Voici un cas de responsabilité du notaire qui n'avait pas procédé à l'encaissement d'un chèque qui aurait permis d'honorer une clause pénale :
«Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 septembre 2012), que par acte du 21 octobre 1995, rédigé par M. X..., notaire, Mme Y... a consenti à M. Z... une promesse de vente d'un bien immobilier, sous diverses conditions suspensives ; que M. Z... a remis au notaire un chèque d'un montant égal à la somme prévue par la clause pénale en cas de refus de régularisation de la vente ; qu'à défaut d'authentification, Mme Y..., qui n'a pu obtenir l'exécution du jugement irrévocable condamnant M. Z... au paiement du montant de la clause pénale, a assigné M. X... en indemnisation, lui reprochant d'avoir omis de procéder à l'encaissement du chèque et ainsi manqué à son obligation d'assurer la sécurité juridique de l'acte auquel il avait prêté son concours ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité et de le condamner au paiement d'une indemnité égale au montant de la clause pénale, alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire ne peut être responsable, serait-ce en qualité de séquestre conventionnel, que du préjudice résultant directement du manquement qui lui est imputé ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'importance du prêt que M. Z... devait obtenir laissait « présumer que le chèque de 450 000 euros n'était pas provisionné », en sorte qu'il n'était pas établi que, dans l'hypothèse même où il l'aurait présenté à l'encaissement, le notaire aurait pu percevoir ce montant ; qu'en retenant néanmoins qu'en s'abstenant de présenter ce chèque à l'encaissement, le notaire avait privé Mme Y... de son montant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1147, 1956 et 1958 du code civil ;
2°/ que le séquestre conventionnel ne doit conserver et administrer la chose confiée que dans la mesure que commandent la nature de celle-ci et l'étendue de sa mission, en sorte que, aurait-il manqué à son obligation de mettre un chèque à l'encaissement, le dépositaire chargé du séquestre ne peut être tenu de restituer une somme qu'il n'a jamais eue en sa détention, mais seulement de réparer le préjudice résultant, pour la partie bénéficiaire du séquestre, de la perte d'une chance d'obtenir le paiement de ce chèque ; qu'en retenant que le préjudice subi par Mme Y... ne consistait pas seulement dans la perte d'une chance d'obtenir le paiement du chèque et en condamnant le notaire, qui en aurait été institué séquestre conventionnel, à lui payer l'intégralité du montant de ce chèque, la cour d'appel a violé les articles 1147, 1956 et 1958 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que si l'importance du montant du prêt pouvait faire douter de la solvabilité de l'acquéreur, la preuve du défaut de provision du chèque litigieux lors de son émission n'était pas rapportée, la cour d'appel a pu en déduire que le notaire, en s'abstenant de présenter ledit chèque à l'encaissement ou d'en vérifier la provision, avait privé la clause pénale de toute efficacité et ainsi commis une faute professionnelle en relation directe avec le dommage subi par Mme Y... ; qu'ensuite, l'arrêt, qui retient la responsabilité professionnelle du notaire, se borne à condamner celui-ci à réparer le préjudice qui en est résulté ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros :
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait qui fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de son appel, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que M. X... avait commis une faute professionnelle qui engageait sa responsabilité et qu'il devait réparer le préjudice causé à Mme Y... et d'AVOIR condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 450 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le chèque remis à M. X... est présumé garantir le montant de la « clause pénale », le compromis ne prévoyant aucun versement à un autre titre et M. X..., agissant dans l'intérêt commun des parties comme indiqué au compromis, doit être considéré comme un séquestre de ces fonds ; que M. Z... n'a entrepris aucune démarche pour obtenir le prêt bancaire prévu au compromis et que la condition suspensive était réputée accomplie par application de l'article 1178 du Code civil ; que l'importance de ce prêt, dépassant le prix de vente de 1 600 000 €, laisse présumer que le chèque de 450 000 € n'était pas provisionné ; qu'en gardant ce chèque par devers lui sans l'encaisser aux fins de consignation, ni même vérifier qu'il était provisionné, M. X... n'a pas assuré l'efficacité de la clause pénale stipulée dans l'acte ; que la créance de Mme Y... à l'encontre de M. Z... a été définitivement fixée à 450 000 € au titre de la clause de dédit ; que M. Z... est insolvable et n'est pas en mesure d'exécuter le jugement du 24 décembre 2007, sa société Z... Habitat ayant en outre été mise en liquidation judiciaire ; que le préjudice de la demanderesse est certain et ne résulte pas seulement d'une perte de chance d'appréhender les fonds que le notaire était censé détenir et qui devaient lui revenir ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la demanderesse est fondée à réclamer à M. X..., dont la faute est à l'origine de son préjudice, la réparation intégrale de celui-ci qui est constitué par la privation de la somme de 450 000 € portée sur le chèque ;
1°) ALORS QUE le notaire ne peut être responsable, serait-ce en qualité de séquestre conventionnel, que du préjudice résultant directement du manquement qui lui est imputé ; qu'il résulte des propres constatations que l'arrêt que l'importance du prêt que M. Z... devait obtenir laissait « présumer que le chèque de 450 000 € n'était pas provisionné », en sorte qu'il n'était pas établi que, dans l'hypothèse même où il l'aurait présenté à l'encaissement, le notaire aurait pu percevoir ce montant ; qu'en retenant néanmoins qu'en s'abstenant de présenter ce chèque à l'encaissement, le notaire avait privé Mme Y... de son montant, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1147, 1956 et 1958 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le séquestre conventionnel ne doit conserver et administrer la chose confiée que dans la mesure que commandent la nature de celle-ci et l'étendue de sa mission, en sorte que, aurait-il manqué à son obligation de mettre un chèque à l'encaissement, le dépositaire chargé du séquestre ne peut être tenu de restituer une somme qu'il n'a jamais eue en sa détention, mais seulement de réparer le préjudice résultant, pour la partie bénéficiaire du séquestre, de la perte d'une chance d'obtenir le paiement de ce chèque ; qu'en retenant que le préjudice subi par Mme Y... ne consistait pas seulement dans la perte d'une chance d'obtenir le paiement du chèque et en condamnant le notaire, qui en aurait été institué séquestre conventionnel, à lui payer l'intégralité du montant de ce chèque, la Cour d'appel a violé les articles 1147, 1956 et 1958 du Code civil.»