"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 décembre 2010) que la société Foncière Condé, propriétaire de locaux donnés à bail commercial à la société La Concorde, a , par acte du 4 juillet 2007, délivré à sa locataire un congé à effet au 31 mai 2008 avec refus de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction ; que la société La Concorde a assigné la bailleresse en paiement d'une telle indemnité ; que la bailleresse a sollicité le paiement de loyers ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-14 du code de commerce ;
Attendu que l'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;
Attendu que pour dire la société Foncière Condé redevable d'une indemnité d'éviction, l'arrêt retient que, le commandement de payer délivré le 16 avril 2007 ne pouvant constituer la mise en demeure spécifique de l'article L. 145-17 du code de commerce, le principe de l'indemnité d'éviction est acquis à la société La Concorde et que cette indemnité sera égale à la valeur du fonds au jour de la remise des clés ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la société La Concorde avait cessé toute activité dès la fin du mois de novembre 2006, du fait de l'incendie ayant endommagé l'immeuble dans lequel elle exploitait son fonds et qu'après avoir licencié son personnel et vendu son matériel, cette société avait restitué les clés des lieux loués dès le 22 novembre 2007et n'avait jamais manifesté l'intention de se réinstaller dans un autre local, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 145-9 du code de commerce ;
Attendu que par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance ;
Attendu que pour arrêter la dette de loyers au jour de la remise des clés par le preneur, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le bailleur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né du non-paiement des loyers à compter de cette date et, par motifs propres, que le bailleur qui refuse au preneur le renouvellement de son bail, ne peut contraindre ce dernier à rester dans les lieux jusqu'à la date de prise d'effet du congé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le preneur est tenu de payer les loyers jusqu'au terme du bail sans que le bailleur n'ait à justifier d'un préjudice, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2010 entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit , les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société La Concorde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Concorde à payer à la société Foncière Condé la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour la société Foncière Condé
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que la Sarl FONCIERE CONDE ne justifie pas d'un congé régulier au sens de l'article L. 145-17-I 1° du code de commerce, d'AVOIR dit que la Sarl LA CONCORDE a droit à une indemnité d'éviction et, avant dire droit sur son montant, d'AVOIR diligenté une expertise ;
AUX MOTIFS QU'au cas d'espèce, il est constant que le 4 juillet 2007 la Sarl FONCIERE CONDE a fait délivrer à la Sarl LA CONCORDE un congé pour le 31/05/2008 sans offre de renouvellement et sans indemnité d'éviction, motif pris des manquements chroniques du preneur à son obligation de payer ses loyers avec ponctualité ; mais que si le bailleur a bien mis en demeure le preneur d'avoir à faire cesser l'infraction par un commandement de payer du 16/04/2007 et qu'il n'est pas justifié que le preneur se soit acquitté de sa dette avant le 16/07/2007, il apparaît que ce commandement de payer ne peut constituer la mise en demeure spécifique de l'article L. 145-17 du code de commerce cidessus rappelé ; que par voie de conséquence, le principe de l'indemnité d'éviction est acquis au preneur ; qu'il est constant que le preneur a cessé toute activité dès la fin du mois de novembre 2006 du fait de l'incendie qui a endommagé l'immeuble dans lequel il exploitait son fond et qu'après avoir licencié son personnel et vendu son matériel, il a rendu les clefs des lieux loués dès le 22/11/2007, soit six mois avant la date d'effet du congé ; que la cessation d'activité est justifiée par l'impossibilité de poursuivre l'exploitation du fonds dans les locaux incendiés et non réparés ; que la Société LA CONCORDE n'a jamais manifesté son intention de se réinstaller dans un autre local ; que par voie de conséquence l'indemnité d'éviction à laquelle elle peut prétendre sera égale à la valeur du fond au jour de la remise des clefs ; qu'en l'absence du moindre élément d'appréciation de cette valeur, il conviendra de recourir à une expertise aux frais avancés de l'appelante comme explicité au dispositif de la présente décision ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'indemnité d'éviction, qui est égale au préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail, comprend la valeur marchande du fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que la Sarl LA CONCORDE a cessé toute activité dès le mois de novembre 2006, a licencié l'ensemble de son personnel, a vendu son matériel d'exploitation, a rendu ses clefs à la bailleresse le 22 novembre 2007 et n'a jamais manifesté son intention de se réinstaller ; qu'en décidant dans ces circonstances que la Sarl FONCIERE CONDE est tenue au paiement d'une indemnité d'éviction, la Cour d'appel, qui a refusé de tirer les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article 145-14 du code de commerce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, aucune indemnité d'éviction n'est due au preneur en cas de départ volontaire ; que la Cour d'appel a relevé que la Sarl LA CONCORDE, locataire, a rendu ses clefs à la Sarl FONCIERE CONDE, bailleresse, le 22 novembre 2007, soit avant la date d'effet du congé fixée au 31 mai 2008 ; qu'en décidant que la Sarl LA CONCORDE a droit à une indemnité d'éviction, la Cour d'appel a violé l'article 145-14 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 40.103, 49 € le montant des loyers dus par la Sarl LA CONCORDE, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2007 ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la dette de loyers, le bailleur réclame le paiement des loyers jusqu'à la date du congé, la société locataire ayant restitué les clefs le 22 novembre 2002 en réalité 2007 à la suite de la cession de l'intégralité des meubles meublants ; qu'à la demande du président dans une note en délibéré en date du 13 février 2009 a justifié du paiement des loyers jusqu'au mois d'avril 2007 ; que les mois de mai à novembre 2007 ne sont pas réglés et il convient de condamner la Sarl LA CONCORDE à régler la somme de 5.729, 07 € x 7 soit 40.103, 49 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2007 ; que par contre la remise des clefs au bailleur et qui n'est pas contestée implique la reprise de possession des lieux par le bailleur et ne permet plus à ce dernier de recevoir paiement des loyers ; que le bailleur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né du non paiement des loyers à compter de la remise des clés le 22 novembre 2007 et il convient de le débouter de sa demande en paiement des loyers à compter du 22 novembre 2007 jusqu'au 31 mai 2008 ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'incendie et l'indisponibilité des locaux qui en est résulté ne constitue pas une cause d'exonération du paiement des loyers ; qu'il appartenait le cas échéant au preneur de saisir le juge dans les termes de l'article 1722 du code civil pour obtenir soit la résiliation du bail, soit la diminution de loyer ; mais qu'il ne peut plus présenter cette demande aujourd'hui alors que le bail est résilié ; que le bailleur qui refuse au preneur le renouvellement de son bail ne peut contraindre ce dernier à rester dans les lieux jusqu'à la date de prise d'effet du congé ; qu'aussi la décision sera-t-elle confirmée qui arrête la dette de loyer au jour de la remise des clefs ;
ALORS QUE nonobstant la remise des clefs, le preneur d'un bail commercial est tenu du paiement des loyers jusqu'à la date d'effet du congé délivré par le bailleur ; qu'en relevant, pour limiter le paiement des loyers au jour de la remise des clefs, que la Sarl FONCIERE CONDE ne rapporte pas la preuve d'un préjudice né du non paiement des loyers à compter de la remise des clefs, la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L.145-9 du code de commerce."