Le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente n'a pas à régler l'indemnité d'immobilisation si la caducité de la promesse de vente est la conséquence de la non réalisation d'une condition suspensive sans que ce bénéficiaire soit à l'origine de cette non réalisation de la condition suspensive.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai,17 décembre 2015), que, le 12 février 2010, la société civile immobilière Victor Hugo (la SCI) a promis de vendre à la société Akerys promotion un terrain à bâtir aux fins de construction d'un ensemble immobilier, sous la condition suspensive de l'obtention d'une garantie financière d'achèvement avant le 21 mai 2011, délai prorogé au 31 décembre 2011 par deux avenants successifs ; que, faisant état d'un défaut d'obtention de cette garantie, la société Akerys promotion n'a pas levé l'option ; que la SCI l'a assignée en paiement de l'indemnité d'immobilisation et de dommages-intérêts ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Akerys promotion s'était vu notifier, dans les délais contractuels, deux refus d'octroi d'une garantie financière d'achèvement, l'un par la Banque populaire occitane en raison des incertitudes du marché de l'investissement locatif et de la faiblesse de la pré-commercialisation, l'autre par la Société générale dans une réponse spécifiquement dédiée de sorte qu'il importait peu qu'elle concernât également un refus d'ouverture de crédit, la cour d'appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la société Akerys promotion n'avait pas empêché la réalisation de la condition suspensive, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Victor Hugo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière Victor Hugo et la condamne à verser la somme de 3 000 euros à la société Akerys promotion ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Victor Hugo.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la promesse de vente sous condition suspensive signée le 12 février 2010 est caduque, d'AVOIR dit la SCI Victor Hugo mal fondée en ses demandes, d'AVOIR débouté la SCI Victor Hugo de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les parties ont signé une promesse de vente le 12 février 2010 qui prévoyait une levée d'option avant le 31 mai 2011 ; plusieurs conditions suspensives y figuraient au rang desquelles on retrouve, comme classiquement, l'obtention du permis de construire, dont la demande devait être déposée dans un délai de trois mois et l'obtention d'une garantie financière d'achèvement, dont la demande devait être formulée un mois à compter de l'obtention du permis. En connaissance de cause, et en plein accord, les parties ont décidé de modifier leur convention par deux avenants successifs, pour proroger la date butoir de la levée d'option et la date butoir du dépôt de la demande de garantie financière. Le permis délivré ne correspondant pas à la surface convenue au départ, le prix subissait également une réduction. Il n'est pas contesté ni contestable que la société Akerys, bénéficiaire, n'a pas levé l'option dans les délais de sorte que la promesse est devenue caduque. Faute de réalisation de toutes les conditions suspensives, la SCI ne pouvait prétendre à percevoir une indemnité d'immobilisation. Elle fait valoir que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement en vertu de l'article 1178 du code civil. Elle n'aurait pas fait le nécessaire auprès des banques pour obtenir la garantie financière, bloquant le bien pendant deux années du 12 février 2010 au 11 janvier 2012. Il appartient évidemment à la SCI en vertu de l'article 1315 du code civil d'en faire la démonstration, et il lui sera d'emblée objecté que, si le bien a été bloqué dans le délai ci-dessus précisé, c'est en raison de la signature des deux avenants auxquels elle a consenti. En ce qui concerne les reproches qu'elle fait à la société Akerys, ils tiennent au fait qu'elle aurait transmis ses demandes aux banques de manière tardive, et aurait en réalité sollicité un refus de financement. En ce qui concerne le refus de financement provoqué, il ne s'agit que d'une supposition. En ce qui concerne les délais, le deuxième avenant prorogeait le délai de dépôt de dossier financier au 31 décembre 2011, avec son accord. Ce délai a été respecté en ce qui concerne la Banque Populaire Occitane, qui a justifié son refus par les incertitudes du marché de l'investissement locatif et la faiblesse de la pré-commercialisation. La Société Générale a répondu négativement le 8 décembre 2011, donc dans le délai fixé ; le fait que sa réponse concerne également une ouverture de crédit ne change rien à la teneur de la réponse spécifiquement dédiée, donnée pour des motifs généraux non développés, ce qui n'équivaut pas à un refus de financement conforme à une demande qu'aurait formulée le client. Le laconisme de ces réponses, qui sont bien en rapport avec le programme précité, n'impliquent pas pour autant une absence d'examen sérieux de la demande qui ne peut que s'entendre de la remise d'un dossier complet et de négociations, dont la société Akerys n'est pas obligé de rapporter la preuve, contrairement à ce que plaide la SCI, qui ne lui a rien demandé alors que si véritablement, elle avait eu des doutes, elle aurait sommé sa partenaire de lui communiquer les demandes faites aux banques dont la promesse prévoyait la communication sur sa demande. Elle n'apporte pas davantage la preuve d'une absence de pré-commercialisation, la société Akerys produisant des documents à l'inverse et il n'est en rien établi que la société Akerys n'avait pas d'intérêt à voir aboutir son projet, inscrit, il est vrai, dans un contexte de crise de l'investissement dans le locatif, dont personne ne peut disconvenir. Conseillée par des professionnels, elle ne peut affirmer qu'elle aurait été contrainte à signer les avenants ; d'autre part, il est clair à travers les modifications apportées au contrat d'origine qu'elle était parfaitement informée des difficultés rencontrées par la société Akerys sur le projet, modifié d'emblée par l'obtention d'un permis de construire différent de celui qui avait été envisagé. Son dernier argument a trait à l'absence de renouvellement de la caution, qui était limitée dans le temps et a expiré, qu'elle a réclamé le 24 novembre 2011. Contractuellement dans le dernier avenant, il n'a pas été prévu de renouvellement de ce cautionnement, expiré ; par ailleurs, le défaut de remise de cette caution était sanctionné par la caducité du contrat. Il ne peut être considéré à cet égard que la société Akerys n'aurait pas respecté ses obligations » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la promesse unilatérale de vente entre les parties comporte une condition suspensive d'obtention par la société Akerys d'une garantie financière d'achèvement. Malgré deux prorogations de délais, la société Akerys n'a pas obtenu auprès des banques cette garantie financière d'achèvement et donc n'a pas levé cette condition suspensive. L'article 1178 du code civil dispose que « La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ». Pour dire que la société Akerys a empêché l'accomplissement de cette condition, la SCI Victor Hugo doit rapporter la preuve positive de négligences graves ou de difficultés artificiellement créées, ce qui n'est pas le cas. Si l'acte sous seing privé comportait bien mention d'un terme dans lequel la régularisation devait être accomplie, ce terme a été prorogé à deux reprises par des avenants, il ne dispensait pas les parties de l'obligation de mise en demeure stipulée par l'article 1230 du code civil ; la mise en demeure est un préalable nécessaire à la constatation de l'impossibilité ou du refus de régulariser, que la SCI Victor Hugo ne justifie pas avoir mis en demeure la société Akerys de régulariser. La promesse de vente sous condition suspensive est donc caduque, ce faisant la SCI Victor Hugo n'est donc pas fondée à réclamer l'application de la clause pénale » ;
1°) ALORS QU' il incombe au bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'une garantie financière d'achèvement de prouver avoir déposé une demande à cette fin auprès d'un ou plusieurs établissements financiers ; qu'en affirmant que la société Akerys n'était pas obligée de rapporter la preuve de ce qu'elle avait formé auprès de la Société Générale et de la Banque Populaire Occitane une demande aux fins d'obtention d'une garantie financière d'achèvement, aux motifs que la SCI Victor Hugo n'avait pas, avant la phase contentieuse du litige, sommé la société Akerys de lui communiquer les demandes faites aux banques dont la promesse prévoyait la communication sur sa demande, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1178 et 1315 alinéa 2 du code civil ;
2°) ALORS QUE le seul fait que les réponses négatives des établissements bancaires consultés par le bénéficiaire d'une promesse de vente aient trait au programme ou au type de garantie évoqué dans la promesse ne suffit pas à prouver que ce dernier a formulé la demande spécifiquement impliquée et rendue nécessaire par les stipulations contractuelles ; qu'il en va de même du caractère sérieux de l'examen par les établissements bancaires de la demande effectivement formulée ; qu'en se bornant à retenir qu'il importait peu que la réponse de la Société Générale, outre la garantie financière d'achèvement, concerne également une ouverture de crédit dès lors qu'elle était « spécifiquement dédiée » et que la preuve du respect de ses obligations par la société Akerys était administrée en dépit du laconisme des réponses des établissements financiers aux motifs que celles-ci étaient bien en rapport avec le programme envisagé et que rien n'établissait que ces établissements n'aient pas sérieusement examiné la demande formulée, la cour d'appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur comme ne permettant pas de déterminer la nature exacte de la demande effectivement soumise par la société Akerys, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1178 et 1315 alinéa 2 du code civil ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE, tenu de motiver sa décision, les juges ne peuvent viser des pièces du dossier sans les identifier ni les analyser fut-ce de manière succincte ; qu'en se bornant à retenir que la société Akerys produisait « des documents » établissant la réalité de la pré-commercialisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la mise en demeure est inutile en matière de condition y compris lorsque le promettant entend voir dire la condition réputée accomplie du fait de l'empêchement de l'accomplissement par le débiteur ; qu'en faisant reproche à la SCI Victor Hugo de ne pas justifier avoir mis en demeure la société Akerys de régulariser la vente, la mise en demeure étant un préalable nécessaire à la constatation de l'impossibilité ou du refus de régulariser, et en retenant que, de ce seul fait, la SCI Victor Hugo n'était pas fondée à réclamer l'application de la clause pénale, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1178 du code civil."