Voici une bien curieuse affaire où la commune qui avait préempté un terrain a imaginé d’engager une procédure contre les vendeurs en raison de la pollution des terrains, pollution qui était de notoriété publique :
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 2007), qu'en 1999 la commune de Marseille a acquis, par préemption, un terrain appartenant aux consorts X..., sur lequel avait été exploité un dépôt de métaux, en vue d'y aménager des voies de circulation ; que le projet d'aménagement urbain ne s'étant pas réalisé, la société d'HLM Provence logis, pressentie pour acquérir le terrain, y a renoncé en raison du coût des travaux de dépollution nécessaires en cas de construction d'immeubles, une étude de sols effectuée à la demande de la commune de Marseille ayant révélé une pollution du terrain par métaux et hydrocarbures sur une profondeur de deux mètres ; que la commune de Marseille a assigné les consorts X... en réduction du prix de vente du bien et en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, L. 514-20 du code de l'environnement et 1116 du code civil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune de Marseille fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir sur le fondement des vices cachés et de la débouter de ses autres demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article L. 514-20 du code de l'environnement, lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur le terrain, le vendeur est tenu d'en informer l'acheteur par écrit ; que de même, le vendeur exploitant doit également indiquer, par écrit, si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives ; qu'à défaut, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; qu'en rejetant l'action estimatoire de la commune de Marseille, qui était fondée non seulement sur la garantie des vices cachés, mais également sur l'inobservation par le vendeur des formalités prescrites par l'article L. 514-20 du code de l'environnement, sans rechercher si les consorts X... s'étaient conformés à ces obligations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en ne recherchant pas si, au moment de la vente, la commune de Marseille avait été en mesure de connaître l'ampleur et la gravité de la pollution du sol, telles qu'elles avaient été révélées par le rapport d'expertise établi par la société Onectra, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du code civil ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si les vendeurs n'avaient pas déclaré, dans l'acte de vente, d'une part, que seule une activité de récupération, d'achat et de vente de ferraille industrielle non polluante avait été exercée sur le terrain, d'autre part, qu'il n'avait jamais été exploité sur le terrain une installation soumise à autorisation ni effectué de traitement ou stockage de déchets, hydrocarbures ou substances toxiques susceptibles d'entraîner des atteintes à l'environnement ou des atteintes aux personnes et de générer des frais de nettoyage, dépollution ou de remise en état du site, et si, en conséquence, la commune de Marseille, bien que connaissant l'activité déclarée des établissements X..., pouvait connaître, sans une étude approfondie du sol, de l'ampleur et de la gravité de la pollution l'affectant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1648 du code civil ;
4°/ qu'en ne s'expliquant pas sur ces circonstances pourtant mises en avant par le tribunal de grande instance de Marseille pour dire que l'étendue du vice de pollution ne pouvait pas être connue de la commune de Marseille avant le dépôt des conclusions de la société Onectra, tandis que celle-ci avait, en cause d'appel, demandé la confirmation du jugement sans invoquer de nouveaux moyens, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954, dernier alinéa, du code de procédure civile ;
5°/ que seul le vendeur de bonne foi peut se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie stipulée à l'acte de vente ; qu'en affirmant que la clause de non-garantie devait recevoir application en l'absence de mauvaise foi des vendeurs, sans assortir sa décision de motifs, la cour d'appel a violé les articles 1643 du code civil et 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en écartant la mauvaise foi des vendeurs sans rechercher si ces derniers n'avaient pas sciemment déclaré faussement dans l'acte de vente que l'activité qui avait été exercée sur le terrain était une activité non polluante et qu'il n'avait jamais été effectué de traitement ou stockage de déchets, hydrocarbures ou substances toxiques susceptibles d'entraîner des atteintes à l'environnement ou des atteintes aux personnes et de générer des frais de nettoyage, dépollution ou de remise en état du site, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la demande en restitution d'une partie du prix de vente était fondée sur la garantie des vices cachés et sur le dol, et constaté que les photographies produites, anciennes, montraient que le terrain servait depuis plusieurs dizaines d'années avant l'acquisition par la commune de Marseille de dépôt de ferrailles et matériaux industriels divers, y compris quantité de bidons métalliques vides pouvant avoir contenu divers liquides et huiles, et qu'il était de notoriété publique que ce terrain avait servi depuis 1945 de déchetterie de ferrailles diverses destinées à la récupération industrielle, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise et qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui n'était pas demandée, en a souverainement déduit, sans violer l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, que la commune de Marseille, qui avait acquis le terrain en état de "friche industrielle", ne pouvait ignorer qu'il était sérieusement pollué et que cela entraînerait un coût de dépollution dans l'hypothèse où elle déciderait de l'utiliser ou de le revendre comme terrain à bâtir, a pu retenir, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à la clause de non-garantie et sans être tenue de répondre à des conclusions invoquant l'article L. 514-20 du code de l'environnement pour écarter la clause d'exclusion de garantie des vices cachés que ses constatations rendaient inopérantes, que la commune était irrecevable à exercer une action estimatoire plus de quatre ans après son acquisition ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Marseille aux dépens;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Marseille à payer aux consorts X... la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de Marseille. »