le syndic, la société Paul X…, en indemnisation des désordres constatés dans cet immeuble ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt de limiter la part de responsabilité du syndic à 40 % du préjudice subi ;
Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu’il ressortait du rapport d’expertise que le syndicat des copropriétaires, qui était nécessairement informé de l’état de la construction dont la conception était en cause, était en mesure de décider des travaux pour remédier au défaut d’étanchéité des étages supérieurs et que le syndic avait manqué à ses obligations d’information et de diligence en ne mettant pas à l’ordre du jour des assemblées générales des travaux d’ampleur et des résolutions relatives à la remise en état des installations sanitaires du sixième étage, la cour d’appel a pu en déduire que la responsabilité des désordres devait être partagée entre le syndicat des copropriétaires et le syndic selon une proportion qu’elle a souverainement fixée ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du … aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires du … et le condamne à payer à la société Paul X… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du ….
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR infirmé le jugement entrepris sur le quantum, et ramené la part de responsabilité de la société Paul X… à 40% du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires, le condamnant aux frais irrépétibles et aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « la SA Cabinet Paul X… invoque le fait que quitus lui a été donné, exercice après exercice, par le syndicat des copropriétaires et ce, depuis 1988, ce qui l’exonérait a priori de toute responsabilité ; le syndicat des copropriétaires qui ne conteste pas que quitus a été donné à son syndic, exercice après exercice, depuis l’année 1988, est fondé à répliquer comme il le fait que le quitus donné par un syndicat des copropriétaires à son syndic n’est libératoire qu’en ce qui concerne les actes de gestion dont l’assemblée générale a eu connaissance et qu’elle a été à même d’apprécier ; le syndicat qui reproche à son ancien syndic son inaction estime qu’en l’espèce, il n’a pas été complètement informé par son syndic des risques encourus du fait des défauts d’étanchéité constatés à l’occasion de divers sinistres et en particulier au 6e étage de l’immeuble et que le quitus donné n’a pas de valeur exonératoire pour la SA Paul X… ; Sur le fond, le cabinet Paul X… conteste le jugement en ce que celui-ci aurait retenu des analyses de la situation faites a posteriori, voire "des problèmes" n’ayant concouru en aucune façon aux sinistres, telles l’absence ou l’insuffisance d’étanchéité des cours ; en cours d’expertise, le syndicat a fait état et justifié envers l’expert judiciaire, M. Y…, de 12 déclarations de sinistres ainsi que de factures de plomberie et d’étanchéité concernant des reprises dans les étages supérieurs de la copropriété ; l’expert judiciaire a ainsi recensé de très nombreuses interventions d’entreprises de plomberie, au sixième étage, sur des installations privées et communes ; l’expert judiciaire a rappelé dans son rapport que Mme Z…, victime de l’effondrement du plancher haut de son appartement en 2002, avait été victime de 9 dégâts des eaux entre 1987 et 2006 ; l’expert a dénombré, en définitive, un sinistre par an au sein de la copropriété à partir de 1993, en provenance des parties communes, ayant pour cause un défaut d’étanchéité ; or, en son principe, il est constant que les factures des entreprises ayant procédé au fil du temps à ces réparations ponctuelles au sein de l’immeuble à la suite principalement de dégâts des eaux figuraient dans les comptes de la copropriété, et que le syndicat des copropriétaires était, dès lors, nécessairement informé de l’état de la construction ; la conception même de l’immeuble : la présence de coursives et balcons insuffisamment protégés contre les effets des intempéries est en cause et le syndicat doit en supporter les conséquences ; le syndicat était dès lors en mesure de prendre des initiatives et de décider de travaux ayant pour objet l’étanchéité des étages supérieurs de l’immeuble ; inversement, confrontée à ces sinistres, la SA Paul X… a fait procéder au coup par coup à des réparations ponctuelles, ne permettant pas de mettre un terme durable aux désordres ; par ailleurs, la SA Cabinet Paul X… n’a jamais cru devoir attirer l’attention des copropriétaires sur les conclusions du rapport de M. A…, architecte, même si elle justifie leur avoir diffusé le rapport de ce professionnel du 4 septembre 1990, lequel avait été consulté après le sinistre affectant l’appartement appartenant à M. B…, conclusions selon lesquelles ce professionnel estimait nécessaire de reprendre l’étanchéité complète du balcon – partie commune – et précisait : « Dans le cas de la réalisation d’une étanchéité, il faudra qu’elle soit complète par rapport aux surfaces envisagées, c’est-à-dire depuis le pignon du 41 jusqu’à la séparation du 45 » ; dans un avis contemporain, daté du 29 octobre l990, l’agence SOCOTEC consultée confirmait : « Il est donc souhaitable de créer sur l’existant un complexe d’étanchéité afin d’éviter de nouveaux désordres de ce type » ; or, il est établi que le syndicat des copropriétaires n’a jamais été tenu informé de l’avis de la SOCOTEC ni à plus forte raison invité à décider – ou non – des travaux préconisés par ces professionnels ; la responsabilité de la SA Paul X… envers le syndicat des copropriétaires est dès lors pour partie engagée, du fait d’une information incomplète du syndicat et de son absence de diligence s’agissant de la mise à l’ordre du jour de travaux d’ampleur ; la Cour estime à 40 % la part de responsabilité devant être supportée par la SA Paul X…, en relation avec les préjudices donnant lieu à la mesure d’expertise, le surplus de la dépense devant rester à la charge du syndicat des copropriétaires » (arrêt pp. 3 et 4) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE le syndic a la responsabilité de remplir sa mission d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci et de tenir informée la copropriété; que la circonstance que de nombreuses factures d’entreprises ayant réalisé des réparations « ponctuelles » dans les parties communes, sur plusieurs années, à la suite principalement de dégâts des eaux, figurent dans les comptes de la copropriété, ne peut suffire à établir la connaissance qu’aurait « nécessairement » eue le syndicat des copropriétaires « de l’état de la construction », et notamment de la nécessité d’intervenir sur son étanchéité ; qu’en se fondant pourtant sur cette seule circonstance, inopérante, pour affirmer que le syndicat des copropriétaires aurait dû prendre des initiatives et décider de travaux ayant pour objet l’étanchéité des étages supérieurs de l’immeuble, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE la cour d’appel énonce, pour retenir une part de responsabilité à la charge du syndicat des copropriétaires dans la survenance des désordres, qu’il aurait été nécessairement informé de l’état de la construction, par l’inscription dans les comptes de la copropriété des factures des entreprises ayant procédé au fil du temps à des réparations ponctuelles au sein de l’immeuble, et qu’il était dès lors en mesure de prendre des initiatives et de décider de travaux ayant pour objet l’étanchéité des étages supérieurs de l’immeuble ; qu’en statuant ainsi, quand elle constatait par ailleurs que le syndic avait failli à son devoir d’information à l’égard du syndicat des copropriétaires, en omettant d’attirer son attention sur la note du 4 septembre 1990 de Monsieur A…, architecte, qui envisageait la nécessité de reprendre l’étanchéité complète du balcon, et sur le rapport du 29 octobre 1990 de la SOCOTEC, estimant souhaitable de créer sur l’existant un complexe d’étanchéité afin d’éviter de nouveaux désordres, ce dont il résultait que le syndicat des copropriétaires n’était pas pleinement informé de la nécessité de faire procéder à des travaux autres que ceux ponctuellement réalisés par les entreprises et dont les factures figuraient dans les comptes de la copropriété, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a ainsi violé l’article 1992 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, pour retenir une part de son préjudice à la charge du syndicat des copropriétaires, la cour d’appel énonce que la « conception de l’immeuble : la présence de coursives et balcons insuffisamment protégés contre les effets des intempéries est en cause et le syndicat doit en supporter les conséquences » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs exclusivement tirés de l’imputabilité technique des désordres à la conception de la construction, mais qui sont impropres à écarter la responsabilité du syndic à l’égard de son mandant, au regard de son devoir de veiller à la conservation et l’entretien de l’immeuble, ainsi qu’au respect du règlement de copropriété, et au regard de son obligation d’information et de conseil due au syndicat des copropriétaires, qu’il se devait d’informer et de conseiller sur l’éventuelle nécessité de procéder à des travaux importants d’étanchéité et, à tout le moins, mettre ce point à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en affirmant, de manière péremptoire, que la « conception de l’immeuble », en l’état de coursives et balcons insuffisamment protégés contre les effets des intempéries, était en cause et que le syndicat des copropriétaires devait dès lors en supporter les conséquences, pour retenir une part de seulement 40 % de son préjudice à la charge du syndic en relation avec les préjudices donnant lieu à la mesure d’expertise, sans indiquer sur quel élément régulièrement versé aux débats elle fondait une telle affirmation et qu’il résultait au contraire du rapport d’expertise judiciaire que « le mode constructif de l’immeuble ne [pouvait] être reproché » (rapport, p. 58), la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE tout jugement doit être motivé ; que le syndicat des copropriétaires faisait valoir, dans ses conclusions (pp. 31 à 34), que la société Paul X… avait manqué à son obligation « d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété », en s’abstenant de prendre toute mesure appropriée pour faire cesser la violation, par certains copropriétaires du 6e étage, du règlement de copropriété s’agissant de leurs installations sanitaires, qualifiées de « vétustes, fuyardes et non-conformes » par l’expert judiciaire, lequel leur avait attribué un rôle causal dans la survenance des désordres (rapport, p. 57), mais également en s’abstenant d’informer l’assemblée générale des copropriétaires pour se faire autoriser à poursuivre les contrevenants en justice, quand le syndic avait précisément connaissance des nombreuses déclarations de sinistre des copropriétaires situés notamment au 5e étage ; qu’en fixant à seulement 40 % la part de responsabilité du syndic dans la survenance des désordres, en raison de ses manquements à son obligation d’information et son absence de diligence s’agissant de la mise à l’ordre du jour de travaux d’ampleur, sans répondre aux conclusions du syndicat des copropriétaires, invoquant un manquement distinct du syndic à son obligation d’assurer le respect du règlement de copropriété, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile."