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Un complexe cinématographique n'est pas un équipement collectif

C'est ce qu'a jugé le Conseil d'État, pour l'application des règles d'urbanisme, par cette décision du 23 novembre 2005 :

 

« Vu 1°/ sous le n° 262105 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre 2003 et 26 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE NICE, représentée par son maire ; la VILLE DE NICE demande au Conseil d'Etat :

 

 

1°) d'annuler l'arrêt du 28 août 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 mai 2001 du tribunal administratif de Nice, lequel a annulé, à la demande de l'Association pour la protection de la nature, des sites, du cadre de vie de l'agglomération niçoise et la promotion de son activité économique et de l'Association de sauvegarde de Nice, l'arrêté du 10 octobre 2000 du maire de la VILLE DE NICE délivrant à la SA NISSARENAS un permis de construire un complexe cinématographique ;

 

 

2°) de mettre à la charge de l'Association pour la protection de la nature, des sites, du cadre de vie de l'agglomération niçoise et la promotion de son activité économique et de l'Association de sauvegarde de Nice la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

 

 

Vu 2° sous le n° 262945 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2003 et 22 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA NISSARENAS, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la SA NISSARENAS demande au Conseil d'Etat :

 

 

1°) d'annuler l'arrêt susvisé du 28 août 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 mai 2003 du tribunal administratif de Nice lequel a annulé, à la demande de l'arrêté du 10 octobre 2000, du maire de la commune de Nice délivrant à la SA NISSARENAS un permis de construire un complexe cinématographique ;

 

 

2°) de mettre à la charge de l'Association pour la protection de la nature, des sites, du cadre de vie de l'agglomération niçoise et la promotion de son activité économique et de l'association de sauvegarde de Nice la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

 

 

Vu les autres pièces des dossiers ;

 

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

 

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

 

 

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

 

 

Vu la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 ;

 

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

 

- le rapport de Mme Marie-Françoise Bechtel, Conseiller d'Etat,

 

 

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE DE NICE, de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SA NISSARENAS et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'Association protection nature sites cadre vie de l'agglomération niçoise et de l'Association sauvegarde de Nice et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SA NISSARENAS,

 

 

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

 

 

 

 

 

 

Considérant que les deux requêtes sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

 

 

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

 

 

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du tribunal administratif de Nice qui, pour annuler l'arrêté du 10 octobre 2000 du maire de Nice délivrant un permis de construire à la SA NISSARENAS en vue de la construction d'un complexe cinématographique, s'est fondé sur un moyen unique tiré de la contrariété du projet aux dispositions du plan d'aménagement de zone, en écartant explicitement tous les autres moyens invoqués à l'appui de l'annulation de l'arrêté litigieux ;

 

 

Considérant que l'article ZU14 du règlement du plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Arenas sur le territoire de la VILLE DE NICE prévoit que la totalité de la surface hors oeuvre nette (« shon ») disponible sera affectée à des activités tertiaires (hôtels, restaurants, commerces) et que le cas échéant 15 % de cette surface peut être affecté à « des équipements collectifs sous forme d'équipements scolaires, sanitaires, sociaux et culturels » ; que les 15 % ainsi retenus correspondent à une surface hors oeuvre nette de 29 250 m2 dont 23 846 m2 étaient occupés à la date d'examen du permis litigieux par un établissement scolaire ; que le projet faisant l'objet du permis litigieux porte sur la réalisation d'un complexe cinématographique de 21 salles accompagné de quelques commerces pour une surface hors oeuvre nette totale de 23 050 m2 ; que la cour a estimé que la réalisation de ce complexe avait pour effet de dépasser la limite de 15% réservée aux « équipements collectifs » ;

 

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux est relatif à la réalisation par une société privée d'un complexe cinématographique de grande taille ainsi que de commerces divers ; qu'une telle opération, dont l'objet est de nature commerciale, ne porte pas sur la réalisation d'un « équipement collectif » au sens des dispositions du règlement de la ZAC alors même qu'elle est destinée à recevoir un public important et qu'elle relèverait d'une activité culturelle ; qu'il suit de là que la SA NISSARENAS et la VILLE DE NICE sont fondées à soutenir que c'est par une qualification juridique erronée que la cour administrative d'appel a confirmé le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué et à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

 

 

Considérant qu'il y a eu lieu pour le Conseil d'Etat, en application de L. 821-2, du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

 

 

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

 

 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le motif unique sur lequel se sont fondés les premiers juges pour annuler le permis litigieux repose sur une interprétation erronée des dispositions tirées du règlement du plan d'aménagement de la zone d'aménagement concerté des Arénas ; que dès lors la COMMUNE DE NICE et la SA NISSARENAS sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur ce motif pour annuler le permis de construire attaqué ;

 

 

Considérant toutefois qu'il appartient au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les associations requérantes devant le tribunal administratif et, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer sur tous les moyens susceptibles de conduire à une annulation de l'arrêté litigieux ;

 

 

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir apposées aux demandes :

 

 

Sur la légalité du permis contesté :

 

 

En ce qui concerne la légalité externe :

 

 

Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier de permis de construire déposé par la SA NISSARENAS comportait l'autorisation préfectorale prévue par la législation relative aux établissements classés en ce qui concerne l'extension du parking souterrain faisant partie du projet litigieux ; que les surfaces commerciales figurant dans le projet atteignent 280 m2 dévolus à deux espaces de restauration, trois bars, et cinq commerces, et sont ainsi inférieures au seuil de 300 m2 défini par l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973 auquel renvoie l'article R. 421-4 du code de l'urbanisme ; qu'en conséquence l'autorisation exigée par les mêmes textes n'avait pas à être sollicitée pour cette partie du projet ; que s'agissant du parc souterrain soumis quant à lui à ces dispositions, le dossier complet de demande d'autorisation est visé par le permis litigieux ; que l'étude de sécurité publique prévue par les dispositions de l'article L. 111-3-1 du code de l'urbanisme a en tout état de cause été jointe au dossier ;

 

 

Considérant en deuxième lieu que le projet contesté qui porte sur une Shon de 23 050 m2 principalement dévolue à l'installation d'un complexe cinématographique au sein d'une ZAC de 195 000 m2 n'est ni par sa nature ni par son ampleur au nombre des opérations dont l'article 4 de la loi du 13 juillet 1991 a prévu qu'elles devaient faire l'objet d'une concertation préalable ;

 

 

Considérant en troisième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête publique relative au projet litigieux a, en application de l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, fait l'objet d'un affichage en mairie ainsi qu'à la mairie annexe du quartier « les moulins » ; que cet affichage satisfaisait aux conditions fixées par cette disposition et relatives tant à la proximité de l'affichage par rapport à l'implantation du projet que des conditions de visibilité depuis la voie publique ; que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, l'étude d'impact figurant au dossier de l'enquête publique ne présente pas le caractère sommaire, s'agissant notamment du risque d'inondation du parc souterrain ;

 

 

En ce qui concerne la légalité interne :

 

 

Sur le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 29 juin 1990 approuvant la modification du plan d'aménagement de zone (PAZ) :

 

 

Considérant que les associations requérantes soutiennent que la modification du PAZ de la ZAC Arénas approuvée le 29 juin 1990 serait illégale d'une part en ce qu'elle se borne à fixer globalement la Shon qui peut être affectée à des projets, d'autre part parce qu'elle apportait à l'opération des changements substantiels ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la modification contestée est intervenue à une date où la plus grande partie de la ZAC, d'une surface hors oeuvre nette totale de 195 000 m2, avait été aménagée ; qu'elle a ainsi pu légalement avoir pour objet de permettre l'affectation des superficies restantes à des activités tertiaires en réservant 15 % de la Shon autorisée à des équipements collectifs ; qu'elle n'apporte pas à l'équilibre de la ZAC des changements tels qu'ils justifieraient une nouvelle procédure d'enquête publique, que par suite les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la délibération approuvant la modification du règlement de la ZAC aurait été prise en violation des dispositions de l'article R. 311-10 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là qu'elles ne peuvent en tout état de cause se fonder, par la voie de l'exception, sur l'illégalité de ce règlement pour soutenir que le permis litigieux, pris sur son fondement, serait lui-même illégal ;

 

 

En ce qui concerne le titre du pétitionnaire :

 

 

Considérant en premier lieu que l'illégalité dont serait entachée un certificat d'urbanisme ne pouvant être utilement invoquée à l'encontre d'un permis de construire, le moyen tiré de ce que la SA NISSARENAS qui a demandé et obtenu le permis de construire litigieux n'aurait pas, en violation des dispositions de l'article R. 311-19 du code de l'urbanisme, disposé de droits à bâtir en vertu d'un certificat d'urbanisme sur l'îlot 3P2 où doit être implanté le projet est en tout état de cause sans incidence sur la légalité du permis qui lui a été délivré ;

 

 

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain (…) » ; qu'il ressort des pièce du dossier que, à la date à laquelle a été sollicité le permis litigieux, la SA NISSARENAS, pétitionnaire, pouvait se prévaloir d'une promesse de vente en date du 31 mars 1999 par laquelle la société Semazur, concessionnaire de la ZAC, s'était engagée à lui céder les volumes 7 , 9 et 10 de l'îlot 3P2 sur lequel devait être réalisé le projet en cause sous réserve de la cession de ces terrains par la ville de Nice à la société Semazur ; qu'ainsi les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que, faute de disposer d'un titre l'habilitant à demander l'octroi du permis, la SA NISSARENAS s'est vu illégalement délivrer celui-ci ;

 

 

Sur la méconnaissance alléguée de l'article R. 111-2, du code de l'urbanisme et de l'article ZU12 du PAZ :

 

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des études faites à la diligence de l'autorité préfectorale en ce qui concerne les risques de crue que le maire de Nice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis attaqué qui, en ce qui concerne les trois niveaux du parc souterrain, respecte les cotes préconisées par les services de l'Etat ; que le principe de précaution ne peut être utilement invoqué à l'appui de la contestation d'une autorisation relevant de la législation relative à l'urbanisme ;

 

 

Considérant que les associations requérantes font valoir que tant le nombre total de places que les accès au parc souterrain ne correspondent pas aux exigences fixées par le PAZ ; que toutefois l'article ZU12 du règlement a fixé à 80 m2 la surface minimale exigeant une place de stationnement en ce qui concerne les « restaurants, salles de spectacles, de réunion et salles de bal » ; qu'ainsi les 1027 places prévues par le projet litigieux correspondant aux 23 050 m2 de Shon ne sont pas insuffisantes au regard des prescriptions du plan d'aménagement de zone ; que si les requérantes font valoir que la création d'une salle multiplexe de plus de 1 500 places est soumise à l'autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique, cette circonstance n'a pas pour effet de soumettre le projet aux dispositions du PAZ qui prévoient une place par 20 m2 de Shon pour les « constructions et installations » ; que si le nombre de 1 027 places est inférieur à celui retenu dans l'étude de trafic jointe au dossier, les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme qui imposent au pétitionnaire de justifier d'une concession dans un parc public de stationnement ou de verser une participation à la commune ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas où un document local d'urbanisme a fixé des dispositions particulières en matière de stationnement ;

 

 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE NICE et la SA NISSARENAS sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du maire de Nice en date du 12 octobre 2000 accordant un permis de construire à la SA NISSARENAS ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune et la SA NISSARENAS, qui ne sont pas les parties perdantes, soient condamnées à verser aux associations requérantes la somme qu'elles demandent en application de ces dispositions ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de chacune des associations requérantes la même somme de 1 000 euros qu'elles verseront d'une part à la VILLE DE NICE, d'autre part à la SA NISSARENAS ».

 

 

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