Voici cette décision :
"LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 mars 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; qu'ils mettent en cause la conformité à la Constitution de son article 16 et de certaines dispositions de son article 6 ; que les députés contestent également la procédure d'adoption de son article 23 et la conformité à la Constitution de ses articles 19 et 92 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 1er et 5 ; que les sénateurs requérants contestent la conformité à la Constitution de l'article 153 et de certaines dispositions de l'article 24 ;
- SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 1er :
2. Considérant que l'article 1er de la loi déférée modifie diverses dispositions de la loi du 6 juillet 1989 susvisée applicables en particulier à la location de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation qui constituent la résidence principale du preneur ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le contrat de location doit être établi par écrit et fixe notamment la liste des mentions et clauses qui doivent y figurer ; que le 3° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de cet article 3 ; que, d'une part, en vertu de cette disposition, le contrat de location « respecte un contrat type défini par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation » ; que, d'autre part, parmi les mentions et clauses qui doivent figurer dans le contrat, sont ajoutées : « 7° Le loyer de référence et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logement et définis par le représentant de l'État dans le département dans les zones où s'applique l'arrêté mentionné au I de l'article 17 ; - 8° Le montant et la date de versement du dernier loyer acquitté par le précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail ; - 9° La nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail » ; que, le cas échéant, le renoncement au bénéfice de la garantie universelle des loyers doit également être mentionné dans le contrat ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 fixe la liste des clauses du contrat de location qui sont réputées non écrites ; que le 7° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée modifie cet article 4 ; que le a) de ce 7° modifie le i) de cet article 4 relatif à l'interdiction des clauses qui autorisent le bailleur à percevoir « des amendes » en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble pour étendre cette interdiction aux clauses qui instituent « des pénalités » ; que le b) de ce 7° modifie le r) de cet article 4, relatif à la clause « qui interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d'une durée supérieure à quarante jours », afin d'abaisser cette dernière à vingt-et-un jours ; que le c) de ce 7° ajoute parmi les clauses réputées non écrites la clause « qui impose au locataire, en surplus du paiement du loyer pour occupation du logement, de souscrire un contrat pour la location d'équipements » ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que la rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leur concours à l'établissement d'un acte de location d'un immeuble appartenant à autrui est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire ; qu'en outre, la seconde phrase du neuvième alinéa de l'article 3 de la même loi prévoit que, pour l'établissement de l'état des lieux « en cas d'intervention d'un tiers, les honoraires négociés ne sont laissés ni directement, ni indirectement à la charge du locataire » ; que le 8° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989 ; que cette rédaction prévoit, en son paragraphe I : « La rémunération des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur concours à l'entremise ou à la négociation d'une mise en location d'un logement, tel que défini aux articles 2 et 25-3, est à la charge exclusive du bailleur, à l'exception des honoraires liés aux prestations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent I.
« Les honoraires des personnes mandatées pour effectuer la visite du preneur, constituer son dossier et rédiger un bail sont partagés entre le bailleur et le preneur. Le montant toutes taxes comprises imputé au preneur pour ces prestations ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions définies par décret. Ces honoraires sont dus à la signature du bail.
« Les honoraires des personnes mandatées pour réaliser un état des lieux sont partagés entre le bailleur et le preneur. Le montant toutes taxes comprises imputé au locataire pour cette prestation ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions définies par décret. Ces honoraires sont dus à compter de la réalisation de la prestation.
« Les trois premiers alinéas du présent I ainsi que les montants des plafonds qui y sont définis sont reproduits, à peine de nullité, dans le contrat de bail lorsque celui-ci est conclu avec le concours d'une personne mandatée et rémunérée à cette fin » ;
6. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions portent une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'elles méconnaîtraient également l'égalité des parties dans les relations contractuelles ;
7. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, si le principe d'égalité devant les charges publiques, qui résulte de l'article 13 de la Déclaration de 1789, n'interdit pas au législateur de mettre à la charge de certaines catégories de personnes des charges particulières en vue d'améliorer les conditions de vie d'autres catégories de personnes, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
9. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a modifié les règles d'ordre public applicables aux relations entre les propriétaires bailleurs et les personnes locataires de leur résidence principale afin d'améliorer l'information de ces dernières au moment de la conclusion du bail et leur protection lors de l'exécution de celui-ci ; qu'il a également entendu renforcer la sécurité juridique des relations contractuelles et faire obstacle à des pratiques abusives ; qu'il a ainsi poursuivi des objectifs d'intérêt général ;
10. Considérant que les dispositions contestées de l'article 1er sont en adéquation avec ces objectifs ; que les atteintes qui en résultent à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de ces objectifs ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte, dans le respect des autres exigences constitutionnelles, des mesures destinées à assurer la protection des locataires dans leurs relations contractuelles avec les bailleurs ; que, par suite, les dispositions contestées de l'article 1er, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 5 :
11. Considérant que l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 est relatif au congé qui peut être donné par le bailleur en raison soit de sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit pour un motif légitime et sérieux, tenant notamment à l'inexécution par le locataire de l'une des obligations qui lui incombent ; que le paragraphe III de cet article 15 dispose que le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans ces conditions « à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 » ; que le deuxième alinéa de ce paragraphe III prévoit, par exception, que ces dispositions ne sont pas applicables « lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance » ;
12. Considérant que le e) du 5° du paragraphe I de l'article 5 de la loi déférée modifie le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'il abaisse de soixante-dix à soixante-cinq ans l'âge du locataire faisant obstacle à la possibilité pour le bailleur de donner congé ; que, s'agissant du plafond des ressources du locataire, il substitue à la référence à « une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance » une référence à « un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement » ; qu'il complète également ce premier alinéa afin de le rendre applicable au cas dans lequel le locataire a à sa charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant les mêmes conditions ; que le g) de ce 5° tire les conséquences de cette modification ;
13. Considérant que le f) de ce même 5° modifie le deuxième alinéa de ce paragraphe III ; qu'il relève de soixante à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel le propriétaire peut s'opposer au renouvellement du contrat ; qu'il détermine un plafond de ressources identique à celui qui s'applique au locataire pour faire obstacle à ce même droit ;
14. Considérant que, selon les députés requérants, la restriction des conditions dans lesquelles le bailleur peut donner congé au locataire porte une atteinte excessive à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle et méconnaît le principe d'égalité ;
15. Considérant, d'une part, que les deux premiers alinéas du e) et le f) du 5° du paragraphe III de l'article 15 ont pour objet d'apporter aux personnes âgées locataires disposant de faibles ressources une protection contre le risque de devoir quitter leur résidence principale et trouver à se reloger en l'absence de reconduction du bail ; que le législateur a toutefois prévu d'écarter cette protection en raison soit de l'âge du bailleur soit de la modicité des ressources de celui-ci ; que, par les dispositions contestées, le législateur a retenu un âge identique de soixante-cinq ans pour le locataire et le bailleur ; que ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
16. Considérant, d'autre part, qu'en adoptant les troisième et quatrième alinéas du e) du 5° du paragraphe I de l'article 5, ainsi que le g) de ce 5°, le législateur a permis que le locataire bénéficie de la protection instituée par le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 lorsqu'il a à sa charge une personne qui vit habituellement dans le logement et remplit les conditions d'âge et de ressources qui y sont fixées ; qu'une telle protection est instituée quelles que soient les ressources du locataire et sans que soit pris en compte le montant cumulé des ressources du locataire et de celles de la personne qui est à sa charge ; qu'en étendant le bénéfice de la protection instituée par le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 précité sans modifier les conditions de prise en compte des ressources des personnes qui en bénéficient, le législateur a permis que, dans certains cas, le propriétaire supporte une charge disproportionnée à l'objectif poursuivi ; que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, les troisième et quatrième alinéas du e) du 5° du paragraphe I de l'article 5, ainsi que le g) de ce 5° doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
- SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 6 :
17. Considérant que l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 est relatif au loyer des logements ; qu'il dispose que le montant du loyer est « fixé librement entre les parties » et prévoit les limitations ainsi que les exceptions à ce principe ;
18. Considérant que le 2° du paragraphe I de l'article 6 de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de cet article 17 afin d'instaurer un encadrement des prix des loyers dans les « zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social » ; qu'aux termes du deuxième alinéa du paragraphe I de cet article 17 ainsi modifié : « Dans ces zones, le représentant de l'État dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique » ;
19. Considérant que le premier alinéa du A du paragraphe II de ce même article prévoit que le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du bail, dans la limite du loyer de référence majoré ; qu'il permet également au locataire d'engager une action en diminution de loyer si le loyer de base prévu dans le bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature du contrat ;
20. Considérant que le B de ce même paragraphe II permet qu'un complément de loyer exceptionnel soit appliqué au loyer de base « pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique » ; qu'il fixe les conditions et les modalités selon lesquelles ce complément de loyer peut être appliqué et, le cas échéant, contesté par le locataire ;
21. Considérant que, selon les requérants, ce dispositif porte une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'il serait en outre impropre à atteindre l'objectif poursuivi de baisse des loyers ; que les sénateurs font valoir en outre que la complexité du dispositif ne permettra pas de suivre précisément les évolutions du marché locatif de sorte que ce dispositif d'encadrement aura pour seul effet de « rigidifier » ce marché ; qu'ils soutiennent également que l'application immédiate de ce dispositif aux contrats de location en cours porte atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues ;
22. Considérant, d'une part, qu'en instaurant un mécanisme d'encadrement des loyers applicable à certaines zones urbanisées marquées par un déséquilibre de l'offre et de la demande de logements entraînant une hausse des loyers, le législateur a entendu lutter contre les difficultés d'accès au logement qui résultent d'un tel déséquilibre ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ;
23. Considérant, d'autre part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ;
24. Considérant que le dispositif résultant des dispositions contestées ne peut être mis en oeuvre que dans certaines zones urbaines qui se caractérisent par un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements entraînant, compte tenu de son effet sur le montant des loyers, des difficultés sérieuses d'accès au logement ; que le législateur a défini ces zones en des termes identiques à ceux qui définissent les zones dans lesquelles, en application de l'article 232 du code général des impôts, la taxe sur les logements vacants peut être instituée ;
25. Considérant que le loyer de référence, exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, sera fixé par catégorie de logement et par secteur géographique ; qu'en application du troisième alinéa de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés « en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers » prévu à l'article 16 de cette même loi ; qu'il appartiendra à l'autorité administrative de définir, sous le contrôle de la juridiction compétente, les catégories de logement et les secteurs géographiques avec une précision suffisante pour permettre que la définition du loyer de référence soit en adéquation avec l'ensemble des caractéristiques qui déterminent habituellement la fixation du montant du loyer ;
26. Considérant qu'un complément de loyer « exceptionnel » peut être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur » par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ; que, toutefois, en réservant la faculté d'un complément de loyer à des caractéristiques « exceptionnelles », le législateur a entendu interdire qu'un tel complément de loyer puisse être appliqué du seul fait que le logement présente des caractéristiques déterminantes pour la fixation du loyer qui ne sont pas prises en compte par la définition précitée des catégories de logements et des secteurs géographiques ; qu'il a ainsi porté à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ; que, par suite, aux premier à cinquième alinéas, ainsi qu'aux septième et huitième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de l'article 6, le mot « exceptionnel » doit être déclaré contraire à la Constitution ; qu'il en va de même des mots « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur », figurant aux premier et sixième alinéas de ce même B ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la référence au caractère exceptionnel du complément de loyer figurant à l'article 25-9 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction résultant de l'article 8 ;
27. Considérant en outre, que le cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17 dispose que chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré est fixé par majoration et par minoration du loyer de référence « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés » ; qu'ainsi, ces dispositions permettent que la marge de liberté pour la fixation du montant du loyer soit plus ou moins grande selon que les loyers constatés pour la même catégorie de logements dans un même secteur géographique sont plus ou moins dispersés ; qu'en permettant que les conditions d'exercice de la liberté contractuelle varient sur le territoire national en fonction d'un tel critère, indépendant de celui des catégories de logement et des secteurs géographiques, le législateur a méconnu le principe d'égalité ; que, par suite, au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17, les mots « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l'observatoire local des loyers » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, au septième alinéa, les mots : « ne peut être fixé » et, au huitième alinéa, les mots « ne peut être fixé à un montant supérieur » doivent être remplacés par les mots « est égal » ;
28. Considérant que, pour le surplus, il résulte de ce qui précède que le dispositif d'encadrement instauré par les dispositions contestées de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 issues de l'article 6 de la loi déférée ne porte pas au droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ;
29. Considérant, enfin, qu'il ressort de l'article 14 de la loi déférée que les dispositions contestées de l'article 6 ne s'appliqueront pas aux baux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi, y compris s'ils ont fait l'objet d'une reconduction tacite après cette entrée en vigueur ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que les conditions d'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 porteraient atteinte aux conventions légalement conclues ;
30. Considérant que, pour le surplus, l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de l'article 6, ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 16 :
31. Considérant qu'afin de limiter la transformation de locaux d'habitation en locaux à usage de bureaux ou en locaux meublés touristiques, le législateur a institué, dans les communes visées aux articles L. 631-7 et L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, un régime d'autorisation de changement d'usage ; qu'il a confié au maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble le soin de délivrer cette autorisation qui peut être subordonnée, en vertu de l'article L. 631-7-1 du même code, à une « compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage » ; qu'en vertu des mêmes dispositions, l'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel et cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, à l'exercice professionnel du bénéficiaire ; que toutefois lorsqu'elle est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne ; qu'il appartient au conseil municipal ou, si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, à l'organe délibérant de cet établissement de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations ; qu'il leur appartient également de déterminer « les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements » ; que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit que « toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros » ; que le produit de cette amende est intégralement versé à l'agence nationale de l'habitat ;
32. Considérant que l'article 16 de la loi déférée modifie la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation intitulée « Changements d'usage et usages mixtes des locaux d'habitation » ; que le 1° de l'article 16 complète l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation par un alinéa aux termes duquel « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article » ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 631-7, les dispositions de la section 2 sont applicables aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; qu'en vertu du 3° de l'article 16 qui donne une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 631-9 du même code, les dispositions de l'article L. 631-7 « peuvent être rendues applicables par décision de l'autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l'article 232 du code général des impôts, par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal » ;
33. Considérant que le 2° de l'article 16 insère après l'article L. 631-7 un article L. 631-7-1 A relatif au « régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ; que le législateur confie au conseil municipal ou, si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, à l'organe délibérant de cet établissement, le soin de définir les conditions de délivrance de cette autorisation temporaire par le maire ; que la délibération détermine aussi « les critères de cette autorisation temporaire, qui peuvent porter sur la durée des contrats de location, sur les caractéristiques physiques du local ainsi que sur sa localisation en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements » ; que « ces critères peuvent être modulés en fonction du nombre d'autorisations accordées à un même propriétaire » ;
34. Considérant que, selon les sénateurs requérants, l'article 16, tant par l'application du régime d'autorisation préalable de changement d'usage à la location de meublés de courte durée que par la mise en place d'un régime d'autorisation temporaire pour ce type de location, fait peser sur les propriétaires une contrainte excessive et disproportionnée au regard des motifs d'intérêt général poursuivis ; qu'ils soutiennent également qu'en ne prévoyant pas de dispositif transitoire approprié, le législateur porte atteinte à l'exigence de garantie des droits posée à l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'enfin, en ne précisant pas dans quelles conditions l'autorisation temporaire cesse de produire ses effets, l'article 16 de la loi serait contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que les députés requérants soutiennent que cet article porte, en outre, atteinte à la liberté contractuelle ;
35. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
36. Considérant que, par les dispositions contestées qui complètent l'article L. 631-7, le législateur a soumis au régime de l'autorisation préalable de changement d'usage le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation, dès lors que cette location est faite de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ; que la location d'un local meublé destiné à l'habitation qui ne répond pas à l'une de ces conditions, notamment lorsque le logement est loué dans les conditions fixées par l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, n'entre donc pas dans le champ d'application du régime de l'autorisation de changement d'usage institué par ces dispositions ;
37. Considérant que l'article L. 631-7-1 A, inséré dans le code de la construction et de l'habitation par l'article 16 de la loi, prévoit « un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ; qu'il appartient au conseil municipal ou à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme de définir les modalités de délivrance de cette autorisation, ainsi que les critères de celle-ci ; qu'il lui appartient également de préciser les conditions dans lesquelles cette autorisation temporaire cesse de produire effet ; qu'une telle autorisation, à la différence de celle prévue à l'article L. 631-7, ne peut voir sa délivrance subordonnée à « une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage » ;
38. Considérant, en outre, que le législateur a prévu que, lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, celui-ci ne doit pas solliciter d'autorisation de changement d'usage prévue soit à l'article L. 631-7 soit à l'article L. 631-7-1 A pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ;
39. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu préciser le champ d'application d'un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et définir certaines exceptions en faveur des bailleurs ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ;
40. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ;
41. Considérant que les dispositions de l'article 16 de la loi sont en adéquation avec l'objectif poursuivi ; que les atteintes qui en résultent à l'exercice du droit de propriété ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de cet objectif ;
42. Considérant qu'en l'absence de délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 631-7-1 A définissant un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage, les locations pour de courtes durées à une clientèle de passage entrent dans le champ d'application des dispositions de droit commun des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 ; qu'en ne prévoyant pas de dispositif transitoire, le législateur, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, n'a méconnu aucune exigence constitutionnelle ;
43. Considérant que, par suite, les dispositions de l'article 16 qui ne sont entachées d'aucune inintelligibilité et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 19 :
44. Considérant que l'article 19 de la loi insère dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 631-7-1 B qui permet à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble relevant du statut de la copropriété de décider, à la majorité définie à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, de soumettre à son accord préalable, à la majorité définie à l'article 24 de cette loi, « toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » ; que ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à l'autorisation temporaire mentionnée à l'article L. 631-7-1 A ;
45. Considérant que les députés requérants soutiennent que l'article 19 porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle ;
46. Considérant qu'il appartient au législateur compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les droits de la copropriété d'un immeuble bâti sans porter d'atteinte injustifiée aux droits des copropriétaires ;
47. Considérant que le législateur, afin de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location, a permis à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble de décider, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de soumettre discrétionnairement à son accord préalable, et sans préjudice des pouvoirs conférés à l'autorité administrative par les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, « toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » ; qu'il a ainsi, dans des conditions contraires à l'article 2 de la Déclaration de 1789, permis à l'assemblée générale des copropriétaires de porter une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires ;
48. Considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, que l'article 19 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 23 :
49. Considérant que les députés requérants contestent la procédure d'adoption de l'article 23 de la loi déférée ; qu'ils font valoir qu'en ayant modifié de façon substantielle le dispositif de cet article lors de la deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, sans étude d'impact, le législateur aurait méconnu les exigences de l'article 39 de la Constitution relatives à la présentation d'une étude d'impact ainsi que les principes de clarté et de sincérité des débats parlementaires ;
50. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » ; qu'aux termes de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ;
51. Considérant qu'aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement » ;
52. Considérant que le projet de loi comportait lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, un article 8 relatif à la création d'une agence de la garantie universelle des loyers ;
53. Considérant, d'une part, que l'amendement introduit en deuxième lecture à l'Assemblée nationale qui a procédé à la réécriture de l'article 8 du projet de loi pour prévoir le nouveau régime juridique de « garantie universelle des loyers » a été déposé par le Gouvernement dans l'exercice du droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution ; que, dès lors, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives aux conditions de présentation des projets de loi ;
54. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des travaux parlementaires que la procédure d'adoption de l'article 8, devenu l'article 23, n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité des débats et n'a porté atteinte à aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats doit être rejeté ;
55. Considérant que, par suite, l'article 23 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 24 :
56. Considérant que l'article 24 est relatif aux conditions d'exercice des activités d'entremise et de gestion immobilières régies par la loi du 2 janvier 1970 susvisée ; que les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 imposent une clause d'exclusivité d'une durée limitée dans la convention conclue entre la personne se livrant à la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis et le propriétaire du bien inscrit sur la liste ou le fichier ou le titulaire de droits sur ce bien ;
57. Considérant que les sénateurs requérants contestent les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 ; qu'ils font valoir qu'en imposant une clause d'exclusivité pour les « vendeurs de listes immobilières », ces dispositions portent atteinte à la liberté contractuelle ainsi qu'à la liberté d'entreprendre ; qu'en imposant un traitement différent de ces professionnels immobiliers et des autres professionnels immobiliers, elles porteraient également atteinte à l'égalité devant la loi ;
58. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe VI de l'article 24 prévoit que les dispositions de son paragraphe I ne s'appliquent qu'aux contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de la loi ; que, par suite, les dispositions contestées ne portent pas d'atteinte aux contrats légalement conclus entre les « vendeurs de listes immobilières » et les propriétaires avant la date de l'entrée en vigueur de la loi ;
59. Considérant, en deuxième lieu, que ces dispositions ont uniquement pour objet de prévoir de nouvelles obligations lors de la conclusion de telles conventions, sans restreindre la possibilité pour les parties de conclure ces conventions ; que les griefs tirés de l'atteinte au principe de la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle doivent être écartés ;
60. Considérant, en troisième lieu, que les « vendeurs de listes immobilières » exercent une activité distincte de celle des autres professionnels immobiliers ; qu'en réservant l'application des dispositions contestées à ces seuls « vendeurs de listes immobilières », le législateur n'a pas traité différemment des personnes placées dans la même situation ; que le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;
61. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 92 :
62. Considérant que l'article 92 de la loi complète le titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation par un chapitre V intitulé « Autorisation préalable de mise en location » qui comprend les articles L. 635-1 à L. 635-11 ;
63. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 635-1 du code de la construction et de l'habitation permet à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, au conseil municipal de « délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé » ; qu'en vertu du paragraphe II de l'article L. 635-1, pour chacune des zones qu'elle délimite, la délibération peut fixer les catégories et les caractéristiques des logements soumis à autorisation préalable ;
64. Considérant que l'article L. 635-3 du code de la construction et de l'habitation subordonne à la délivrance d'une autorisation par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, ou à défaut par le maire de la commune, la mise en location d'un logement situé dans les zones soumises à autorisation préalable de mise en location ;
65. Considérant que l'article L. 635-4 du même code prévoit les modalités de présentation de la demande d'autorisation et de délivrance de celle-ci ; qu'en particulier, il précise que le silence gardé par l'autorité compétente vaut autorisation de mise en location, « à défaut de notification d'une décision expresse dans un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation » ; qu'aux termes du dernier alinéa, « l'autorisation préalable de mise en location doit être renouvelée à chaque nouvelle mise en location » ;
66. Considérant que l'article L. 635-7 du même code prévoit que des amendes peuvent être infligées en cas de non-respect des dispositions relatives à la demande d'autorisation de mise en location ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 635-7, le représentant de l'État dans le département peut « ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 5 000 euros » lorsqu'une personne met en location un logement sans en avoir demandé l'autorisation ; que le montant maximal de cette amende est porté à 15 000 euros en cas de nouveau manquement dans les trois ans ; que le représentant de l'État dans le département peut également « ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 euros » lorsqu'une personne met un logement en location en méconnaissance d'un rejet de sa demande d'autorisation de mise en location ; que, dans chaque cas, l'intéressé est informé de la possibilité de présenter des observations dans un délai déterminé ;
67. Considérant que les députés requérants soutiennent que l'article 92 porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle ;
68. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ;
69. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
70. Considérant que les zones dans lesquelles l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le conseil municipal peut instituer une autorisation préalable de mise en location sont « délimitées au regard de l'objectif de lutte contre l'habitat indigne et en cohérence avec le programme local de l'habitat en vigueur et le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées » ; que ces zones peuvent concerner un ou plusieurs ensembles immobiliers sur un territoire « présentant une proportion importante d'habitat dégradé » ; qu'il ressort des débats parlementaires qu'en prévoyant cette procédure d'autorisation préalable de mise en location dans ces zones ainsi délimitées, le législateur a entendu permettre aux autorités locales compétentes de prévenir la location de biens susceptibles de porter atteinte à la salubrité publique ainsi qu'à la sécurité des occupants de ces biens ;
71. Considérant que, dans ces zones, l'autorité locale compétente ne peut refuser l'autorisation de mise en location ou la soumettre à condition que lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité de ses occupants et à la salubrité publique ; que la décision rejetant la demande d'autorisation doit alors préciser la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité ; qu'en l'absence de décision expresse dans le délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation, le silence gardé par l'autorité compétente vaut autorisation de mise en location ; que le défaut de demande d'autorisation avant la mise en location, ainsi que la mise en location en méconnaissance du rejet de la demande d'autorisation sont punis d'une amende proportionnée à la gravité des manquements constatés ;
72. Considérant que, par les dispositions contestées, qui contribuent à mettre en oeuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, le législateur n'a pas porté aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard du but recherché ; qu'il n'a pas davantage méconnu les exigences constitutionnelles découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 dont résulte la liberté contractuelle ;
73. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 92 doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 153 :
74. Considérant que l'article 153 complète l'article 1861 du code civil pour imposer que la cession de la majorité des parts sociales d'une société civile immobilière remplissant certaines conditions soit constatée par un acte reçu en la forme authentique ou par un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l'expertise comptable ;
75. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions, en confondant l'acte sous seing privé contresigné par un avocat et celui contresigné par un professionnel de l'expertise comptable, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et portent atteinte à la sécurité juridique ; qu'en renvoyant aux conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi du 31 décembre 1971, applicable aux avocats, pour définir l'acte sous seing privé contresigné par un professionnel de l'expertise comptable, le législateur aurait également méconnu l'étendue de sa compétence ;
76. Considérant que l'article 153 a été introduit par amendement en première lecture à l'Assemblée nationale ; qu'il modifie des dispositions relatives aux actes qui doivent être accomplis par des officiers publics ou des membres des professions réglementées ; que ces dispositions ne présentent pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial ; qu'elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs soulevés par les sénateurs requérants, l'article 153 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
77. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové:
- les troisième et quatrième alinéas du e) et le g) du 5° du paragraphe I de l'article 5 ;
- au 2° du paragraphe I de l'article 6, les mots : « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l'observatoire local des loyers » figurant au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ; en conséquence, au septième alinéa du paragraphe I de ce même article 17, les mots : « ne peut être fixé » et, au huitième alinéa, les mots : « ne peut être fixé à un montant supérieur » doivent être remplacés par les mots : « est égal » ;
- à l'article 6, le mot : « exceptionnel » figurant aux premier à cinquième alinéas, aux septième et huitième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ainsi qu'au premier alinéa du paragraphe I de l'article 17-2 de cette même loi ;
- au 2° du paragraphe I de l'article 6, les mots : « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur », figurant aux premier et sixième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
- à l'article 8, le mot : « exceptionnel » figurant au troisième alinéa du paragraphe I de l'article 25-9 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
- l'article 19 ;
- l'article 153.
Article 2.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové :
- au 3° du paragraphe I de l'article 1er, l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
- aux 7° et 8° du paragraphe I de l'article 1er, les modifications apportées aux articles 4 et 5 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
aux e) et f) du 5° du paragraphe I de l'article 5, le surplus des modifications apportées à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
- au 2° du paragraphe I de l'article 6, le surplus de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ;
- l'article 16 ;
- au d) du 8° du paragraphe I de l'article 24, les modifications apportées au paragraphe I de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;
- l'article 92.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mars 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d' ESTAING et Mme Nicole MAESTRACCI."