Louer un terrain pour y placer ses chevaux ne permet pas de bénéficier forcément du statut des baux ruraux.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 février 2013), que M. X... a occupé, à partir de novembre 1998, pour y installer des chevaux, et moyennant redevance, une parcelle appartenant aux époux Y..., lesquels l'ont vendue en 2004, libre de toute occupation aux termes de l'acte, à la commune de Fleurie qui a continué à percevoir une redevance réduite ; qu'en 2010, avisé du projet de la commune d'édifier une station d'épuration sur cette parcelle, M. X... a revendiqué la méconnaissance de ses droits de preneur à bail rural lors de l'achat par la commune ; que celle-ci l'a assigné en expulsion, tandis que M. X... l'assignait en reconnaissances de l'existence d'un bail rural et indemnisation du préjudice résultant de son éviction ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement relevé que, pour être soumis au statut du fermage, les contrats de vente d'herbe doivent, selon l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, avoir été conclus en vue d'une activité agricole définie par l'article L. 331-1 dudit code, et constaté que M. X..., qui utilisait la parcelle pour parquer des chevaux exclusivement réservés à un usage personnel et de pur loisir, ne pouvait être regardé comme exerçant une activité agricole, ce qui excluait que le contrat puisse être qualifié de bail rural, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci après annexé :
Attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, le moyen qui soutient en sa première branche que l'arrêt doit être cassé par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen est sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'elle n'était plus saisie que du bien-fondé de la demande de dommages-intérêts présentée par M. X..., la cour d'appel, qui a redonné à l'accord par lequel la parcelle avait été occupée par M. X... son exacte qualification de convention d'occupation précaire, exclusive de celle de bail rural, en a exactement déduit, sans violer le principe de contradiction, que M. X... ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice causé par la cession de la dite parcelle à la commune de Fleurie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer aux époux Y... une somme globale de 1 500 euros et à la commune de Fleurie une somme de 1 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué (celui du 5 juillet 2012) d'avoir déclaré le tribunal paritaire des baux ruraux incompétent pour connaître du différend opposant l'occupant d'une parcelle en nature de pré (Monsieur X..., l'exposant) au vendeur du terrain (les consorts Y...) ainsi qu'à son acquéreur (la commune de FLEURIE) ;
AUX MOTIFS, propres et éventuellement adoptés, QU'étaient soumis au statut du fermage, dès lors qu'ils donnaient lieu à une utilisation continue ou répétée d'un immeuble à usage agricole, les contrats dits de vente d'herbe ou de prise en possession d'animaux ; que, cependant, pour être soumis au statut du fermage, ces contrats devaient avoir été conclus en vue d'une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural ; qu'à cet égard, le demandeur au contredit n'établissait pas avoir jamais exploité la parcelle litigieuse pour y exercer une activité agricole correspondant à la définition légale de l'article L. 311-1 du code rural, ni d'ailleurs qu'une telle exploitation eût jamais été envisagée entre les parties, ce qui du reste ne pouvait être sérieusement soutenu compte tenu du loyer dérisoire versé par M. X... aux propriétaires qui ne correspondait pas à un droit de jouissance générale de la parcelle en question dès lors qu'il était établi par les pièces produites que la redevance versée annuellement aux consorts Y... ne s'élevait qu'à 153 ¿ par an pour ladite parcelle et pour une autre, louée dans les mêmes conditions à Lancie ; que le seul fait d'avoir parqué sur ce terrain des chevaux exclusivement réservés à un usage personnel de pur loisir ne pouvait être regardé comme une activité agricole répondant aux critères fixés par la loi ; qu'il était indifférent que M. X..., simple amateur de chevaux, eût entretenu des échanges avec d'autres amateurs ou même des éleveurs et qu'il eût procédé occasionnellement à la vente d'un animal pour en acquérir un autre ; que l'usage fait de la parcelle ne revêtait aucune dimension économique liée à la production agricole ; que le demandeur au contredit ne justifiait pas d'une activité de préparation et d'entraînement des équidés en vue de leur exploitation telle que visée à l'article L. 311-1, alinéa 3, du code rural (arrêt attaqué, p. 3, attendus 6 et 7 ; p. 4, alinéas 1 à 5) ; que, sur la qualification du contrat ayant lié M. X... aux consorts Y... entre 1998 et le 10 novembre 2004, s'agissant de la présomption simple de bail rural en cas de cession exclusive des fruits de l'exploitation et, en particulier, en cas de vente d'herbe, l'utilisation devait être continue et la cession exclusive ; qu'aux termes des débats, il était apparu, et non contesté, que M. X... avait été amené, ponctuellement, à retirer ses chevaux de la parcelle litigieuse ; qu'il n'était dès lors pas possible de considérer que l'utilisation avait été continue ; qu'au surplus, le texte qui posait la présomption de bail rural visait expressément les baux pour lesquels les parties avaient cherché à échapper au statut du fermage ; qu'il n'était pas démontré qu'en l'absence de bail écrit, les relations des parties étaient fondées sur la volonté de poursuivre cet objectif ; qu'au contraire, c'était seulement en 2010, plus de cinq années après la vente de la parcelle, que M. X... avait revendiqué le statut du fermage, arguant de ce qu'il avait ignoré la vente jusqu'à cette date, quand les débats et les pièces produites par les parties montraient qu'il ne pouvait l'ignorer depuis cette date ; que, concernant les conditions posées par l'article L. 411-1 du code rural, il y avait bien eu, en l'espèce, une mise à disposition d'un immeuble agricole, s'agissant d'une parcelle de pré laissée à l'usage de M. X... ; que cette mise à disposition avait bien eu lieu à titre onéreux puisqu'il était établi que des loyers avaient été régulièrement versés pour celle parcelle jusqu'en 2004 inclus (jugement entrepris, p. 6, alinéas 5 à 7) ;
ALORS QUE, de première part, la conclusion d'une convention en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens suffit à soumettre au statut des baux ruraux le contrat de cession exclusive des fruits de l'exploitation ; qu'en retenant que, pour être soumis au statut du fermage, les contrats de vente d'herbe devaient avoir été conclus en vue d'exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et qu'en l'espèce l'occupant de la parcelle vendue n'établissait pas l'avoir exploitée pour y exercer une activité de ce type, ajoutant ainsi à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1, alinéa 2, du code rural ;
ALORS QUE, de deuxième part, la cession exclusive des fruits de l'exploitation, lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir, est soumise au statut des baux ruraux, à moins que le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée et dans l'intention de faire obstacle à l'application du statut ; qu'en considérant que l'occupant de la parcelle ne pouvait se prévaloir d'une occupation continue pour la raison qu'il avait été « amené, ponctuellement, à retirer ses chevaux », tout en constatant le règlement régulier de loyers jusqu'en 2004 inclus, de sorte que l'utilisation de la parcelle avait été à tout le moins répétée pendant six années consécutives, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1, alinéa 2, du code rural, ensemble l'article L. 411-2 du même code ;
ALORS QUE, de troisième part, pour combattre la présomption d'application du statut, le cédant ou le propriétaire doit démontrer qu'il n'y a ni continuité ni répétition de l'utilisation de la parcelle et que le contrat n'a pas été conclu dans l'intention de faire obstacle au statut ; qu'en énonçant qu'il n'était pas prouvé que les relations des parties étaient fondées sur la volonté d'échapper au statut du fermage, quand il appartenait au propriétaire ou au cessionnaire de la parcelle d'établir concrètement que le contrat de vente d'herbe n'avait pas été conclu dans l'intention de faire obstacle au statut, inversant ainsi la charge de la preuve, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1, alinéa 2, du code rural, ensemble l'article 1315 du code civil ;
ALORS QUE, de quatrième part, en retenant que l'occupant s'était prévalu de l'application à son profit du statut du fermage plus de cinq ans après la vente de la parcelle, se prononçant ainsi par un motif ne pouvant établir que le contrat, qui avait donné lieu au paiement régulier de loyers de 1998 à 2004, n'avait pas été conclu dans l'intention de faire obstacle au statut, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard de l'article L. 411-1, alinéa 2, du code rural, ensemble l'article L. 411-2 du même code ;
ALORS QUE, enfin et en toute hypothèse, en se bornant à affirmer que « les débats et les pièces produites par les parties » établissaient que l'occupant de la parcelle ne pouvait avoir ignoré la vente du 10 novembre 2004, sans préciser ni analyser les pièces sur lesquelles elle se serait fondée pour retenir un tel fait, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué (celui du 8 février 2013) d'avoir débouté l'occupant d'une parcelle en nature de pré (M. X..., l'exposant) de sa demande indemnitaire du chef de son éviction par le cédant (les consorts Y...) ainsi que par le propriétaire (la commune de FLEURIE) du terrain ;
AUX MOTIFS QUE la cour, qui avait décidé d'évoquer par son arrêt du 5 juillet 2012, n'avait donc à se prononcer que sur le bien fondé de la demande de dommages et intérêts présentée par M. X..., qui avait été évincé d'une parcelle de pré sise à FLEURIE et appartenant aux consorts Y..., et sur laquelle il faisait paître ses chevaux pour son agrément personnel, à la suite de la cession de ladite parcelle consentie à la commune de FLEURIE le 10 novembre 2004 ; que l'accord verbal conclu entre M. X... et les consorts Y... ne pouvait s'analyser autrement qu'en une convention d'occupation précaire, compte tenu du montant purement symbolique de la redevance versée et du fait que celle-ci ne l'avait été que très irrégulièrement et selon le bon vouloir de l'occupant qui ne s'était plus estimé astreint à aucune obligation à cet égard depuis 2004 quand bien même il en avait poursuivi l'occupation (arrêt attaqué, p. 3, 5ème attendu) ;
ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux pour connaître de la demande indemnitaire de l'occupant d'une parcelle de pré, entraînera l'annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l'arrêt attaqué l'a débouté de cette demande sur le fondement civil de l'existence d'une convention d'occupation précaire, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
ALORS QUE, d'autre part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'une convention d'occupation précaire, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point mélangé de fait et de droit du litige, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, le statut du fermage ne s'applique pas aux conventions d'occupation précaire tendant à l'exploitation temporaire d'un bien dont l'utilisation principale n'est pas agricole ou dont la destination agricole doit être changée ; qu'en affirmant que l'accord verbal conclu entre l'occupant d'une parcelle et le cessionnaire de celle-ci s'analysait en une convention d'occupation précaire, tout en constatant que l'occupant y faisait paître des chevaux, que son occupation avait donné lieu au paiement régulier de loyers jusqu'à sa cession et sans relever que sa destination agricole avait vocation à être modifiée, la cour d'appel a violé l'article L. 411-2 du code rural, ensemble l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE, en outre, la convention d'occupation précaire n'est révocable sans faute du propriétaire qu'en cas de survenance de la cause de précarité ; qu'en écartant la responsabilité du cessionnaire et du propriétaire de la parcelle pour la raison qu'à compter de l'année 2004, correspondant à la date de la vente, son occupant ne s'était acquitté que très irrégulièrement de la redevance, quand cette vente, stipulée abusivement « libre de toute occupation », avait emporté éviction de l'occupant, et sans constater qu'elle aurait constitué la cause de précarité de la convention, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1709 et 1147 du code civil."