Une décision pénale sur la participation de membres d'une association de défense du droit au logement à une violation de domicile.
"Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 226-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, les a condamnés à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs que les éléments de la procédure établissent que le DAL est à l'origine de la préparation de l'installation des personnes dans cet immeuble et de l'installation, mais aussi du maintien auquel seule l'expulsion a mis fin, le maintien dans les lieux étant une partie intégrante de la prévention de violation de domicile ; que les prévenus soutiennent ne pas être responsables de l'ouverture de la rue Planterose, sans pour autant nier avoir participé à la préparation de l'installation, à l'installation puis au maintien dans les lieux ; que Mme Y...et M. G...reconnaissent avoir participé à l'installation dans l'immeuble, Mme H...y avoir assisté ; que les personnes installées ont été maintenues grâce, notamment, au changement de serrures, dont selon M. I..., M. G...avait la clef, ce qu'il ne nie plus expressément devant la cour, aux travaux faits au niveau des sanitaires, à la remise en route de l'alimentation en eau et en électricité par le DAL, au soutien des membres du DAL sur place notamment lors de l'intervention policière aux fins de constatation puis d'expulsion ; que, selon les prévenus, un inventaire des biens contenus dans cet immeuble avait été par eux réalisé au moment de l'installation, ainsi qu'ils le confirment devant la cour, sans pour autant avoir cherché d'ailleurs a le rendre contradictoire ou à le faire établir par huissier, sans l'avoir communiqué à la victime et sans le produire, alors que le communiqué du DAL, du 12 juillet 2013, cite cet inventaire accompagné de photos ; que, de plus, ce soutien actif des prévenus a été matérialisé par l'absence d'évocation de cette situation à la préfecture lors des réunions les 5 et 10 juillet 2013 et d'acceptation de l'injonction municipale du 9 juillet 2013 ; que ce soutien actif à l'introduction et au maintien dans les lieux a été revendiqué tant dans un communiqué non publié qu'auprès de témoins comme l'adjoint au maire M. J..., M. K..., Mme L...désignant Mme H..., Mme Z..., M. G...et le prénommé François ; que les faits et les éléments constitutifs de la prévention par introduction et maintien dans les lieux sont établis, comme la culpabilité de chaque prévenu ;
" 1°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas déclarer les prévenus coupables de faits qu'elle imputait de manière générale à l'association DAL sans relever qu'ils avaient personnellement commis les faits visés par la prévention, à savoir s'être personnellement introduits dans la propriété de Mme N... , en avoir fracturé les serrures et avoir procédé à leur remplacement et y avoir imposé la présence de familles étrangères ;
" 2°) alors qu'à défaut d'avoir constaté que les prévenus s'étaient personnellement introduits dans la propriété de Mme N... , la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction de violation de domicile en tous ses éléments constitutifs " ;
Vu les articles 226-4, alinéa 1er, du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, constitue une violation de domicile l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ;
Qu'aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, le 2 juillet 2013, Mme N... , résidant dans la Manche et propriétaire d'un bien immobilier à Bordeaux, a appris que celui-ci était occupé par deux familles, l'une arménienne, l'autre bulgare ; que les premières constatations ont permis d'établir la disparition de biens mobiliers et l'installation de nouvelles serrures ; qu'après l'expulsion de ces occupants, le 15 juillet 2013, des poursuites pénales ont été engagées du chef de violation de domicile contre certains membres de l'association droit au logementl (DAL 33), dont M. X..., Mmes Y...et Z...;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de violation de domicile, les juges, après avoir relevé qu'ils sont tous trois membres de l'association DAL 33, retiennent qu'ils ont participé à l'installation des familles étrangères dans la maison de Mme N..., en établissant notamment un inventaire des biens présents, et ont apporté leur soutien actif à cette action en la revendiquant tant dans un communiqué qu'auprès de certains représentants municipaux ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans caractériser à l'encontre de chacun des trois prévenus l'existence d'une introduction illicite, à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte dans ladite propriété, et sans s'expliquer sur leur degré respectif d'implication en qualité d'auteur ou, le cas échéant, de complice de l'action ainsi entreprise, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 décembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé."