Cette décision de la Cour Administrative de Marseille juge que les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables dans le cadre d'un recours contre un transfert de permis de construire.
"Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme Boughalmi ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire délivré le 20 juin 2014 par le maire de la commune d'Avignon à M. A....
Par une ordonnance n° 1403281 du 4 décembre 2014, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 4° du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2014, M. et Mme Boughalmi, représentés par la SCP d'avocats Gontard, Barraquand, El Bouroumi, demandent à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2014 par lequel le maire de la commune d'Avignon a délivré un permis de construire à M. A....
Ils soutiennent que :
- ils ont accompli les diligences auprès du maire d'Avignon pour obtenir copie du permis de construire en litige, et ils ont adressé copie au président du tribunal administratif de Nîmes du courrier adressé à la ville ;
- le permis de construire en litige n'a été affiché que le 25 septembre 2014 ;
- le permis de construire a été signé par une autorité incompétente ;
- l'emprise au sol de la construction autorisée excède le coefficient de 30 % autorisé par le règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Avignon ;
- le pétitionnaire a fait une fausse déclaration en mentionnant une superficie de terrain de 120 m², alors qu'elle n'est que de 102 m².
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril et 3 septembre 2015, M. A..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation des époux Boughalmià lui verser la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral, et de mettre à la charge des époux Boughalmila somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les requérants ne justifient pas de la notification du recours au titulaire de l'autorisation délivrée le 20 juin 2014 ni à l'auteur de cette décision, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance était irrecevable en raison de sa tardivité ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la présente procédure, engagée alors que les requérants contestent un permis de construire pour un terrain qu'ils ont eux-mêmes vendus, engendre pour lui un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2015, la commune d'Avignon conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne justifient pas de la notification de la requête au titulaire de l'autorisation délivrée le 20 juin 2014 ni à l'auteur de cette décision, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail, président-assesseur,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune d'Avignon.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée:
1. Considérant que les époux Boughalmiont demandé, le 20 octobre 2014, au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire délivré le 20 juin 2014 par le maire de la commune d'Avignon à M. A... ; que, par ordonnance du 4 décembre 2014, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 4° du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande en raison de son irrecevabilité, au motif que les demandeurs de première instance n'avaient pas produit la décision attaquée, ni justifié de l'impossibilité de la produire ; que les époux Boughalmirelèvent appel de cette ordonnance ;
2. Considérant que l'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose : " Les présidents de tribunal administratif (.....) peuvent, par ordonnance... : 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens. " ; qu'aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 412-1 dudit code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. " ;
3. Considérant que l'auteur d'une demande présentée devant un tribunal administratif qui n'a pas produit la décision attaquée, malgré l'invitation qui lui a été adressée de régulariser sa demande, doit justifier auprès de la juridiction de première instance, le cas échéant, de l'impossibilité où il se trouve de produire la décision attaquée dans le délai qui lui est assorti ; qu'à défaut, sa demande peut être rejetée en raison d'une irrecevabilité manifeste ;
4. Considérant que, par une lettre des services du greffe du tribunal du 24 octobre 2014, les époux Boulghamiont été invités à régulariser leur demande devant le tribunal administratif de Nîmes dans un délai de quinze jours, par la production de la décision attaquée ; qu'ils ont reçu cette lettre au plus tard le 30 octobre 2014, date à laquelle leur conseil a saisi la commune d'Avignon d'une demande tendant à se voir délivrer une copie du permis de construire délivré à M. A... ; que s'ils font valoir qu'ils n'ont pu obtenir délivrance d'une copie de ce permis de construire avant le 11 décembre 2014, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'ils aient justifié, dans le délai qui leur était imparti pour régulariser leur demande, de l'impossibilité où ils se seraient trouvés de produire cette décision ; qu'ils ne peuvent apporter cette justification pour la première fois en appel ; qu'à défaut pour les intéressés d'avoir apporté cette justification au tribunal, c'est sans entacher son ordonnance d'irrégularité que le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande en raison de son irrecevabilité manifeste ;
Sur les conclusions de M. A... tendant à la condamnation des consorts Boughalmià réparer le préjudice moral qu'il soutient avoir subi en raison de leur action :
5. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. " ;
6. Considérant que la décision attaquée, datée non du 20 juin 2014, comme mentionné par erreur par les requérants, mais du 10 juillet 2014, a pour objet de transférer à M.A... le permis de construire délivré le 6 juillet 2011 par le maire d'Avignon à M. F... ; que le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de construction soumis à l'administration ; que lorsque, pendant la validité d'un permis de construire, la responsabilité de la construction est transférée du titulaire initial du permis à un autre bénéficiaire, la décision autorisant le transfert du permis précédemment accordé ne procède pas à une modification de la consistance du permis mais à une simple rectification du nom de son bénéficiaire ; que la décision de transférer le permis de construire n'est donc en elle-même ni un nouveau permis de construire, ni un permis de construire modificatif ; que les dispositions précitées de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ne sont, dès lors, pas applicables à la présente procédure, de sorte que M. A... ne peut pas se prévaloir de ces dispositions ;
7. Considérant, en second lieu, que M. A... n'est pas recevable à présenter, en défense aux conclusions d'excès de pouvoir des épouxE..., des conclusions reconventionnelles ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... aux fins d'indemnisation doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des époux Boulghamila somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Avignon et non compris dans les dépens, ainsi qu'une somme de 1000 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme Boulghami est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... aux fins d'indemnisation sont rejetées.
Article 3 : M. et Mme Boulghami verseront la somme de 1 000 (mille) euros à la commune d'Avignon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : M. et Mme Boulghami verseront la somme de 1 000 (mille) euros à M. A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...Boulghami, à la commune d'Avignon, et à M. H... A....
Délibéré après l'audience du 22 avril 2016, où siégeaient :
Mme Buccafurri, présidente de chambre,
M. Portail, président-assesseur,
M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2016."