Cet arrêt juge que le notaire, tenu professionnellement de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il rédige et d’éclairer les parties sur leur portée, leurs effets et leurs risques, doit vérifier par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il existe une publicité légale, l’étendue et la teneur des droits réels dont il authentifie la vente.
"Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que le notaire, tenu professionnellement de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il rédige et d’éclairer les parties sur leur portée, leurs effets et leurs risques, doit vérifier par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il existe une publicité légale, l’étendue et la teneur des droits réels dont il authentifie la vente ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… (l’acquéreur) qui, ayant acquis, suivant acte reçu le 21 janvier 1997 par M. Y…, notaire associé (le notaire), une maison d’habitation avec jardin et cour, située « à Montigny-les-Cormeilles (Val d’Oise) … et donnant … par un passage commun », projetait de se raccorder au réseau téléphonique depuis ce passage qu’il croyait indivis, s’est heurté au refus d’une voisine qui, propriétaire de l’immeuble situé au …, revendiquait la propriété exclusive de la cour constituant le passage vers cette voie ; qu’une expertise amiable ayant révélé que cette cour était privative, l’acquéreur a assigné la SCP Aurore Z… et Julien A…, successeur de la société au sein de laquelle avait exercé le notaire, en réparation des préjudices financier et moral engendrés par l’imprécision de son titre ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de l’acquéreur, après avoir relevé que son titre ne faisait mention d’aucune autre cour que celle, privative, attenante à sa maison, l’arrêt en conclut qu’il ne peut avoir été induit en erreur sur l’étendue de ses droits réels, tant sur la cour litigieuse que sur le porche permettant d’y accéder, la référence au caractère commun du passage exprimant seulement que d’autres parcelles bénéficiaient du même droit ; qu’il ajoute que la consultation des titres de la voisine n’aurait pas imposé au notaire, s’il y avait procédé, de décrire différemment l’étendue des droits cédés sur la cour litigieuse, de sorte que ce dernier ne peut être tenu pour responsable de la croyance erronée et non induite par les énonciations de l’acte, de l’existence sur cette cour de droits réels autre qu’un simple droit de passage ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les termes de « passage commun », qui pouvaient, en considération de l’état des lieux, des indications des titres antérieurs ou de leur confrontation avec ceux afférents à d’autres fonds, créanciers comme débiteurs du passage, désigner un chemin indivis, une servitude de passage, voire une simple tolérance, étaient ambigus et engendraient nécessairement une incertitude sur l’étendue des droits réels objet de la vente, de sorte qu’il appartenait au notaire instrumentaire de lever cette incertitude en vérifiant, par tous moyens à sa disposition, y compris par la consultation des titres des fonds contigus, créanciers ou débiteur du passage, et des documents cadastraux y afférents, le régime juridique du passage et l’exacte propriété de son assiette, et d’en faire mention dans son acte, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les trois autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
Condamne la SCP Aurore Z… et Julien A… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X….
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. X… de l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la SCP notariale François Lejeune, qui ne comparaissait pas en première instance, soutient que Me Y… n’a commis aucune faute lors de la rédaction de l’acte du 21 janvier 1997, ayant repris la description du passage commun telle qu’elle résultait des actes de propriétaires antérieurs ; qu’à aucun moment dans l’acte, il n’est fait mention d’une cour commune, mais d’un simple droit de passage ; que M. X… ne démontre nullement avoir eu la jouissance de la cour autrement que pour accéder au lot dont il est propriétaire ; qu’elle ajoute que la difficulté relative au statut de la cour litigieuse n’est apparue qu’à la lecture de l’acte de propriété de Mme D…, voisine de M. X…, et non à la lecture de la chaîne de propriété du lot cédé, la seule devant être vérifiée par Me Y…, qui n’avait pas à effectuer des vérifications cadastrales ; qu’en réponse, M. X… soutient que le notaire se doit de vérifier l’étendue et la nature des droits de propriété faisant l’objet de l’acte auquel il prête son ministère ; que la tâche du notaire consiste à rechercher et à analyser d’une façon approfondie l’ensemble des titres de propriété ; qu’en l’espèce, il relevait de la compétence de Me Y… de vérifier la nature et l’étendue des droits de propriété qui lui ont été transférés dans l’acte du 21 janvier 1997 ; que rien ne pouvait lui laisser supposer que la cour litigieuse n’était pas une cour commune, sa porte d’entrée étant au fond de celle-ci ; qu’il constate que le titre de propriété se borne à mentionner que la maison « donne … par un passage commun », le titre ne distinguant pas la cour du porche ; que Me Y… aurait dû faire des vérifications cadastrales qui, s’il les avaient effectuées, lui auraient révélé une différence de contenance de la propriété entre l’acte du 31 janvier 1963 et l’acte litigieux du 21 janvier 1997 ; qu’il rappelle que le notaire est tenu d’une obligation de résultat, en sa qualité de rédacteur d’acte ; Qu’ainsi que le relève à juste titre la SCP notariale, les énonciations de l’acte reçu par le ministère de Me Y… traduisent l’étendue de ses droits en mentionnant l’accès de l’immeuble vendu au numéro … par un passage commun ; qu’il n’est pas contesté que la cour mentionnée dans l’acte ne concerne que la cour directement attenante à la maison, dont M. X… est propriétaire et a la jouissance exclusive ; qu’il n’est fait mention d’aucune autre cour ; que M. X… ne peut pond prétendre avoir été induit en erreur par les mentions de l’acte sur l’existence d’un droit de propriété, tant sur la cour litigieuse que sur le porche, qui constituent l’assiette du droit de passage ; que le caractère commun du droit de passage exprime le fait que d’autres parcelles bénéficiaient du même droit ; que c’est en vain que M. X… reproche au notaire de ne pas avoir procédé à des vérifications concernant le titre de Mme D… dès lors que cette vérification, si elle avait été conduite, n’aurait pas imposé au notaire de décrire différemment l’étendue des droits cédés à l’égard de la cour litigieuse ; qu’il n’y a pas de conséquences à tirer de la différence de contenance de 50 ca relevée par M. X… entre son acte et celui publié à la conservation des hypothèques le 26 janvier 1966 (vente B…/ C…) ; qu’en effet, l’acte publié en 1966 porte sur un ensemble plus vaste (5 a 45 ca au total contre 3 a 45 ca) lequel a fait l’objet de divisions ultérieures et d’une nouvelle numérotation parcellaire ; que la description de la maison objet de la vente dans l’acte publié en 1966 est, du reste, différente (maison élevée sur cave alors que la maison vendue à M. X… est sur terre-plein dans l’acte de 1997) ; que l’efficacité de l’acte au regard de l’étendue des droits de M. X… est incontestable, et le notaire ne peut être tenu pour responsable de la croyance erronée et non induite par les énonciations de l’acte, de l’existence de droits autres qu’un simple droit de passage sur la cour litigieuse ; qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de débouter M. X… de l’ensemble de ses demandes ;
1) ALORS QUE le notaire, tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il instrumente, a l’obligation de qualifier juridiquement les droits qui sont transmis à l’acquéreur par le vendeur afin de lui délivrer une information complète et précise sur la nature de ses droits ; qu’en jugeant que Me Y…, notaire, a satisfait à son devoir d’information et de conseil à l’égard de M. X… quant à la nature des droits transmis sur la cour litigieuse, quand la locution « passage commun » à laquelle il était fait référence dans l’acte authentique de vente du 21 janvier 1997, par son imprécision, ne permettait pas à l’acquéreur de savoir s’il jouissait, avec d’autres, d’un droit de propriété indivis, d’une servitude de passage ou d’une simple tolérance de passage sur le bien en cause, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE le notaire, tenu professionnellement de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il instrumente, a l’obligation d’opérer toute vérification utile lorsqu’il dispose d’éléments de nature à le faire douter de l’adéquation de l’acte qu’il établi avec l’intention de son client ; que l’acte authentique de vente du 7 novembre 1957 qui titre Mme D… distingue clairement d’une part, le « passage commun » constitué par le porche donnant sur la Grande Rue, qui fait l’objet d’une propriété indivise entre Mme D… et les propriétaires des fonds voisin et d’autre part, le « droit de passage » dont bénéficient ces derniers sur la cour appartenant à Mme D…; que dès lors en se bornant à affirmer que la vérification par Me Y… du titre Ducerveau n’aurait, en tout état de cause, pas eu la moindre incidence sur sa description du passage litigieux dans l’acte de vente qu’il a instrumenté, sans mieux s’expliquer sur la distinction faite, dans l’acte authentique du 7 novembre 1957 entre le statut juridique du porche, qui seul constitue un « passage commun » faisant l’objet d’une propriété indivise, et la cour qui est, quant à elle, grevée d’un « droit de passage » au profit des fonds voisins y ayant accès, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que l’acte authentique de vente du 21 janvier 1997 désigne l’accès piéton au fonds Haberbusch comme un « passage commun » (p. 4, chap. 5) sans préciser s’il s’agit juridiquement d’une propriété indivise, d’un droit de passage ou d’une simple tolérance ; qu’en jugeant que la croyance erronée de M. X… sur la teneur de ses droits n’était pas induite par les stipulations de son titre de propriété qui mentionnait l’existence d’un « droit de passage » « commun » avec d’autres, quand l’acte authentique de vente du 21 janvier 1997 faisait état de l’existence d’un véritable « passage commun » reliant son fonds à la Grande Rue, ce qui pouvait laisser penser qu’il s’agissait d’une propriété indivise, la cour d’appel qui a dénaturé, par adjonction, les stipulations claires et précises du titre litigieux, a violé l’article 1134 du code civil ;
4) ALORS QUE le notaire est tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de l’efficacité des actes qu’il instrumente ; que cette obligation d’information et de conseil est de résultat ; qu’en jugeant que Me Y… n’a pas manqué à ses obligations professionnelles, tout en constatant que M. X… a acquis son fonds avec la croyance erronée qu’il était propriétaire indivis de la cour litigieuse, ce dont il résulte que le notaire n’a pas satisfait à son devoir d’information et de conseil envers l’acquéreur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions de l’article 1382 du code civil."