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Invocation par un tiers à un contrat de la faute d'un cocontractant

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Ce principe est appliqué, par cette décision, en droit de la construction.

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,15 avril 2015), que la Société auxiliaire de parcs de la région parisienne (la SAPP) a confié la construction d'un parc de stationnement à la société Desvaux, aux droits de laquelle vient la société Eiffage construction Val de Seine (société Eiffage), en qualité d'entrepreneur général, et à la société Socotec France (société Socotec), en qualité de bureau de contrôle ; que la réception des travaux a eu lieu le 15 septembre 1993 ; que, se plaignant de désordres mettant en cause la pérennité de l'ouvrage, la SAPP a, après expertise, assigné la société Eiffage et la société Socotec en indemnisation pour faute contractuelle et pour dol de ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Eiffage, ci-après annexé :

Attendu que la société Eiffage fait grief à l'arrêt de la condamner au payement de sommes ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ouvrage avait été construit sans respecter la profondeur des appuis qui étaient dépourvus de ferraillage sur la zone de l'appui et que la défaillance systématique des appuis de poutres rayonnantes aurait pu être prévenue par la pose de poutres plus longues de quelques centimètres pour un meilleur appui atteignant la partie armée du voile périmétrique, par un renforcement de l'épaisseur de ce voile par l'intérieur avec ferraillage ou encore par la pose d'un dispositif de renfort extérieur de ces appuis, et retenu que la société Desvaux, professionnelle de ce type d'ouvrage, n'avait pu méconnaître la fragilité de l'ouvrage et la défaillance systématique des appuis, la cour d'appel a pu en déduire que cette société avait dissimulé les anomalies d'une particulière gravité au regard du risque d'effondrement avéré et commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la SAPP, ci-après annexé :

Attendu que la SAPP fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Socotec ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'absence de visites du chantier pendant les travaux aux fins de vérification des conditions de solidité de l'ouvrage, qui relevaient de la mission de la société Socotec et qui auraient permis l'identification des défaillances à l'origine des désordres, ne caractérisait pas une intention de dissimuler les manquements de la société Desvaux, la cour d'appel a pu en déduire que la société Socotec n'avait pas commis de faute dolosive à son encontre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240, du même code ;

Attendu que, pour dire sans objet le recours en garantie de la société Eiffage contre la société Socotec, l'arrêt retient que la société Socotec a commis une faute contractuelle en ne procédant pas aux visites de chantier qui auraient été de nature à permettre l'identification des défaillances à l'origine des désordres, mais que son intention de dissimuler les manquements de l'entreprise Desvaux n'étant pas caractérisée, le dol n'est pas constitué à son égard ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit sans objet le recours en garantie de la société Eiffage contre la société Socotec, l'arrêt rendu le 15 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Socotec France et la société SAPP aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Socotec France et la société SAPP à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Eiffage ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage construction résidentiel

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société EIFFAGE à payer à la SAPP les sommes de 299.129 € HT au titre des travaux réparatoires, de 165.872 € en remboursement des frais supportés par la SAPP, et de 39.000 € à titre de dommages-intérêts pour les frais d'étais, D'AVOIR dit sans objet le recours en garantie formé contre la société SOCOTEC France et D'AVOIR rejeté le surplus des demandes ;

AUX MOTIFS QUE « le dol doit être caractérisé par l'intention de dissimulation et concerner des faits présentant un caractère de gravité avéré ; qu'en l'espèce, l'expertise technique exécutée par QUALICONSULT après l'incendie survenu dans le parking, puis les constatations de l'expert ont permis à ce dernier de mettre en évidence les anomalies suivantes (pages 5-6 du rapport) : - les désordres constatés lors de l'inspection consistent en ce que la quasi-totalité des poutres rayonnantes dans le voile périphérique présente des fissurations souvent importantes avec désaffleurement voire arrachement, - l'inspection de QUALICONSULT avait fait état de ce que les poutres n'étaient engravées dans les voiles extérieurs que de 4 à 5 cm, sans ferraillage particulier de l'appui, ce qui était à l'origine des désordres, alors que l'appui aurait dû être d'au moins 10 cm, sur un support de béton armé, - le rapport établi par le CEBTP le 29 juillet 2010 a conclu que l'origine des désordres était due à la non prise en compte du raccourcissement du béton lié au phénomène de retrait + fluage, ainsi qu'au manque de dispositif d'appui des poutres dans les voiles extérieurs, - l'expert a conclu sur la cause des désordres (pages 17 et 19), après investigations effectuées sous sa conduite par le CEBTP que les poutres sont engravées de 7 à 10 cm dans le voile extérieur dont l'enrobage des aciers est de 9 à 10 cm ; qu'aucun dispositif n'avait été prévu pour reprendre le déplacement d'environ 9 mm lié à la conjonction des phénomènes de retraits + fluage c'est-à-dire de raccourcissement dans le temps du béton dû à l'application d'une contrainte constante, - il a retenu l'existence d'un risque réel de rupture d'un appui et d'effondrement d'une poutre et de la dalle qu'elle porte, et a déposé le 23 juin 2011 un pré-rapport relatif aux travaux urgents à réaliser par reconstitution d'un système de corbeaux ; que répondant aux dires, l'expert (page 10) a indiqué que les désordres étaient inéluctables compte tenu du manquement aux règles de l'art, mais qu'il ne savait pas si les constructeurs l'ignoraient, mais qu'en tout cas, ils n'auraient pas dû l'ignorer ; que la plupart des acteurs à la construction de l'ouvrage avait disparu, qu'il n'a pas été retrouvé trace d'un maître d'oeuvre d'exécution ; que de même les documents contemporains de la construction n'ont pas pu être remis à l'expert ; qu'il convient de rechercher si les deux acteurs attraits à l'instance, DESVAUX aux droits de qui [vient] EIFFAGE et SOCOTEC FRANCE, contrôleur technique, ont été auteurs de faits dolosifs en taisant sciemment ces non-conformités dont la cour est en mesure de retenir la particulière gravité au regard du risque d'effondrement avéré ; qu'en ce qui concerne l'exécution des travaux eux-mêmes, EIFFAGE fait valoir que si les manquements aux règles de l'art étaient aussi évidents, leur existence n'aurait pas échappé au maître d'ouvrage lors de la réception et que rien ne caractérise une volonté de dissimulation ; que cependant les non-conformités n'ont pu être apparentes pour l'oeil profane et même professionnel que lors de l'apparition des fissures générées par l'écrasement des appuis en béton non armés et non à la réception ; que s'agissant d'un ouvrage particulièrement soumis aux charges et contraintes, puisque les emplacements de stationnement et la voie de desserte se déroulent en suivant la pente hélicoïdale des dalles appuyées sur les poutres dont la fixation est en cause, l'entreprise tenue à une obligation de résultat n'a pu méconnaître la fragilité de l'ouvrage construit sans respect de la profondeur des appuis, lesquels se trouvaient au surplus dépourvus de ferraillage sur la zone de l'appui ; qu'il sera rappelé qu'il ne s'est pas agi d'un contrat ponctuel mais d'une caractéristique affectant (page 14) la quasi-totalité des poutres rayonnantes du voile périmétrique ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre que l'entreprise DESVAUX, professionnelle de ce type d'ouvrage, aurait pu méconnaître une défaillance aussi systématique des appuis de poutres rayonnantes qui aurait pu être prévenue par la pose de poutres plus longues de quelques centimètres pour un meilleur appui atteignant la partie armée du voile périmétrique, par un renforcement de l'épaisseur de ce voile par l'intérieur avec ferraillage ou encore par la pose d'un dispositif de renfort extérieur de ces appuis, ce dernier dispositif ayant certes pu avoir pour effet indirect de rendre plus détectables les anomalies ; que ces circonstances permettent à la cour de retenir la dissimulation par DESVAUX aux droits de qui vient EIFFAGE des anomalies affectant gravement l'ouvrage et par conséquent de la déclarer responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil » (arrêt pp. 5 à 7) ;

1/ ALORS QUE le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ; qu'en se bornant à affirmer « qu'il [n'était] pas sérieux de prétendre que la société DESVAUX, professionnelle de ce type d'ouvrage, aurait pu méconnaître une défaillance aussi systématique des appuis de poutres rayonnantes » (arrêt p. 7), sans relever ni la dissimulation ni la fraude nécessaires pour caractériser le dol qu'elle prétendait retenir à la charge du constructeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.

2/ ALORS QU'il appartient au demandeur à l'action d'établir la fraude ou la dissimulation, laquelle ne peut être présumée ; qu'en se bornant à affirmer « qu'il [n'était] pas sérieux de prétendre que la société DESVAUX, professionnelle de ce type d'ouvrage, aurait pu méconnaître une défaillance aussi systématique des appuis de poutres rayonnantes » (arrêt p. 7), la cour d'appel a retenu l'existence a priori d'un soupçon de fraude ou de dissimulation ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait au maître d'ouvrage, demandeur à l'action, d'établir la fraude ou la dissimulation qui ne peuvent être présumées, la cour d'appel a méconnu les règles de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société EIFFAGE à payer à la SAPP les sommes de 299.129 € HT au titre des travaux réparatoires, de 165.872 € en remboursement des frais supportés par la SAPP, et de 39.000 € à titre de dommages-intérêts pour les frais d'étais ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation des désordres, la SAPP demande paiement de la somme de 511.333 € HT en réparation de son préjudice qu'elle décompose ainsi : - 299.129 € HT, au titre des travaux de réfection :
253.000 € pour les travaux urgents et 46.129 € pour les autres, - 7.332 € HT au titre des honoraires SPS non pris en compte par l'expert, - 165.872 € HT au titre des frais conservatoires avancés tels que validés par l'expert, - 39.000 € HT au titre de ¿ du coût d'achat des étais installés, non pris en compte par l'expert au motif que la SAPP aurait pu les revendre, ce que celle-ci conteste ; qu'EIFFAGE conteste […] le coût réclamé pour les travaux provisoires au motif que sur les 165.872 € réclamés à ce titre, une somme de 99.310 € HT correspond à l'achat et l'installation de 65 étais acquis auprès de ALLIANCE BTP qu'EIFFAGE demande de déduire puisqu'ils peuvent être revendus ; […] en ce qui concerne les frais supportés par la SAPP, que leur exposé détaillé page 13 du rapport permet d'en retenir le bien fondé de sorte qu'ils seront retenus pour le montant de 165.872 € ; que la SAPP s'est trouvée dans l'obligation d'acquérir des étais spécifiques afin de prévenir provisoirement tout effondrement des poutres de structure ; qu'il sera fait droit à sa demande de remboursement de la moitié de la valeur d'acquisition à hauteur de 39.000 € à titre de dommages-intérêts (donc sans TVA) » (arrêt pp. 8 et 9) ;

1/ ALORS QUE, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en condamnant la société EIFFAGE à payer cumulativement, d'une part, la somme de 165.872 € HT retenue par l'expert au titre des frais conservatoires exposés par la SAPP, lesquels comprenaient notamment les frais complets pour l'achat et l'installation de 65 étais, ainsi qu'il résulte de la page 13 du rapport d'expertise et, d'autre part, la somme de 39.000 € au titre de la moitié du coût d'achat de ces mêmes étais, la cour d'appel a fait supporter à la société EIFFAGE deux fois le coût d'acquisition de ces étais, et elle a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1147 du code civil ;

2/ ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que la cour d'appel a condamné la société EIFFAGE à payer la somme de 39.000 €, laquelle correspondait, selon le rapport d'expertise judiciaire entériné par la cour d'appel, à l'intégralité des frais d'achat des étais (rapport p. 13) ; qu'en statuant ainsi, quand elle décidait qu'il convenait de faire droit à la demande de remboursement de la SAPP à hauteur de seulement « la moitié de [la] valeur d'acquisition » des étais (arrêt p. 9), la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1147 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit sans objet le recours en garantie de la société EIFFAGE contre la société SOCOTEC ;

AUX MOTIFS QU'« en ce qui concerne la recherche de responsabilité de SOCOTEC FRANCE, cette dernière fait valoir que l'expert n'a pu se prononcer sur les responsabilités, faute d'avoir pu se faire remettre les documents techniques d'exécution des travaux, de sorte que sa responsabilité ne saurait être retenue ; qu'elle rappelle que le dol suppose un acte positif et pas seulement une simple négligence ; que SOCOTEC FRANCE produit cependant aux débats les documents suivants sur ses missions liées à la construction de ce parking : le rapport de conformité, la convention des conditions générales 100-7-88 et les conditions spéciales LS-100-7-88 relatives à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables et à la sécurité des personnes (pièces sous cote 4) ; que ce dernier document prévoit expressément (article 2) que la mission de SOCOTEC FRANCE porte notamment sur les ouvrages et éléments suivants : - ouvrages de fondation qui assurent le report au sol des charges nouvelles apportées par le bâtiment, - ouvrages d'ossature qui ont été conçus pour recevoir et transmettre aux fondations les charges de toute nature ; que les désordres ont spécifiquement porté sur les conditions de report de charge des dalles appuyées sur les poutres rayonnantes engravées dans le voile périmétrique, de sorte qu'ils relèvent du champ de la mission de SOCOTEC FRANCE ; que par ailleurs les modalités d'exécution de la mission (article 3) ont certes comporté un travail d'examen de devis, de plans et documents divers, mais qu'il est également prévu : «de plus, - lorsque les entreprises mettent en oeuvre un système d'auto-contrôle formalisé sur le chantier, SOCOTEC FRANCE procède à l'examen des conditions dans lesquelles s'effectuent les vérifications auxquelles sont tenus pour leurs propres prestations, lesdits constructeurs, - en l'absence de mise en place, par les constructeurs, d'un système d'auto-contrôle formalisé, SOCOTEC FRANCE examine, à l'occasion de visites de chantier, les travaux en cours de réalisation. Les interventions de SOCOTEC FRANCE ne comportent pas d'investigations systématiques et ne sauraient, de ce fait, présenter un caractère exhaustif. Ses visites de chantier sont effectuées de manière intermittente ; notamment SOCOTEC FRANCE n'est pas obligée de participer à toutes les réunions périodiques de chantier » ; qu'il s'évince de ces dispositions que SOCOTEC FRANCE, qui ne soutient pas l'existence sur le chantier litigieux d'un dispositif d'auto-contrôle des constructeurs, était par conséquent tenue de procéder à des visites de chantier pendant le cours des travaux, afin de vérifier, comme exigé par sa mission, les conditions de solidité de l'ouvrage et en particulier des poutres reportant la charge des dalles sur le voile périmétrique ; que force est de constater qu'elle ne produit aucun document de nature à établir la réalité de ces vérifications en cours de chantier lui ayant incombé alors que le seul document attestant d'un examen réel de l'ouvrage est le certificat de conformité du 22 avril 1992 concernant une installation classée pour la protection de l'environnement ce qui ne désigne pas la vérification de la solidité de la structure ; qu'au regard des circonstances, il est certain que des visites du chantier pendant les travaux auraient été de nature à permettre l'identification des défaillances à l'origine des désordres ; que cependant, cette inexécution contractuelle de SOCOTEC FRANCE pour graves qu'en aient été les conséquences, ne permet pas à la cour de caractériser une intention de dissimuler les manquements de l'entreprise DESVAUX, de sorte que le sol n'est pas constitué à son égard ; […] que par motifs précités écartant la responsabilité pour dol de SOCOTEC FRANCE, le recours de EIFFAGE est sans objet » (arrêt pp. 7 à 9) ;

1/ ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en déboutant la société EIFFAGE, tiers au contrat unissant le contrôleur technique et le maître d'ouvrage, de son appel en garantie formé contre la société SOCOTEC, et fondé sur la responsabilité délictuelle de cette dernière, au motif inopérant que la faute de la société SOCOTEC ne trahissait aucune intention de dissimuler les manquements de la société DESVAUX et que le dol n'était pas constitué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2/ ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que la cour d'appel a constaté que la société SOCOTEC avait commis une inexécution contractuelle grave, sans laquelle l'identification des défaillances à l'origine des désordres aurait été possible (arrêt p. 8) ; qu'en déboutant la société EIFFAGE, tiers au contrat unissant le contrôleur technique et le maître d'ouvrage, de son appel en garantie formé contre la société SOCOTEC, quand la seule constatation de la faute du contrôleur technique, en relation de causalité avec les désordres dont la société EIFFAGE devait réparation, suffisait à engager la responsabilité délictuelle de la société SOCOTEC à l'égard de la société EIFFAGE, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et elle a violé l'article 1382 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la Société auxiliaire de parcs de la région parisienne

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR débouté la Sapp de ses demandes contre la société Socotec France ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : «en ce qui concerne la recherche de responsabilité de Socotec France, que cette dernière fait valoir que l'expert n'a pu se prononcer sur les responsabilités faute d'avoir pu se faire remettre les documents techniques d'exécution des travaux de sorte que sa responsabilité ne saurait être retenue ; qu'elle rappelle que le dol suppose un acte positif et pas seulement une simple négligence ; que Socotec France produit cependant aux débats les documents suivants sur ses missions liées à la construction de ce parking : le rapport de conformité, la convention des conditions générales 100-7-88 et les conditions spéciales LS-100-7-88 relatives à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables et à la sécurité des personnes (pièces sous cote 4) ; que ce dernier document prévoit expressément (article 2) que la mission de Socotec France porte notamment sur les ouvrages et éléments suivants : -ouvrages de fondation qui assurent le report au sol des charges nouvelles apportées par le bâtiment, -ouvrages d'ossature qui ont été conçus pour recevoir et transmettre aux fondations les charges de toute nature ; que les désordres ont spécifiquement porté sur les conditions de report de charge des dalles appuyées sur les poutres rayonnantes engravées dans le voile périmétrique, de sorte qu'ils relèvent du champ de la mission de Socotec France ; que par ailleurs les modalités d'exécution de la mission (article 3) ont certes comporté un travail d'examen de devis, de plans et documents divers, mais qu'il est également prévu : « De plus : -lorsque les entreprises mettent en oeuvre un système d'auto-contrôle formalisé sur le chantier, Socotec France procède à l'examen des conditions dans lesquelles s'effectuent les vérifications auxquelles sont tenus pour leurs propres prestations, lesdits constructeurs, -en l'absence de mise en place, par les constructeurs, d'un système d'autocontrôle formalisé, Socotec France examine, à l'occasion de visites de chantier, les travaux en cours de réalisation. Les interventions de Socotec France ne comportent pas d'investigations systématiques et ne sauraient, de ce fait, présenter un caractère exhaustif. Ses visites de chantier sont effectuées de manière intermittente ; notamment Socotec France n'est pas obligée de participer à toutes les réunions périodiques de chantier » ; qu'il s'évince de ces dispositions que Socotec France, qui ne soutient pas l'existence sur le chantier litigieux d'un dispositif d'auto contrôle des constructeurs, était par conséquence tenue de procéder à des visites de chantier pendant le cours des travaux, afin de vérifier, comme exigé par sa mission, les conditions de solidité de l'ouvrage et en particulier des poutres reportant la charge des dalles sur le voile périmétrique ; que force est de constater qu'elle ne produit aucun document de nature à établir la réalité de ces vérifications en cours de chantier lui ayant incombé alors que le seul document attestant d'un examen réel de l'ouvrage est le certificat de conformité du 22 avril 1992 concernant une installation classée pour la protection de l'environnement ce qui ne désigne pas la vérification de la solidité de la structure ; qu'au regard des circonstances il est certain que des visites du chantier pendant les travaux auraient été de nature à permettre l'identification des défaillances à l'origine des désordres ; que cependant cette inexécution contractuelle de Socotec France pour graves qu'en aient été les conséquences, ne permettent pas à la cour de caractériser une intention de dissimuler les manquements de l'entreprise Desvaux, de sorte que le dol n'est pas constitué à son égard ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes à son encontre » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « sur le caractère de la faute ayant conduit à la réalisation de ces désordres ; qu'il résulte de l'application de l'article 1147 du code civil que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de la faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il voile par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ; que la faute dolosive est donc caractérisée en cas de violation délibérée et consciente des obligations contractuelles du constructeur ; que la seule non-conformité des travaux aux règles de l'art ne constitue pas une faute dolosive si par ailleurs n'est pas établie la preuve du fait volontaire d'abstention dont les constructeurs n'auraient pu ignorer les conséquences ; que de la même manière, la faute lourde et la violation manifestement délibérée des obligations contractuelles peuvent constituer un dol, sous réserve de démontrer qu'elles procèdent d'une fraude ou d'une dissimulation ; qu'en l'espèce, l'expert indique que les manquements aux règles de l'art qu'il a constatés rendaient inéluctables la survenance de désordres ; que pour autant, l'homme de l'art ne qualifie pas ces fautes de grave ou encore d'inexcusable ; qu'interrogé sur le caractère manifeste de la faute, il se borne à préciser : « je ne sais évidemment pas si les constructeurs l'ignoraient en tout cas ils n'auraient pas dû » ; que ces éléments ne permettent pas de caractériser ni le caractère volontaire des manquements aux règles de l'art, ni le caractère tellement grossier que l'on ne peut qu'en déduire un manquement délibéré du constructeur à ses obligations contractuelles ; que la Sapp ne produit pas d'autres avis techniques de nature à remettre en cause les affirmations de Monsieur X... ; que le tribunal relève donc qu'il n'est pas démontré que les sociétés Desvaux et Socotec avaient connaissance de ces manquements ; que l'intention de les commettre ou de les dissimuler n'est donc pas prouvée ; qu'en outre, rien ne permet d'affirmer que ces manquements étaient d'une gravité telle que Desvaux les a commis en toute connaissance de cause et que Socotec ne pouvaient les ignorer ; qu'enfin, rien ne permet de considérer que ces manquements sont caractéristiques d'une faute lourde ; que la preuve du dol n'est pas rapportée, si bien que la Sapp sera déboutée de ses demandes de ce chef » ;

ALORS QUE : le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ; que commet une faute dolosive le constructeur qui commet une violation si manifeste de ses obligations contractuelles qu'il ne pouvait les ignorer et qui, bien que le défaut fût remédiable, n'en informe par le maître de l'ouvrage, démontrant ainsi sa volonté de dissimuler ses manquements ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Socotec n'avait jamais exécuté ses obligations de surveillance du chantier puisqu'elle « ne produit aucun document de nature à établir la réalité de ces vérifications en cours de chantier lui ayant incombé » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), et qu' « il est certain que des visites du chantier pendant les travaux auraient été de nature à permettre l'identification des défaillances à l'origine des désordres » (arrêt, p. 8, alinéa 2) ; qu'en retenant pourtant que ces éléments ne permettraient pas de caractériser une intention de dissimuler les manquements de l'entrepreneur, quand il en résultait que la société Socotec avait nécessairement commis une faute dolosive, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil."

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