Parce que le permis qu'il avait obtenu avait été retiré au motif qu'il imposait l'abattage d'une dizaine d'arbres de haute tige, le directeur d'une société avait procédé à l'abattage des arbres puis sollicité et obtenu un nouveau permis de construire qui avait été annulé.
La chambre criminelle de la Cour de Cassation rejette le pourvoi fait à l'encontre de la décision qui a condamné pénalement ce directeur de société, et relève qu'un « permis obtenu frauduleusement équivaut à son absence et que son obtention ne saurait soustraire le prévenu à l'application » de la loi pénale :
« Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-13 du Code de l'urbanisme, 112-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir, à Toulouse, du 2 juillet 1990 au 4 mai 1993, construit un immeuble sans permis de construire, l'a condamné à une amende de 500 000 francs et a ordonné la publication du présent arrêt dans différents journaux ;
" aux motifs que la construction litigieuse a été achevée le 4 mai 1993 ; que l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 juillet 1993 a expressément annulé l'arrêté du maire de Toulouse du 16 juin 1989 ayant autorisé la SMCI à effectuer les travaux en litige ; que l'affirmation du tribunal correctionnel, selon laquelle les jugements d'annulation prononcés par les juridictions administratives n'auraient pas d'effet rétroactif, est inexacte ; qu'au contraire, de telles décisions ont pour conséquence de faire disparaître la totalité des effets juridiques de l'acte administratif annulé ; qu'ainsi, une construction faite sur la base d'un permis déclaré illégal doit être assimilée à une construction sans permis en vertu de ce principe de rétroactivité ; que, si l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme dispose que "lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique" ; que, si, préalablement, le permis de construire a été annulé pour "excès de pouvoir ou son illégalité constatée par la juridiction administrative", il convient cependant de souligner que cette disposition procédurale concerne la responsabilité civile des constructeurs et n'affecte nullement les poursuites pénales ;
" qu'en outre, l'arrêt du Conseil d'Etat, qui a annulé l'arrêté du maire de Toulouse autorisant la construction, a révélé la fraude commise par le prévenu lors de la délivrance du permis en litige ; que cette décision est intervenue postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse ayant prononcé la relaxe du demandeur du chef d'abattage d'arbres sans autorisation ; que la cour d'appel de renvoi de Bordeaux a relevé que la faute ainsi commise par le prévenu se confondait avec le délit prévu par l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ; que cette juridiction en a tiré les conséquences civiles en le condamnant à verser une somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts à la partie civile ; qu'ainsi, si Jean-Marie Jacquemart a été relaxé du délit d'abattage d'arbres sans autorisation, il n'en a pas moins commis une fraude au sens civil du terme, fraude qui lui a permis d'obtenir une autorisation de construire qui n'aurait pas été accordée en son absence ; que cette fraude constitue l'élément intentionnel du délit de construction sans permis reproché à Jean-Marie Jacquemart ;
" alors que, d'une part, l'existence d'une infraction s'apprécie au jour de la commission des faits reprochés ; qu'ainsi, les travaux exécutés et terminés avant le retrait sont réguliers ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les travaux litigieux ont été achevés le 4 mai 1993 et que l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 juillet 1993 a annulé l'arrêté du maire de Toulouse du 16 juin 1989 ayant autorisé la SMCI à effectuer les travaux en litige ; qu'ainsi, la qualification pénale faisait défaut quand la construction a été réalisée ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d'appel a violé les articles 112-1 du Code pénal et L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que n'ont pas été réalisés sans permis de construire les travaux entrepris avec un permis régulier et que l'irrégularité constatée après l'achèvement des travaux n'est pas frauduleuse ; qu'en l'espèce, si dans son arrêt du 23 juillet 1993, le Conseil d'Etat a constaté que le permis de construire du 16 juin 1989 avait été obtenu par fraude, la SMCI ayant au préalable fait abattre des arbres de haute tige sur le terrain litigieux, le prévenu a été définitivement relaxé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 11 février 1993 du chef d'abattage illégal d'arbres ; que l'élément de fraude relevé par le Conseil d'Etat est donc inexistant et que, par suite l'élément matériel, comme l'élément intentionnel font défaut, la faute civile sanctionnée par la cour d'appel de Bordeaux ne pouvant constituer l'élément intentionnel du délit reproché au prévenu ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 121-3 du Code pénal et L. 480-4 du Code de l'urbanisme " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SMCI, dont Jean-Marie Jacquemart est le directeur, a obtenu un permis de construire en vue d'édifier un immeuble sur un terrain lui appartenant ; qu'à la suite de la réclamation de Xavier Bourgon, propriétaire d'un terrain voisin, le maire a rapporté sa décision, au motif que le projet de construction envisagé imposait notamment l'abattage d'une dizaine d'arbres de haute tige ; que la SMCI, après avoir procédé à l'abattage de ces arbres, a obtenu un nouveau permis de construire, lequel a été annulé par arrêt du Conseil d'Etat du 23 juillet 1993 ;
Attendu que Xavier Bourgon a fait citer directement Jean-Marie Jacquemart devant le tribunal correctionnel pour construction sans permis ; que les juges du premier degré l'ont relaxé de ce chef ;
Attendu que pour infirmer cette décision et déclarer le prévenu coupable, les juges d'appel retiennent que la faute commise par le prévenu a été constatée par la décision de la juridiction administrative, ayant annulé le permis de construire ; qu'elle ajoute que cette fraude, qui a consisté à abattre des arbres afin d'échapper aux exigences du plan d'occupation des sols et obtenir ainsi une autorisation de construire, constitue l'élément intentionnel du délit reproché ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles L. 421-1 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme, dès lors qu'un permis obtenu frauduleusement équivaut à son absence et que son obtention ne saurait soustraire le prévenu à l'application des textes précités ».