La question d'un parlementaire :
M. Sébastien Denaja attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur les problèmes que posent les liquidations de sociétés suivies d'une nouvelle création, principalement dans le domaine du bâtiment. Ces pratiques se formalisent par la création d'une nouvelle structure pour la même activité et avec les mêmes responsables, tout en effaçant les résultats de l'activité précédente et ce malgré le fait qu'elle ait pu entraîner des préjudices tels que les « malfaçons ». Or des milliers de victimes portent plainte et s'opposent à des compagnies d'assurance de sociétés fantômes pendant que ces mêmes sociétés, elles, ne sont pas inquiétées. En effet, ces entreprises ne sont pas dans l'obligation d'assurer la continuité de leurs services et pour certaines, seul le gros œuvre est assuré par leur police d'assurance qui ne couvre alors aucune autre prestation. Ces personnes victimes de malfaçons sur la construction de leur habitation mettent donc le doigt sur l'existence d'un véritable vide juridique. Aussi, il lui demande quelles mesures elle entend mettre en place afin que les artisans et les constructeurs soient soumis à leurs obligations contractuelles et soient responsables devant la loi pour des défauts d'assurance ou des manquements graves quant à l'exécution des constructions qu'ils ont réalisées.
La réponse du ministre :
Les dispositions applicables aux travaux réalisés dans le domaine du bâtiment sont nombreuses : garantie de parfait achèvement, garantie biennale, garantie décennale, responsabilité de droit commun, etc. Quel que soit le type de travaux réalisés, le particulier qui a fait réaliser de tels travaux peut solliciter le paiement d'une indemnisation selon les règles applicables à la procédure collective. Lorsque les travaux réalisés sont couverts par la garantie décennale prévue aux articles 1792 et suivants du code civil, le particulier dispose toutefois d'un recours à l'encontre de l'assureur de celui qui a exécuté les travaux. L'article L. 241-1 du code des assurances fait en effet obligation à toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, d'être couverte par une assurance, dont l'article annexe I article A. 243-1 du code des assurances définit les clauses obligatoires. Elle doit être en mesure d'en justifier à l'ouverture de tout chantier. Dans ces conditions, la victime d'un dommage dispose d'un recours à l'encontre de l'assureur de celui qui a causé le dommage. Ce recours est prévu par l'article L. 124-3 du code des assurances aux termes duquel le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 mai 2004, a jugé que la victime d'un dommage ayant un droit exclusif sur l'indemnité due par l'assureur de l'auteur responsable, n'est pas tenue de se soumettre à la procédure de vérification de créance pour faire reconnaître, dans son principe et dans son étendue, la responsabilité de l'assuré ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire et peut demander paiement à l'assureur par la voie de l'action directe (Civ. 3e 12 mai 2004, n° 01-12.293). Le gérant qui ne souscrit pas à cette assurance obligatoire commet une faute constitutive d'un délit pénal (article L. 243-3 du code des assurances) et engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers auxquels cette faute a porté préjudice (Com. 28 septembre 2010, n° 09-66.255). Il en résulte que le maître de l'ouvrage dont le chantier a commencé alors que la société en charge des travaux n'était pas couverte par une assurance peut solliciter l'indemnisation des malfaçons auprès du gérant de ladite société alors que celle-ci a été ensuite placée en liquidation judiciaire. Les pratiques décrites dans la question sont très préjudiciables à nos concitoyens contraints d'intenter des procédures complexes, longues et coûteuses. Il convient dans un premier temps de prendre la mesure de ces pratiques puis le cas échéant de déterminer les moyens les mieux à même d'y mettre fin.