Voici un arrêt qui condamne la commune :
"Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 juin 2003 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, réformant le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mars 2001, il a ramené à 22 359,45 euros le montant de l'indemnité que la commune de Brain-sur-l'Authion a été condamnée à leur verser en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance d'un permis de construire illégal en date du 29 janvier 1990 ;
2°) de condamner la commune de Brain-sur-l'Authion à leur verser la somme de 15 391,87 euros avec intérêts de droit à compter du 22 janvier 1998 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Brain-sur-l'Authion la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'arrêt attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Brain-sur-l'Authion à payer à M. et Mme A une somme de 28 657,70 euros majorée des intérêts au taux légal en réparation des préjudices subis ; que, par l'arrêt attaqué la cour administrative d'appel a, statuant sur l'étendue du droit à réparation, ramené cette somme à 22 359,45 euros au motif d'une part que les dépenses liées à la construction du bâtiment irrégulièrement autorisé et à sa démolition n'étaient pas appuyées de justifications, d'autre part, que les préjudices liés aux condamnations judiciaires dont M. et Mme A ont fait l'objet ne présentaient pas de lien direct avec la faute de la commune ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation en tant que la cour administrative d'appel de Nantes a ainsi écarté l'indemnisation de ces deux chefs de préjudices ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par arrêté du 29 janvier 1990, le maire de Brain-sur-l'Authion a délivré à M. et Mme A un permis de construire un bâtiment à usage d'atelier d'ébénisterie ; que ce permis de construire a été annulé par un jugement du 26 septembre 1991 du tribunal administratif de Nantes, confirmé par une décision du 15 mai 1995 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ; que l'illégalité dont est ainsi entaché ce permis de construire est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Brain-sur-l'Authion ; qu'à raison de l'édification du bâtiment en cause M. et Mme A ont été condamnés à verser 40 000 F (6 097,96 euros) à titre de dommages-intérêts à des riverains au titre des nuisances subies par ces derniers du fait du fonctionnement de l'atelier litigieux ; que, dans ces conditions c'est au prix d'une erreur de qualification juridique que la cour a jugé qu'il n'y avait pas de lien direct entre ces dommages et intérêts et la méconnaissance, par le permis de construire, de la règle d'urbanisme ;
Considérant, en second lieu, que M. et Mme A avaient produit devant le tribunal administratif une attestation dressée le 30 juillet 1998 par un électricien fixant à 14 964,07 F (2 281,25 euros) le coût du démontage de l'installation électrique du bâtiment ; que, dans ces conditions M. et Mme A sont fondés à soutenir qu'en jugeant qu'ils ne justifiaient pas du coût réel des travaux de démolition, la cour a dénaturé les pièces du dossier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a limité la condamnation de la commune à la somme de 22 359,45 euros ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les dépenses liées à la construction et à la démolition du bâtiment irrégulièrement autorisé :
Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A, qui se bornent à produire une attestation sommaire d'un architecte, fixant à 475 000 F (72 413,28 euros) le coût du bâtiment litigieux, ne justifient pas du coût réel de construction qu'ils ont dû supporter au titre de l'atelier irrégulièrement autorisé ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la cour d'appel d'Angers a, par un arrêt du 5 novembre 1997, confirmé le jugement du 28 mai 1996 par lequel le tribunal de grande instance d'Angers a condamné M. et Mme A à démolir l'atelier d'ébénisterie illégalement construit ; que si la cour d'appel a, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, fait droit à cette demande de démolition présentée par les voisins de M. et Mme A, en raison du préjudice dont ceux-ci se prévalaient au titre des nuisances liées au fonctionnement de cet atelier, la démolition ainsi ordonnée est, comme l'a d'ailleurs relevé la juridiction judiciaire, en relation directe avec la violation de la règle d'urbanisme que constitue l'édification illégale de l'atelier d'ébénisterie ; que, contrairement à ce que soutient la commune, le préjudice résultant du coût de la démolition ordonnée par cette décision judiciaire devenue définitive présente un caractère certain, alors même que les intéressés n'auraient pas encore, pour des raisons financières, procédé à cette démolition ; qu'outre une attestation sommaire établie par un architecte, qui ne constitue pas une justification du coût réel de ces travaux de démolition, M. et Mme A ont ainsi qu'on l'a dit également produit devant le tribunal administratif de Nantes une attestation dressée le 30 juillet 1998 par un électricien et fixant à 14 964,07F (2 281, 25 euros) le coût du démontage de l'installation électrique du bâtiment ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il ne prend pas en compte, pour le calcul des dépenses liées à la démolition de l'atelier illégalement autorisé, la facture précitée ;
Sur les préjudices résultant des sommes que M. et Mme A ont été condamnés à payer par les juridictions judiciaires :
Considérant, en premier lieu, que les dommages-intérêts d'un montant de 40 000 F (6 097, 96 euros) que M. et Mme A ont été condamnés à verser à leurs voisins au titre des nuisances subies par ces derniers présentent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un lien direct avec la méconnaissance par le permis de construire de la règle d'urbanisme, ainsi d'ailleurs que les frais d'un montant de 10 000 F (1 524,49 euros) liés à l'instance judiciaire engagée par les voisins de M. et Mme A ; que, par suite, la commune de Brain-sur-l'Authion n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif l'a condamnée à payer la somme de 40 000 F (6 097,96 euros) à M. et Mme A ;
Considérant, en deuxième lieu, que les frais d'avoués d'un montant de 7 372, 28 F (1 123,90 euros) supportés par M. et Mme A dans le cadre de l'instance judiciaire ci-dessus rappelée doivent également être regardés comme présentant un lien direct avec la faute commise par la commune, en tant qu'ils concernent une instance visant à la démolition de l'immeuble ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il ne leur a pas accordé l'indemnisation des frais d'avoués liés aux condamnations judiciaires pour un montant de 7 372,28 F (1 123,90 euros) ;
Considérant, en troisième lieu, que l'astreinte que M. et Mme A ont été condamnés à payer par le juge judiciaire de l'exécution pour n'avoir pas procédé à la démolition de l'atelier d'ébénisterie est imputable au seul retard des intéressés à exécuter une décision de justice ; que, par suite, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir qu'ils doivent être indemnisés pour ces dépenses d'astreinte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mars 2001 en tant qu'il ne leur a pas accordé l'indemnisation des frais d'avoués liés aux condamnations judiciaires pour un montant de 7 372,28 F (1 123,90 euros) ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. et Mme A ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pierre Ricard, leur avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Brain-sur-l'Authion une somme de 4 000 euros ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant par M. et Mme A que par la commune de Brain-sur-l'Authion ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 27 juin 2003 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il a réformé le jugement du tribunal administratif de Nantes en ramenant à 22 359,45 euros le montant de l'indemnité que la commune de Brain-sur-l'Authion a été condamné à leur verser en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance d'un permis de construire illégal.
Article 2 : La somme mise à la charge de la commune de Brain-sur-l'Authion par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mars 2001 est portée à la somme de 2 9781,60 euros. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 1998.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 29 mars 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La commune de Brain-sur-l'Authion versera à Me Ricard, avocat de M. et Mme A, une somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nantes, l'appel incident de la commune de Brain-sur-l'Authion devant la cour administrative d'appel de Nantes et les conclusions de cette commune présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la même cour, sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et à la commune de Brain-sur-l'Authion."