Ce principe est à nouveau rappelé par la Cour de Cassation : les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 17 février 2016), que, le 9 février 2006, M. et Mme X..., propriétaires d’une maison et assurés auprès de la société ACM, ont fait installer une cheminée par la société Art du bain et du feu, assurée auprès de la société Allianz ; qu’un incendie ayant détruit leur maison dans la nuit du 1er au 2 novembre 2008, M. et Mme X..., partiellement indemnisés par leur assureur, ont assigné en complément d’indemnités les sociétés ACM et Allianz, ainsi que la société Art du bain et du feu représentée par son liquidateur judiciaire ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société Allianz fait grief à l’arrêt de dire qu’elle doit sa garantie décennale au titre de la réparation des dommages matériels, alors, selon le moyen :
1°/ que l’article 5 de l’ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005 précise que ses dispositions s’appliquent aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de ladite ordonnance, soit après le 9 juin 2005 ; que les marchés et contrats ainsi visés sont les contrats de construction susceptibles de donner lieu à la responsabilité décennale des constructeurs et non les polices d’assurance par eux souscrites ; qu’en jugeant inapplicables les dispositions de l’article L. 243-1-1 II issues de l’ordonnance au motif que le contrat d’assurance avait été souscrit le 18 mars 2004 alors que le contrat de construction unissant les époux X... à la société Art du bain et du feu avait été conclu en octobre 2005, postérieurement à la publication de l’ordonnance, la cour a violé l’article 5 de l’ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l’obligation d’assurance dans le domaine de la construction ;
2°/ que, même avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 juin 2005, le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire des constructeurs ne garantit que le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage et des ouvrages existants qui sont indissociables de l’ouvrage neuf ; que pour mobiliser la garantie décennale de l’assureur et le condamner à réparer l’ensemble des dommages consécutifs à l’ouvrage existant, le juge doit constater que ce dernier est totalement incorporé dans l’ouvrage neuf et qu’il en est devenu techniquement indivisible ou indissociable ; qu’en constatant que la cheminée installée par son assurée, ouvrage neuf, était techniquement devenue indivisible de l’existant pour retenir la garantie de la société Allianz quant aux dommages subis par les existants, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l’existant était incorporé dans l’ouvrage neuf et en était devenu indivisible techniquement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A 243-1 du code des assurances, ainsi que de l’article 1134 du code civil ;
3°/ qu’en présence de travaux sur existants, le juge doit, pour mobiliser la garantie décennale de l’assureur et le condamner à payer réparation de l’ensemble des dommages consécutifs à l’ouvrage existant, constater que celui-ci est devenu techniquement indivisible ou indissociable de l’ouvrage neuf tel que réalisé par l’assuré ; qu’en l’espèce, la société Allianz faisait valoir, preuves à l’appui, que son assuré, la société Art du bain et du feu n’avait pas réalisé l’habillage de la cheminée, les époux X... y ayant procédé eux-mêmes ; que dès lors, en se fondant sur le fait qu’un habillage de la cheminée a été réalisé pour intégrer la cheminée à la pièce où elle a été installée et en déduire que l’ouvrage, pris dans sa globalité, faisait donc corps avec la pièce au point d’en devenir indivisible, pour retenir la garantie de la société Allianz quant aux dommages subis par les existants, sans vérifier si l’indissociabilité de l’ouvrage aux existants ne tenait pas aux travaux réalisés par les époux X... eux-mêmes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1 et A 243-1 du code des assurances, ainsi que de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, que les dispositions de l’article L. 243-1-1 II du code des assurances ne sont pas applicables à un élément d’équipement installé sur existant, d’autre part, que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; que la cour d’appel a relevé que la cheminée à foyer fermé avait été installée dans la maison de M. et Mme X... et que l’incendie était la conséquence directe d’une absence de conformité de l’installation aux règles du cahier des clauses techniques portant sur les cheminées équipées d’un foyer fermé ; qu’il en résulte que, s’agissant d’un élément d’équipement installé sur existant, les dispositions de l’article L. 243-1-1 II précité n’étaient pas applicables et que les désordres affectant cet élément relevaient de la garantie décennale ; que, par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de limiter la condamnation prononcée à l’encontre de la société ACM ;
Mais attendu qu’ayant relevé que M. et Mme X... avaient déclaré, au moment de la souscription de leur contrat d’assurance, que leur maison d’habitation comportait six pièces et qu’ils s’étaient engagés à déclarer la création de toute pièce complémentaire dès le commencement des travaux, la cour d’appel, qui a souverainement constaté qu’à la date du sinistre quatre pièces supplémentaires étaient en cours d’aménagement dans les combles et qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir qu’il y avait lieu à application de la règle proportionnelle et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi principal qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois."