Voici le cas particulier d'un congé pour reprise qui n'avait pas été suivi d'une reprise effective par le bailleur, ce que le locataire lui reprochait. La Cour de Cassation reproche aux premiers juges de ne pas avoir vérifié si le maintien dans les lieux des consorts Z...-Y...au-delà du terme du congé ne constituait pas une cause légitime au défaut d'occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise qui avait dû trouver un autre logement.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mars 2015), que M. X..., propriétaire d'un appartement donné à bail d'habitation à M. Y... et Mme Z..., leur a délivré, le 17 mars 2006, un congé pour le 30 septembre 2006 aux fins de reprise au profit de son fils Matthieu ; qu'un jugement du 14 mars 2007 a déclaré ce congé régulier et ordonné l'expulsion des consorts Z...-Y..., qui s'étaient maintenus dans les lieux au-delà du terme du préavis ; que, postérieurement à la libération des lieux, les consorts Z...-Y..., soutenant que M. Matthieu X... n'avait pas habité l'appartement, ont assigné M. X... en réparation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 15- I de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. X... ne rapporte pas la preuve de circonstances imprévisibles et irrésistibles qui auraient empêché la reprise du logement par son fils et sa famille, que M. Mathieu X... a acheté une maison en juin 2007 et l'occupe depuis septembre 2007, qu'il a loué le 1er avril 2006 un F2 puis le 25 octobre 2006 un F4, ce qui exclut qu'à cette date il avait un besoin urgent de reprendre l'appartement, que, lorsque le jugement définitif du 14 mars 2007 a été rendu, le bailleur s'est gardé de faire état de ce que son fils occupait un appartement d'une surface de 95 mètres carrés, qu'il ne se trouvait donc pas dans une situation caractéristique de force majeure qui seule aurait permis de ne pas respecter l'obligation de reprise et que cela démontre que le congé pour reprise n'avait pas pour objectif de reloger M. Mathieu X..., mais seulement de mettre fin au bail et de faire partir des locataires qui dérangeraient par leurs prétentions ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut d'occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise peut être justifié par l'existence d'une cause légitime ayant empêché l'occupation prévue, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si le maintien dans les lieux des consorts Z...-Y...au-delà du terme du congé ne constituait pas une cause légitime au défaut d'occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise qui avait dû trouver un autre logement, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action diligentée par Mme Sylvie Z... et M. Benoît Y..., l'arrêt rendu le 3 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie sur le surplus devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Y... et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de Mme Z... et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. Christian X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'il ne justifiait pas de la reprise de l'appartement litigieux par son fils, comme annoncé dans le congé du 17 mars 2006 ;
AUX MOTIFS QUE M. Christian X... conteste le grief de ses anciens locataires selon lequel son fils et sa famille n'auraient pas occupé les lieux dont ils ont été expulsés, en faisant valoir que si son fils, M. Mathieu X..., a tardé à occuper l'appartement litigieux, c'est uniquement du fait de la résistance abusive des appelants qui ne sauraient donc se prévaloir de leur propre turpitude ; que l'intimé ajoute :- qu'en effet, dans l'attente de la libération des lieux, son fils Mathieu revenu des Etats-Unis le 1er avril 2006, a loué dans un premier temps un appartement T2 (et non T1, comme indiqué par erreur), cet appartement étant exigu pour une famille de quatre personnes et donc temporaire ;- qu'à la fin du délai du congé, le 30 septembre 2006, les locataires n'ayant toujours pas quitté les lieux, son fils s'est installé dans un autre appartement situé dans le ...;- que les locataires n'ayant quitté les lieux que le 30 juin 2007, soit près d'un an après l'expiration du congé et plus de trois mois après le jugement du 14 mars 2007, son fils qui n'espérait plus le départ des locataires, a acheté une maison à Montpellier le 1er juin 2007 dans laquelle il a aménagé en septembre 2007 ;- qu'en raison de travaux plus importants que prévus à effectuer dans cette maison, son fils et sa famille ont occupé l'appartement litigieux entre le mois d'août 2007 et le début de l'année 2008, ce qu'établissent les factures EDF, France Telecom, Orange (ses pièces 23, 29, 30 et 33) ; que toutefois, les appelants combattent à bon droit cette argumentation, en soulignant que la reprise de l'appartement litigieux par M. Mathieu X..., fils du bailleur, est contredite par les éléments qui suivent :- M. Mathieu X... a acheté une maison à Montpellier en juin 2007, l'occupe depuis septembre 2007 (leur pièce 3 – procès-verbal de constat de Me B...),- M. Christian X... ne rapporte pas la preuve de circonstances imprévisibles et irrésistibles qui auraient empêché la reprise du logement par son fils et sa famille,- contrairement à ce que prétend l'intimé, l'appartement loué par son fils le 1er avril 2006 n'était pas un F1 mais un F2 tandis que le deuxième appartement loué le 25 octobre 2006 était un F4 d'une surface de 95 m ², ce qui exclut qu'à cette date le fils du bailleur avait un besoin urgent de reprendre l'appartement litigieux,- lorsque le jugement définitif du 14 mars 2007 a été rendu, le bailleur s'est gardé de faire état de ce que son fils occupait un appartement d'une surface de 95 m ²,- son fils ne se trouvait donc pas dans une situation caractéristique de force majeure qui seule aurait permis de ne pas respecter l'obligation de reprise,- cela démontre que le congé pour reprise n'avait pas pour objectif de reloger son fils, mais seulement de mettre fin au bail, de faire partir des locataires qui dérangeaient par leurs prétentions,- les nombreuses factures produites par le bailleur, pour justifier que son fils aurait occupé le logement à titre principal entre septembre 2007 et janvier 2008 prouvent que cet appartement n'a jamais été la résidence principale de ce dernier, n'a fait l'objet que d'une occupation occasionnelle, du fait de la faiblesse des consommations enregistrées alors que le contrat souscrit auprès d'EDF l'a été aussi au nom de la soeur de Mathieu X...,- le détail des volumes des consommations, examinées en pages 13 à 16 des écritures de l'intimé, auxquelles il est expressément renvoyé, contredit encore une occupation personnelle et à titre de résidence principale par le fils du bailleur, les faibles consommations relevées étant incompatibles avec celles d'une famille de quatre personnes,- au vu de l'analyse de ces factures, il peut être retenu que cet appartement a servi de pied-à-terre, de résidence ponctuelle, pour différents membres de la famille du bailleur, installés à titre principal en dehors de Montpellier, ce qui exclut la réalité de l'occupation annoncée dans le bail ; qu'en cet état, les consorts Z...-Y...établissant que M. Christian X... n'a pas fait reprendre l'appartement litigieux par son fils, comme cela a été annoncé dans le congé, la cour, par réformation du jugement, dira leurs demandes d'indemnisation fondées dans leur principe ;
1°) ALORS QUE le bénéficiaire d'un congé aux fins de reprise n'est pas tenu d'occuper à titre d'habitation principale le logement pour lequel le congé a été donné après la libération des lieux s'il justifie d'une cause légitime et extérieure à cette non-occupation, laquelle n'a pas à revêtir les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure ; dès lors, en énonçant, pour juger que le congé pour reprise délivré par M. X... n'avait pas pour objectif de reloger son fils mais seulement de mettre fin au bail qui le liait aux consorts Z...-Y..., que le fils de M. X... qui n'occupait pas à titre principal l'appartement litigieux ne se trouvait cependant pas dans une situation caractéristique de force majeure qui seule aurait permis de ne pas respecter l'obligation de reprise, et que M. Christian X... ne rapportait la preuve de circonstances imprévisibles et irrésistibles empêchant la reprise du logement, la cour d'appel a violé l'article 15- I de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QU'en se bornant à énoncer, pour juger que le congé pour reprise délivré par M. X... n'avait pas pour objectif de reloger son fils mais seulement de mettre fin au bail qui le liait aux consorts Z...-Y..., que le fils de M. X... n'occupait pas à titre principal l'appartement litigieux, qu'il ne se trouvait cependant pas dans une situation caractéristique de force majeure qui seule aurait permis de ne pas respecter l'obligation de reprise, et que M. Christian X... ne rapportait la preuve de circonstances imprévisibles et irrésistibles empêchant la reprise du logement, sans rechercher si ce dernier ne justifiait pas d'une cause légitime à cette nonoccupation tirée du maintien dans les lieux des consorts Z...-Y...pendant plus d'un an après la prise d'effet du congé délivré qui l'a contraint à modifier ses projets en termes de logement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15- I de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 1147 du code civil ;
3°) ALORS QUE le bailleur qui donne congé à son locataire pour reprendre le logement à son bénéfice ou au bénéfice d'un tiers n'a pas à justifier du besoin de logement du bénéficiaire de la reprise ; que dès lors, en retenant encore, pour juger que le congé pour reprise délivré par M. X... n'avait pas pour objectif de reloger son fils mais seulement de mettre fin au bail qui le liait aux consorts Z...-Y..., que l'appartement loué par son fils le 1er avril 2006 était un F2 et non un F1 et que le deuxième appartement loué était un F4 d'une surface de 95 m ², ce qui excluait qu'à cette date le fils du bailleur avait un besoin urgent de reprendre l'appartement litigieux, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé derechef l'article 15- I de la loi du 6 juillet 1989.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
M. Christian X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Mme Sylvie Z... et M. Benoît Y... la somme de 6. 000 euros, à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues ;
AUX MOTIFS QUE les consorts Z...-Y...sollicitent l'allocation des sommes qui suivent :-3. 325 euros au titre de frais de transfert de domicile,-200 euros par mois de surcoût, pour le nouveau bail, pour une surface identique, soit pendant trois ans une somme de 7. 200 euros,-2. 000 euros pour les frais engagés dans le cadre d'une précédente instance qui a opposé les parties,-4. 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la fraude les ayant obligés à quitter l'appartement situé dans une résidence agréable, qu'ils occupaient depuis des années ; que même si l'intimé ne discute pas ces chiffrages, la cour ne peut que relever que le fait d'être titulaire d'un bail ancien, avec un loyer devenu très modeste, n'ouvre nullement aux locataires expulsés le droit d'obtenir la différence par rapport au nouveau loyer, pendant trois ans ; que de même, la demande afférente aux frais liés à une précédente instance est irrecevable, pour se heurter à l'autorité de la chose jugée, sauf révision du jugement concerné et qu'enfin, ce que les appelants qualifient de préjudice moral fait largement double emploi avec la demande liée au surcoût causé par la nouvelle location ; qu'en cet état, la somme de 3. 325 euros n'étant pas discutée, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer à la somme de 6. 000 euros le préjudice subi par les locataires, toutes causes confondues ;
1°) ALORS QUE les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en énonçant, pour évaluer à la somme de 6. 000 euros le préjudice subi par les consorts Z...-Y..., que ces derniers sollicitaient les sommes de 3. 325 euros au titre de frais de transfert de domicile, de 7. 200 euros au titre du surcoût lié à leur nouveau logement, de 2. 000 euros au titre des frais engagés dans le cadre d'une précédente instance et de 4. 000 euros en réparation de leur préjudice moral, mais que le fait d'être titulaire d'un bail ancien, avec un loyer devenu modeste, ne leur ouvrait nullement le droit d'obtenir la différence par rapport au nouveau loyer, que la demande liée aux frais de la précédente instance était irrecevable, que ce que les appelants qualifiaient de préjudice moral faisait largement double emploi avec la demande liée au surcoût causé par la nouvelle location, et que la somme de 3. 325 euros correspondant aux frais de transfert de domicile n'était pas discutée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que le seul préjudice indemnisable des consorts Z...-Y...résidait dans les frais qu'ils avaient engagés au titre de leur transfert de domicile et qui avaient été évalués à la somme de 3. 325 euros, et a ainsi violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2°) ALORS en tout état de cause QUE les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice effectivement subi par elle et ne sauraient dès lors présenter un caractère forfaitaire ; qu'en se bornant à énoncer, pour évaluer à la somme de 6. 000 euros le préjudice subi par les consorts Z... Y..., que la somme de 3. 325 euros sollicitée au titre des frais de transfert de domicile n'était pas discutée et qu'elle disposait d'éléments suffisants pour évaluer à la somme de 6. 000 euros le préjudice subi par les locataires, toutes causes confondues, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour chacune des causes de préjudice retenue, la cour d'appel a procédé à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par les consorts Z...-Y...et a ainsi violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime."