Cette décision du Conseil d’Etat admet la condamnation d’une commune qui avait délivré un certificat illégal parce qu’il ne respectait pas la Loi Littoral :
« Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 11 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ, représentée par son maire ;
La COMMUNE DE SAINT-TROPEZ demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté les conclusions de la commune tendant à l'annulation du jugement du 17 octobre 2002 qui l'a condamnée à verser à M. A, agissant en qualité de curateur de la SA NOPAC, la somme de 673 720 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice et de rejeter la demande de M. A ;
3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) subsidiairement, de juger que la SA NOPAC conservera à sa charge 50 % du préjudice indemnisable, de condamner l'Etat à garantir la commune de toutes condamnations prononcées au profit de la SA NOPAC et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention entre la République française et le Royaume de Belgique sur la compétence judiciaire, l'autorité et l'exécution des décisions de justice, des sentences arbitrales et des actes authentiques en date du 8 juillet 1899, modifiée ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Delphine Hedary, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. A, - les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ demande au Conseil d'État d'annuler l'arrêt du 22 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 17 octobre 2002, par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à indemniser M. A, agissant en qualité de curateur de la faillite de la SA NOPAC, à raison de la délivrance à la société d'un certificat d'urbanisme illégal ; Considérant qu'il appartient au juge administratif de vérifier au regard de la législation du pays concerné la qualité pour agir du représentant d'une société étrangère qui a introduit une requête devant lui ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel, après avoir relevé que par jugement en date du 14 février 1997, le tribunal de commerce de Bruxelles avait déclaré ouverte la faillite de la SA NOPAC et désigné M. A en qualité de curateur de la faillite, à l'effet de réaliser l'actif de la société, a estimé qu'en l'absence même de toute procédure d'exequatur, M. A disposait, à ce titre, du pouvoir d'engager toute action en responsabilité à l'encontre de tiers dont la faute aurait eu pour effet d'aggraver le passif de la faillite ou d'en diminuer l'actif, et avait qualité pour saisir le tribunal administratif de Nice aux fins d'obtenir la condamnation de la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ au paiement d'une indemnité en réparation des préjudices subis par la SA NOPAC ; qu'en statuant ainsi la cour n'a pas entaché d'erreur de droit son arrêt, qui est suffisamment motivé ; Considérant que l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, issu de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, énonce que «les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières (…). Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements » ; qu'en jugeant que si l'article L. 146-6 avait prévu l'intervention d'un décret tant pour fixer la liste des espaces et milieux à préserver au titre de son premier alinéa que pour définir la nature et les modalités de réalisation des aménagements autorisés en vertu de son deuxième alinéa, l'intervention de ces dispositions réglementaires ne constituait pas une condition nécessaire à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 146-6 pour ceux des espaces et milieux qui sont énumérés dans la deuxième phrase de son premier alinéa, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant qu'il résulte des dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article L. 146-6, dans sa rédaction alors en vigueur, que, dès lors que des secteurs constituent des espaces remarquables au sens du premier alinéa de cet article, ils doivent être préservés dans les documents d'urbanisme et que seuls des aménagements légers peuvent y être implantés dans les conditions fixées au deuxième alinéa du même article ; qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que le coefficient d'occupation des sols applicable aux parcelles dont la SA NOPAC avait fait l'acquisition, les 12 juin 1989 et 31 janvier 1990, au lieudit «Saint Jaume», bien que limité à 0,01, permettait, compte tenu de la dimension des parcelles, des constructions nouvelles n'ayant pas le caractère d'aménagements légers ; que par suite, en jugeant, après avoir relevé que ces parcelles présentaient par leur localisation, leur aspect boisé et préservé au sein de la presqu'île de Saint-Tropez, un caractère remarquable au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, que ce caractère faisait obstacle à ce qu'un certificat d'urbanisme positif puisse légalement être délivré sans méconnaître les dispositions ci-dessus rappelées de la loi littoral alors en vigueur, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt ni d'insuffisance de motif ni d'erreur de droit ; Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que le préfet du Var avait porté à la connaissance de la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ dès le 26 mai 1986 les informations prescrites par le code de l'urbanisme concernant l'applicabilité à son territoire de la loi du 3 janvier 1986 reprise aux articles L. 146-1 et suivants du code, et avait rappelé les principales restrictions en matière de constructibilité qui en découlent ; que la cour en a déduit que l'Etat avait ainsi satisfait, dans le cadre de l'élaboration du plan d'occupation des sols arrêté par délibération du conseil municipal de Saint-Tropez en date du 23 janvier 1986, à l'obligation d'information instituée par les articles L. 123-3 et R. 123-5 du code de l'urbanisme alors en vigueur ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pas répondu au moyen soulevé par la commune tiré de ce que la carence de l'Etat aurait fait perdre une chance à la commune d'être mieux avertie des règles en vigueur ne saurait être accueilli ; Considérant que les services de l'Etat mis à la disposition des communes pour l'élaboration des documents d'urbanisme et l'instruction des demandes d'occupation des sols agissent en relation permanente avec le maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées ; qu'en estimant que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée à ce titre envers les communes que lorsqu'un de ses agents commettait une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ n'est fondée ni à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, ni à appeler en garantie l'Etat ou à demander que la SA NOPAC conserve à sa charge 50 % du préjudice indemnisable ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, d'ordonner le versement par la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ de la somme de 3 000 euros à M. A, curateur de la faillite de la SA NOPAC, au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ est rejetée. Article 2 : La COMMUNE DE SAINT-TROPEZ versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ, à M. A, curateur de la faillite de la SA NOPAC, et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. »