Cet arrêt juge que l’absence de réception exclut la garantie décennale.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2012), que par acte du 4 janvier 2000, M. X... et la société Laurazur ont acquis un lot constitué du quatrième étage d'un immeuble ; qu'après avoir entrepris sa transformation en cinq lots, ils ont, par acte du 3 juillet 2000, vendu à M. Y... et Mme Z... un des lots issus de cette division ; que des désordres étant apparus en cours de chantier au cinquième étage de l'immeuble, une expertise a été ordonnée ; que les consorts Y...- Z... ont assigné notamment M. X... et la société Laurazur en réparation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y...- Z... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur l'article 1792 du code civil, alors, selon le moyen :
1°/ que la réception tacite de l'ouvrage résulte de la prise de possession des lieux et du paiement intégral du prix ; qu'en écartant toute réception tacite faute pour M. X... et la société Laurazur de démontrer avoir manifesté leur volonté non équivoque d'accepter les travaux réalisés par la société ACDM antérieurement à la vente du lot de copropriété aux consorts Y...- Z... en date du 3 juillet 2000, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la vente de l'appartement au profit des consorts Y...- Z... ne constituait pas une prise de possession des lieux, et si cette prise de possession, cumulée au paiement intégral du prix des travaux constaté par le tribunal, ne valaient pas réception tacite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
2°/ que l'apparition de désordres avant l'achèvement des travaux ne fait pas obstacle à la réception tacite de l'ouvrage ; qu'en écartant toute réception tacite pour cela qu'antérieurement à l'achèvement des travaux et aux ventes réalisées par M. X... et la société Laurazur, des désordres existaient au jour de la vente en ce qu'une procédure de référé avait été diligentée par un propriétaire voisin, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que des désordres étaient survenus en cours de chantier, existaient au jour de la vente, et avaient justifié l'arrêt des travaux par ordonnance du 18 juillet 2000, la cour d'appel, qui s'est déterminée par le fait qu'il n'existait pas la preuve de la volonté non équivoque de M. X... et de la société Laurazur d'accepter les travaux, et non par la constatation d'une absence de prise de possession, a pu en déduire que les consorts Y...- Z... n'étaient pas fondés à rechercher leur responsabilité sur ce fondement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action des consorts Y...- Z... fondée sur le dol, l'arrêt retient qu'au jour de la vente, aucune atteinte au bien vendu n'existait, que seule une action en référé fondée sur l'article 145 du code de procédure civile avait été initiée par le propriétaire d'un appartement situé au cinquième étage au titre de désordres affectant son lot, à l'exclusion des appartements situés au quatrième étage, et que cette procédure n'impliquait pas, au moment de la vente, le lot vendu aux consorts Y...- Z... ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le silence gardé par M. X... et la société Laurazur sur l'existence d'une procédure diligentée à leur encontre par le propriétaire de l'appartement du cinquième étage ne constituait pas une réticence dolosive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause la société Axa France IARD et la mutuelle l'Auxiliaire ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les consorts Y...- Z... de leur action contre M. X... et la société Laurazur fondée sur le dol, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... et la société Laurazur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la société Laurazur à payer aux consorts Y...- Z... la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. Y... et Mme Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a implicitement débouté les consorts Y...- Z... de leurs demandes fondées sur l'article 1792 du code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES EXPRESSEMENT SUBSTITUES QUE « en cause d'appel, les époux Y... ne soutiennent plus leurs demandes fondées sur l'obligation de délivrance, sur la garantie d'éviction et sur les vices cachés et ils ne sollicitent plus la condamnation du syndicat des copropriétaires ; ils demandent la réformation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation fondées sur les dispositions de l'article 1792 du code civil en invoquant l'existence d'une réception tacite entre les vendeurs et le constructeur ; aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclaré accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ; en l'occurrence, aucun procès-verbal de réception n'est intervenu entre Jacques X..., la SNC LAURAZUR et la société ADCM ; selon les documents comptables examinés par l'expert judiciaire, la société ADCM a émis des factures à l'ordre de la SNC LAURAZUR et à l'ordre de Jacques X... jusqu'au 26 juillet 2000, étant relevé que cette société a été déclarée en redressement judiciaire le 19 mai 2000 ; les désordres affectant le plancher sont survenus en cours de chantier et selon les écritures du syndicat des copropriétaires, les réparations sont en cours sur la base d'un marché de travaux conclu le 30 mai 2011 ; il est établi qu'antérieurement à l'achèvement des travaux et aux ventes réalisées par Jacques X... et la SNC LAURAZUR, les désordres existaient au jour de la vente en ce qu'une procédure de référé a été initiée en juin 2000 par l'un des cinq copropriétaires concernés par ces désordres (procédure qui a été étendue aux époux Y...), étant relevé que sur la base de l'assignation délivrée par ce copropriétaire, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a, par ordonnance du 18 juillet 2000, ordonné l'arrêt des travaux en raison du danger ; Jacques X... et la SNC LAURAZUR ne démontrent pas avoir manifesté leur volonté non équivoque d'accepter les travaux réalisés par la société ADCM, antérieurement à la vente du lot de copropriété aux époux Y... en date du 3 juillet 2000 (cf date de l'acte authentique) ; ces derniers ne sont pas fondés à rechercher leur responsabilité et la garantie de l'assureur responsabilité décennale du constructeur sur le fondement de la présomption de responsabilité des constructeurs ; en l'absence de demande fondée sur la responsabilité contractuelle, le jugement sera confirmé par substitution de motifs, en ce qu'il se réfère à des décisions définitives dans lesquelles les époux Y... n'étaient pas parties ; l'appel en garantie dirigé contre la SA LES MUTUELLES DU MANS est sans objet » (arrêt page 5 in fine, page 6 § 1 à 8) ;
1°) ALORS QUE la réception tacite de l'ouvrage résulte de la prise de possession des lieux et du paiement intégral du prix ; qu'en écartant toute réception tacite faute pour Monsieur X... et la SNC LAURAZUR de démontrer avoir manifesté leur volonté non équivoque d'accepter les travaux réalisés par la société ACDM antérieurement à la vente du lot de copropriété aux époux Y... en date du 3 juillet 2000, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la vente de l'appartement au profit des consorts Y...- Z... ne constituait pas une prise de possession des lieux, et si cette prise de possession, cumulée au paiement intégral du prix des travaux constaté par le tribunal, ne valaient pas réception tacite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'apparition de désordres avant l'achèvement des travaux ne fait pas obstacle à la réception tacite de l'ouvrage ; qu'en écartant toute réception tacite pour cela qu'antérieurement à l'achèvement des travaux et aux ventes réalisées par Monsieur X... et la SNC LAURAZUR, des désordres existaient au jour de la vente en ce qu'une procédure de référé avait été diligentée par un propriétaire voisin, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Y...- Z... de leur action fondée sur le dol ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « dans le dernier état de leurs écritures, les époux Y... invoquent le dol commis par leurs vendeurs qui se sont abstenus de les informer de l'action en justice intentée par les époux A... et de l'existence des désordres résultant des travaux en rénovation des appartements ; pour résister à ce moyen, Jacques X... et la SNC LAURAZUR invoquent la prescription de cinq ans prévue par l'article 1304 du code civil, qui a commencé à courir à compter de la découverte du vice du consentement, soit à compter de l'assignation en référé qui leur a été délivrée le 26 mars 2001, aux fins de leur rendre communes les opérations d'expertise ; la prescription serait acquise en l'état de l'ordonnance de référé rendue le 12 juillet 2001 et de leur action initiée le 4 août 2006 devant le tribunal de grande instance de Grasse ; comme le font très justement valoir les époux Y..., l'assignation en référé du 26 mars 2001 n'avait pour objet que de permettre à l'expert de pénétrer dans les appartements du quatrième étage, afin d'effectuer des sondages dans la structure porteuse du plancher haut en vue de déterminer si elle avait un rôle causal par rapport aux désordres affectant l'appartement de Monsieur A..., situé au cinquième étage ; la connaissance des désordres affectant le plancher haut du quatrième étage n'ayant été révélé aux époux Y... que par un compte rendu de l'expert en date du 6 septembre 2001, ces derniers avaient un délai pour agir de cinq ans, soit jusqu'au 6 septembre 2006 ; le moyen tiré de la prescription sera écarté ; selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; le dol ne se présume pas, il doit être prouvé ; au soutien de leurs demandes d'indemnisation fondée sur le dol de leurs vendeurs, les époux Y... évoquent le fait que le 26 juin 2000, Monsieur A... a fait assigner Jacques X... et la SNC LAURAZUR devant le juge des référés aux fins d'expertise destinée à objectiver les désordres affectant son appartement consécutivement aux travaux réalisés au quatrième étage ; ils se prévalent du fait que leur acte de vente établi le 3 juillet 2000 ne fait pas mention de cette assignation et des désordres susceptibles d'être liés au plancher haut du quatrième étage ; ils estiment que cette information concernant une action en justice aurait dû leur être délivrée en ce qu'il y avait d'importantes probabilités qu'ils aient eux-mêmes à subir des désordres dans leur appartement ; comme le font valoir Jacques X... et la SNC LAURAZUR, au jour de la vente, aucune atteinte au bien vendu n'existait, seule une action référé fondée sur l'article 145 du code de procédure civile avait été initiée par le propriétaire d'un appartement situé au cinquième étage au titre de désordres affectant exclusivement son lot, à l'exclusion des appartements situés au quatrième étage ; la procédure destinée à établir avant tout procès la preuve de faits, dont pourrait dépendre la solution d'un litige, n'impliquait pas, au moment de la vente, le lot vendu aux époux Y..., ce seul moyen est insuffisant pour démontrer le dol des vendeurs, le débouté s'impose ; » (arrêt pages 6 et 7) ;
1°) ALORS QUE le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; qu'en écartant toute réticence dolosive des vendeurs quant à l'existence d'une procédure diligentée à leur encontre par le propriétaire de l'appartement du 5ème étage, au motif inopérant qu'au jour de la vente, aucune atteinte au bien vendu n'existait, et sans rechercher si les vendeurs avaient connaissance de la cause des désordres allégués, en l'occurrence le décloisonnement de tout le quatrième étage et donc du risque, pour l'appartement vendu aux consorts Y...- Z..., de subir des désordres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°) ALORS QUE les consorts Y...- Z... soutenaient que l'expertise judiciaire réclamée par Monsieur A... était susceptible de leur causer un important préjudice, indépendamment des désordres que pouvait subir leur appartement, en ce qu'elle impliquait leur mise en cause ainsi que des mesures d'investigation destructrices, en sorte que les vendeurs avaient commis une réticence dolosive en ne les informant pas de cette procédure ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;"