Le castor est celui qui a construit lui-même la maison qu'il a ensuite vendue. Il doit la garantie décennale à son acheteur, mais la difficulté est de déterminer la date de la réception puisque par hypothèse il n'y a pas eu de réception entre le constructeur et le maître d’ouvrage car ils se confondent.
La Cour de Cassation considère alors que c'est la date d’achèvement ds travaux qui doit être prise en compte.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Nîmes, 17 septembre 2015), que M. et Mme X..., ayant acquis une maison avec une terrasse construite par M. et Mme Y..., les ont, après expertise, assignés en indemnisation des désordres affectant la terrasse ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer leur action prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au vendeur constructeur qui conteste la recevabilité de l'action des acquéreurs de rapporter la preuve que celle-ci était engagée après l'expiration du délai de garantie décennale ; qu'il appartenait ainsi aux époux Y..., vendeurs constructeurs, qui se prétendaient libérés de leurs obligations résultant des articles 1792 et suivants du code civil, d'apporter la preuve que l'action des époux X... était engagée hors délai ; qu'en déclarant l'action des époux X... prescrite au motif que « les époux X... agissent sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Il leur appartient donc de prouver qu'ils ont assigné dans le délai décennal qui court à compter de … (l') achèvement (de l'ouvrage). L'assignation en référé étant en date du 7 octobre 2009, ils doivent donc démontrer que l'ouvrage n'était pas achevé le 7 octobre 1999 » lors même qu'il appartenait aux époux Y..., vendeurs constructeurs, qui contestaient la recevabilité de l'action des demandeurs de rapporter la preuve que celle-ci était engagée après l'expiration du délai de garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux ; que dans l'hypothèse spécifique du vendeur constructeur, le délai de prescription court à compter de la date de l'achèvement des travaux ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a dit que les éléments de preuve ne permettaient pas de « fixer une date précise » de l'achèvement des travaux et qu'« aucun élément ne permet d'affirmer que la date d'achèvement des travaux est antérieure à 10 années à la date de l'assignation » ; que la cour d'appel a constaté que les époux Y... n'apportent pas « la preuve irréfutable » de cette date ; qu'en déclarant néanmoins l'action en garantie décennale prescrite, sans préciser la date exacte d'achèvement des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 à 1792-4 du code civil ;
3°/ que le seul usage d'un immeuble est impropre à caractériser son achèvement ; qu'en énonçant, pour déclarer l'action des époux X... prescrite, que la terrasse était utilisable et propre à sa fonction dès l'été 1999, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'achèvement de l'ouvrage, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 à 1792-4 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert judiciaire avait établi un tableau récapitulatif et chronologique des livraisons des toupies de béton et vérifié les quantités mises en oeuvre et les dates de tirage des photographies prises au fur et à mesure de l'avancement de l'ouvrage, et retenu que la terrasse était utilisable et propre à sa fonction à l'été 1999, ce qui corroborait des attestations témoignant de son utilisation à cette date, la cour d'appel, qui a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'à la date de l'assignation en référé, le 7 octobre 2009, le délai d'épreuve de l'article 1792-4-1 du code civil était expiré, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR constaté la prescription de l'action des époux X... et de les avoir débouté de leurs demandes.
AUX MOTIFS QUE « la date d'un achat de matériaux ou d'équipements ne fait pas en soi la preuve de la date de leur mise en oeuvre. C'est précisément ce qui amenait l'expert judiciaire à rechercher la date à partir de laquelle la terrasse était effectivement utilisable. Il s'est attaché à établir un tableau récapitulatif et chronologique des livraisons, notamment des toupies de béton, à vérifier des quantités mises en oeuvre et celles en excès retournées. Il a vérifié également les dates de tirage des photographies prises au fur et à mesure de l'avancement de l'ouvrage. Il démontre que, sous réserve d'une incertitude concernant le carrelage, la terrasse était utilisable et propre à sa fonction à l'été 1999, ce qui corrobore les attestations des proches qui témoignent qu'elle était utilisée, quand même certaines finitions seraient postérieures. C'est d'une exacte analyse des faits de la cause que le premier juge a déduit qu'à la date de l'assignation en référé la terrasse litigieuse avait passé le délai d'épreuve de l'article 1792-4-1 du code civil. Le jugement entrepris doit être confirmé au principal » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les époux X... agissent sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Il leur appartient donc de prouver qu'ils ont assigné dans le délai décennal qui court à compter de la réception de l'ouvrage et, en l'espèce, faute de réception, l'ouvrage ayant été réalisé par le maître de l'ouvrage, dans les dix ans de son achèvement. L'assignation en référé étant en date du 7 octobre, ils doivent donc démontrer que l'ouvrage n'était pas achevé le 7 octobre 1999, les consorts Y... soutenant qu'il l'était en août de cette même année.
Or, ils ne produisent à l'appui que deux attestations de témoins qui ont affirmé qu'il n'y avait aucune construction avant le 1er mai 2000 et que la terrasse n'avait été terminée qu'en 2002. L'expert judiciaire n'a pu qu'écarter ces témoignages qui sont absolument contredits par les photos produites par les défendeurs et dont la date de tirage en laboratoire prouve que le gros-oeuvre de la construction était achevé au plus tard en décembre 1998.
L'expert judiciaire va indiquer que, du côté Y..., les attestations des témoins, selon lesquelles la terrasse était terminée à l'été 1999 et les pièces apportées à l'appui (factures et photos) sont parfaitement cohérentes.
La seule incertitude reste la date de livraison du carrelage pour lequel on n'a que la date de commande avec une dimension différente (60/ 30 au lieu de 30/ 30). Cependant, il s'agit d'une finition, car le carrelage a été posé à la colle. Cela signifie que la chape présentait un état de finition suffisant puisque le carrelage se colle sur une chape lissée.
L'expert conclut que l'étude des factures et des bons de livraison, les témoignages apportées par M Y..., ses explications et la certitude (Photo 28-5) que le gros-oeuvre était achevé au plus tard en décembre 1998 constituent un ensemble cohérent et convergeant qui permet de situer la date à laquelle cette terrasse était propre à sa destination à l'été 1999 sans pour autant en apporter la preuve irréfutable.
La charge de la preuve incombant aux époux X..., la prescription décennale est acquise » (jugement, page 3).
ALORS D'UNE PART QU'il appartient au vendeur constructeur qui conteste la recevabilité de l'action des acquéreurs de rapporter la preuve que celle-ci était engagée après l'expiration du délai de garantie décennale ; qu'il appartenait ainsi aux époux Y..., vendeurs constructeurs, qui se prétendaient libérés de leurs obligations résultant des articles 1792 et suivants du code civil, d'apporter la preuve que l'action des époux X... était engagée hors délai ; qu'en déclarant l'action des époux X... prescrite au motif que « les époux X... agissent sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Il leur appartient donc de prouver qu'ils ont assigné dans le délai décennal qui court à compter de … (l') achèvement (de l'ouvrage). L'assignation en référé étant en date du 7 octobre 2009, ils doivent donc démontrer que l'ouvrage n'était pas achevé le 7 octobre 1999 » lors même qu'il appartenait aux époux Y..., vendeurs constructeurs, qui contestaient la recevabilité de l'action des demandeurs de rapporter la preuve que celle-ci était engagée après l'expiration du délai de garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, après dix ans à compter de la réception des travaux ; que dans l'hypothèse spécifique du vendeur constructeur, le délai de prescription court à compter de la date de l'achèvement des travaux ; qu'en l'espèce, l'expert judiciaire a dit que les éléments de preuve ne permettaient pas de « fixer une date précise » de l'achèvement des travaux (rapport page 43) et qu'« aucun élément ne permet d'affirmer que la date d'achèvement des travaux est antérieure à 10 années à la date de l'assignation » (rapport, page 44) ; que la cour d'appel a constaté que les époux Y... n'apportent pas « la preuve irréfutable » de cette date ; qu'en déclarant néanmoins l'action en garantie décennale prescrite, sans préciser la date exacte d'achèvement des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 à 1792-4 du code civil.
ALORS ENFIN QUE le seul usage d'un immeuble est impropre à caractériser son achèvement ; qu'en énonçant, pour déclarer l'action des époux X... prescrite, que la terrasse était utilisable et propre à sa fonction dès l'été 1999, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'achèvement de l'ouvrage, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 à 1792-4 du code civil."