Un arrêt sur la distinction entre le mandat de recherche et le mandat de négociation de l'agent immobilier :
(Sur la commission de l'agent immobilier voyez mon site : Tout savoir sur la commission de l'agent immobilier)
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2012), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1ère, 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-14. 143), que souhaitant négocier par l'entremise d'un professionnel l'acquisition d'un domaine agricole et viticole appartenant aux consorts X..., que ceux-ci ne proposaient pas à la vente, les époux Y...ont confié à la société Agence Z..., le 28 mars 2002, " un mandat de recherche sans exclusivité d'un bien à acquérir ", à un certain prix tous frais compris, pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction jusqu'au 28 mars 2003 au plus tard, aux termes duquel ils s'interdisaient, pendant le cours du mandat et durant les dix-huit mois suivant son expiration ou sa résiliation, de traiter directement ou indirectement avec un vendeur présenté par le mandataire ; qu'ayant décliné l'offre d'achat des époux Y..., valable deux mois, élaborée avec le concours de l'agence le 4 mars 2002, les consorts X...ont émis une offre de vente à un prix supérieur que l'intermédiaire a notifiée à ses mandants le 7 mai suivant ; qu'informée que la vente avait été conclue directement entre les parties aux conditions de cette offre de vente le 5 décembre 2003, puis réitérée en la forme authentique le 14 janvier 2004, l'agence a assigné ses mandants ainsi que la société qu'ils s'étaient substituée, en paiement de la commission forfaitaire convenue " en cas de réalisation de la vente avec un vendeur présenté par l'agence ", et subsidiairement d'une indemnité compensatrice égale au montant cette commission ;
Attendu que M. et Mme Y...et la société Domaine des Roches font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Agence Z... la somme de 42 391 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2004 correspondant au montant de sa commission, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le mandant a donné à un mandataire le mandat non exclusif de rechercher un bien, il n'est tenu de payer une rémunération qu'à l'agent immobilier par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue, au sens de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, et cela même si le bien a été effectivement présenté par le mandataire initial ; que la cour d'appel a constaté que la société Agence Z... n'avait pas présenté le bien litigieux aux époux Y...qui connaissaient antérieurement les vendeurs et que la vente avait été faite après l'expiration de mandat donné à l'agence Z... pour un prix plus élevé et en dehors de toute entremise de celle-ci ; qu'en disant que M. et Mme Y...devaient payer à la société Agence Z... une somme correspondant au montant de sa commission au motif inopérant que le mandat portait sur le seul bien susceptible de faire l'objet de la vente pour laquelle les acquéreurs avaient fait appel à l'entremise de l'agent immobilier qui aurait permis la réussite de l'opération en engageant le rapprochement des parties, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
2°/ que lorsque le mandant a donné à un mandataire le mandat non exclusif de rechercher un bien, il n'est tenu de payer une rémunération qu'à l'agent immobilier par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue, au sens de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, et cela même si le bien a été effectivement présenté par le mandataire initial, sauf à ce dernier à prétendre à l'attribution de dommages-intérêts en prouvant une faute du mandant qui, par abus de sa part et compte tenu des diligences accomplies, aurait privé le mandataire de la réalisation de l'opération ; que la cour d'appel a constaté que la société Agence Z... n'avait pas présenté le bien litigieux aux époux Y...qui connaissaient antérieurement les vendeurs et que la vente avait été faite après l'expiration de mandat donné à l'agence Z... pour un prix plus élevé et en dehors de toute entremise de celle-ci ; qu'en disant que M. et Mme Y...devaient payer à la société Agence Z... une somme correspondant au montant de sa commission sans caractériser une quelconque faute ou abus de la part de l'acheteur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que les juges du fond ne sauraient méconnaître les termes clairs et précis des conventions conclues entre les parties ; qu'aux termes du mandat de recherche conclu entre M. et Mme Y...et la société Agence Z... « le mandant s'interdit de traiter directement ou indirectement pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements ainsi que pendant les dix-huit mois suivant l'expiration ou la résiliation de celui-ci avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire » ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que les époux Y...étaient tenus de payer une somme équivalente à la commission à l'agent immobilier, que si le bien ne leur avait pas été présenté par celui-ci, le mandat portait sur le seul bien susceptible de faire l'objet de la vente pour laquelle l'acquéreur avait fait appel à l'entremise de l'agent immobilier et que la recherche de la commune
intention des parties permettait d'analyser la mission de l'agence, qui avait permis la réussite de l'opération, en engageant le rapprochement des parties, non pas comme une présentation d'un bien à vendre mais comme la négociation d'une opération immobilière, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du mandat et a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le mandat de recherche portait sur un bien déterminé que les époux Y...convoitaient depuis plusieurs années, qui constituait le seul objet possible de l'acquisition à laquelle l'agence Z... avait reçu mission de s'entremettre, et retenu, hors toute dénaturation des conditions générales de ce mandat, que cette mission recouvrant non pas la présentation d'un bien à vendre mais la négociation de cette opération immobilière, avait été conduite avec succès par l'agence dont l'entremise avait permis le rapprochement des parties, ce dont il résultait que son intervention avait été déterminante, la cour d'appel, a pu en déduire qu'en concluant ultérieurement la vente au mépris de l'interdiction de négociation directe qui les frappaient encore, pour une durée qui n'avait rien d'abusif, les mandants avaient manqué à leurs obligations contractuelles en privant l'intermédiaire de la réalisation de l'acquisition dont ils l'avait chargé, justifiant ainsi légalement sa décision d'accorder à ce dernier une indemnité compensatrice de la commission dont cette faute l'avait privée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y...et la société Domaine des Roches aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y...et de la société Domaine des Roches ; les condamne in solidum à payer à la société Agence Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y...et la société Domaine des Roches
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur et Madame Y...et la SCA Domaine des Roches à payer à la Société Agence Z... la somme de 42 391 , avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2004 correspondant au montant de sa commission ;
AUX MOTIFS QU'« aux conditions générales du mandat, les parties ont stipulé que " le mandant s'interdit de traiter directement ou indirectement pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements ainsi que pendant les 18 mois suivant l'expiration ou la résiliation de celui-ci avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire " ; qu'en fait, la date ultime de validité du mandat ayant été fixée par les parties au 28 mars 2003, l'acte authentique de vente a été passé le 14 janvier 2004, aux prix principal de 1 524 490 euros ; que certes, le bien convoité par les époux Y...depuis 1999, de l'aveu propre d'Yves Z..., fondateur de l'agence, contenu dans son attestation du 15 février 2005, ne leur a pas été présenté par l'agent immobilier ; que le mandat porte sur le seul bien susceptible de faire l'objet de la vente pour laquelle l'acquéreur a fait appel à l'entremise de l'agent immobilier, la recherche de la commune intention des parties, préconisée par l'article 1156 du code civil, permet d'analyser la mission de l'agence qui a permis la réussite de l'opération en engageant le rapprochement des parties, non pas comme une présentation d'un bien mais comme la négociation d'une opération immobilière ; que la demande de dommages-et-intérêts compensatoires de la perte de commission ne constitue pas une demande nouvelle mais un changement de moyen sur lequel se fonde la demande en paiement ; qu'ainsi, la réalisation de l'opération, au mépris de l'interdiction frappant l'acquéreur qui n'a rien d'abusif, justifie le versement à l'agent immobilier d'une somme équivalente au montant de sa commission. »
1°/ ALORS QUE lorsque le mandant a donné à un mandataire le mandat non exclusif de rechercher un bien, il n'est tenu de payer une rémunération qu'à l'agent immobilier par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue, au sens de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, et cela même si le bien a été effectivement présenté par le mandataire initial ; que la cour d'appel a constaté que la Société Agence Z... n'avait pas présenté le bien litigieux aux époux Y...qui connaissaient antérieurement les vendeurs et que la vente avait été faite après l'expiration de mandat donné à l'agence Z... pour un prix plus élevé et en dehors de toute entremise de celle-ci ; qu'en disant que Monsieur et Madame Y...devaient payer à la Société Agence Z... une somme correspondant au montant de sa commission au motif inopérant que le mandat portait sur le seul bien susceptible de faire l'objet de la vente pour laquelle les acquéreurs avaient fait appel à l'entremise de l'agent immobilier qui aurait permis la réussite de l'opération en engageant le rapprochement des parties, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
2°/ ALORS QUE lorsque le mandant a donné à un mandataire le mandat non exclusif de rechercher un bien, il n'est tenu de payer une rémunération qu'à l'agent immobilier par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue, au sens de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, et cela même si le bien a été effectivement présenté par le mandataire initial, sauf à ce dernier à prétendre à l'attribution de dommages-intérêts en prouvant une faute du mandant qui, par abus de sa part et compte tenu des diligences accomplies, aurait privé le mandataire de la réalisation de l'opération ; que la cour d'appel a constaté que la société Agence Z... n'avait pas présenté le bien litigieux aux époux Y...qui connaissaient antérieurement les vendeurs et que la vente avait été faite après l'expiration de mandat donné à l'agence Z... pour un prix plus élevé et en dehors de toute entremise de celle-ci ; qu'en disant que Monsieur et Madame Y...devaient payer à la société Agence Z... une somme correspondant au montant de sa commission sans caractériser une quelconque faute ou abus de la part de l'acheteur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ ALORS QUE les juges du fond ne sauraient méconnaître les termes clairs et précis des conventions conclues entre les parties ; qu'aux termes du mandat de recherche conclu entre Monsieur et Madame Y...et la société Agence Z... « le mandant s'interdit de traiter directement ou indirectement pendant le cours du présent mandat et de ses renouvellements ainsi que pendant les 18 mois suivant l'expiration ou la résiliation de celui-ci avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire » ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que les époux Y...étaient tenus de payer une somme équivalente à la commission à l'agent immobilier, que si le bien ne leur avait pas été présenté par celui-ci, le mandat portait sur le seul bien susceptible de faire l'objet de la vente pour laquelle l'acquéreur avait fait appel à l'entremise de l'agent immobilier et que la recherche de la commune intention des parties permettait d'analyser la mission de l'agence, qui avait permis la réussite de l'opération, en engageant le rapprochement des parties, non pas comme une présentation d'un bien à vendre mais comme la négociation d'une opération immobilière, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du mandat et a violé l'article 1134 du code civil."