Distinction entre bail commercial et bail d'habitation : un arrêt sur cette question.
"Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2012), que M. X... est devenu locataire, par suite d'un transfert de bail, d'une maison initialement louée à Mme X... et dans laquelle il a fixé le siège social de la société Les Presses du Midi dont il est le gérant ; que les consorts Y..., propriétaires indivis de la maison, ont délivré à M. X... un congé pour vendre ; que M. X... et la société Les Presses du Midi ont assigné les consorts Y... pour faire juger que le bail litigieux était un bail mixte commercial et d'habitation soumis pour le tout au statut des baux commerciaux ;
Attendu que pour dire que le bail litigieux est un bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, l'arrêt retient que le contrat intitulé " bail de location " a été conclu pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction, que la commune intention des parties était de conclure un bail d'habitation et qu'à la date du contrat les locaux n'étaient pas destinés à l'exploitation d'un fonds de commerce et qu'ainsi les dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce ne peuvent recevoir application ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bail stipulait que le preneur " pourra exercer dans les lieux toutes activités professionnelles, commerciales ou industrielles " et qu'elle constatait qu'un fonds de commerce était exploité dans les lieux, la cour d'appel, qui a dénaturé les clauses du bail, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à M. X... et à la société Les Presses du Midi la somme de 3 000 euros ; rejette la demande des consorts Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Les Presses du Midi
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le bail signé le 3 septembre 1980 et renouvelé par tacite reconduction était un bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, d'avoir déclaré valable le congé délivré par les consorts Y... et d'avoir ordonné l'expulsion de M. X... au terme d'un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat intitulé « bail de location » intervenu entre M. Y... et Mme X... le 3 septembre 1980 porte sur une villa avec jardin sise ... à Toulon, qu'il a été conclu pour une durée de trois années à compter du 1er septembre 1980, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une des parties avec un préavis de six mois, que les lieux ont été utilisés pour l'habitation de M. et Mme X... puis après la séparation du couple pour celle de M. X..., auquel a été attribuée la jouissance du domicile conjugal ; qu'il ressort de ces éléments que la commune intention des parties à l'époque était de conclure un bail d'habitation étant observé qu'à la date du contrat, le bail n'était pas destiné à l'exploitation d'un fonds de commerce et qu'ainsi les dispositions de l'article L. 145- I du code de commerce ne peuvent recevoir application, nonobstant l'autorisation donnée par le bailleur d'une sous-location de tout ou partie de la villa à usage professionnel, commercial ou industriel ou de l'exercice par le preneur dans les lieux loués de ces mêmes activités ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte de la lecture des stipulations du bail que si les parties ont prévu l'autorisation du bailleur de sous-location des lieux dans un but commercial ou l'utilisation par le preneur lui-même des lieux à titre commercial, la volonté des parties était de signer un bail d'habitation dont l'utilisation commerciale n'était qu'une simple tolérance ; que cela résulte également du statut donné aux lieux loués par les preneurs eux-mêmes qui les ont désignés dans le cadre de leur divorce comme étant le domicile conjugal ;
ALORS QUE le contrat de bail du 3 septembre 1980 stipule expressément, en termes clairs et précis, que « le bailleur autorise expressément le preneur à sous-louer pour la durée du bail principal tout ou partie de la villa à toutes personnes physiques ou morales, à usage professionnel, commercial ou industriel et, ou, d'habitation notamment à toutes sociétés dont Edipub, Periopress (¿) » (article 4) et que « le preneur pourra exercer dans les lieux toutes activités professionnelles commerciales et industrielles et notamment toute activité d'édition, de publicité, d'impression et, ou les utiliser à usage d'habitation bourgeoise autre de résidence principale ou secondaire » (article 7) ; qu'en présumant que l'intention des parties avait été de conclure un bail d'habitation pur et simple, la cour d'appel a dénaturé les clauses précitées et la convention des parties, violant ainsi l'article 1134 du code civil."