Même signé par les tous les copropriétaires, un accord passé entre eux ne peut être considéré comme une délibération d'assemblée générale et avoir l'effet d'une telle décision collective prise selon les formes prévues par la loi du 10 juillet 1965, de sorte qu'un copropriétaire peut refuser légalement d'exécuter cet accord et peut en demander la nullité :
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er février 2000), que Mme Montal, propriétaire depuis 1964 d'un immeuble qui jouxte un fonds sur lequel est édifié un immeuble placé sous le régime de la copropriété qui, à la suite d'un accord intervenu le 14 novembre 1991 entre les copropriétaires, a fait l'objet en 1992 d'une surélévation, a assigné en démolition de celle-ci les deux copropriétaires de cet immeuble, M. Gaillard et Mme Du Fou ; que M. Gaillard a formé une demande reconventionnelle en démolition par Mme Montal d'ouvrages édifiés sur son propre fonds, en transgression d'une servitude non aedificandi instituée par un acte du 28 septembre 1894 ; que les époux Mazier de Montbrillant ayant acquis les lots des héritiers de Mme Du Fou sont intervenus à la procédure et ont demandé la condamnation de M. Gaillard auteur de la surélévation à la remise en état des lieux dans leur état initial à ses frais exclusifs ;
Attendu que M. Gaillard fait grief à l'arrêt d'accueillir l'intervention volontaire et la demande des époux de Montbrilland alors, selon le moyen :
1° que seuls les copropriétaires peuvent contester les décisions des assemblées générales, la qualité de copropriétaire s'appréciant à cet égard au jour de l'assemblée générale au cours de laquelle a été prise la décision contestée ; qu'en estimant que M. et Mme de Montbrillant, qui ne sont devenus copropriétaires que par acte du 27 février 1995, étaient recevables à remettre en cause la décision du 14 novembre 1991 par laquelle les copropriétaires avaient décidé, à l'unanimité, d'effectuer des travaux de réfection de la toiture, qui ont été réalisés dans le courant de l'année 1992, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;
2° que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ; que s'agissant d'une copropriété simplement composée de deux copropriétaires, la modification des parties communes et de l'aspect extérieur de l'immeuble par l'un des copropriétaires devait seulement recueillir l'accord de l'autre ; qu'en estimant que la décision du 14 novembre 1991 ne constituait pas une décision régulière de la copropriété, tout en constatant cependant qu'aux termes de cette décision, les deux seuls copropriétaires avaient conclu un accord pour que l'un d'eux, M. Gaillard, prenne à sa charge les travaux de réfection de la toiture en contrepartie de la possibilité de surélever la charpente pour y aménager des combles, ce qui constituait nécessairement une décision régulière de la copropriété, la cour d'appel a violé les articles 25 b et 35 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3° qu'en estimant que M. et Mme de Montbrillant avaient subi un préjudice du fait de la modification de l'aspect extérieur de l'immeuble et des surfaces habitables attribuées au lot de M. Gaillard, tout en constatant qu'ils n'étaient devenus copropriétaires que postérieurement aux modifications alléguées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'acte signé le 14 novembre 1991 entre Mme Du Fou et M. Gaillard était une simple convention sous seing privé autorisant ce dernier à refaire les toitures en surélevant la charpente et qu'aucune assemblée générale de copropriétaires n'avait été réunie, la cour d'appel a exactement retenu que, même signé de tous les copropriétaires, cet accord n'avait pas valeur de décision d'assemblée générale et que les restrictions apportées par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 au droit d'agir des copropriétaires ne s'appliquaient pas aux époux de Montbrillant qui invoquaient seulement la nullité et l'inefficacité d'un acte privé entre copropriétaires dont se prévalait M. Gaillard pour justifier les travaux affectant les parties communes et modifiant l'aspect extérieur de l'immeuble qu'il avait accomplis sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que la modification de la toiture réalisée sans autorisation rendait habitables les combles du lot appartenant à M. Gaillard, définis à l'état descriptif de division comme des combles perdus, que cette transformation occasionnait une plus grande occupation de l'immeuble et était en contradiction avec les documents contractuels régissant celui-ci et le titre d'acquisition des époux de Montbrillant, la cour d'appel a exactement retenu que cette surélévation causait un préjudice certain aux époux de Montbrillant et que ceux-ci étaient recevables à exercer à titre individuel l'action en remise des lieux en leur état antérieur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ».
(Cour de Cassation 27 février 2002)