Congé et indivision (dimanche, 02 mars 2025)

Le congé donné par une indivision nécessite l'accord de tous les indivisaires.

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Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mai 2023), le 1er février 2018, la société civile immobilière Bénédicte (la SCI Bénédicte) a donné à bail à M. [S] (le locataire) un appartement dont elle était propriétaire en indivision avec MM. [W] et [D] [K].

2. Le 7 juillet 2020, la SCI Bénédicte a fait délivrer au locataire un congé avec offre de vente.

3. Le locataire n'ayant ni accepté l'offre ni quitté les lieux au terme du délai de préavis, la SCI Bénédicte l'a assigné en validation du congé, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation ainsi que de dommages-intérêts.

4. Parallèlement, le locataire a assigné la SCI Bénédicte en annulation du congé. Les deux instances ont été jointes.

5. La société civile immobilière Malenna [Localité 4], qui a acquis le bien loué en cours d'instance, est intervenue volontairement en cause d'appel.


Moyens
Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le locataire fait grief à l'arrêt de déclarer valable le congé pour vendre, d'ordonner son expulsion et de le condamner au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux, alors « que le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer un acte de disposition sur les biens indivis ; que la délivrance d'un congé pour vendre, contenant une offre pure et simple à l'égard du locataire, constitue un acte de disposition ; qu'en estimant que le congé pour vendre délivrée par la seule SCI Bénédicte en date du 7 juillet 2020 aurait reçu le consentement de tous les indivisaires dès lors qu'il ressort des pièces produites que tous les indivisaires étaient d'accord pour la délivrance de ce congé, puisque les deux autres indivisaires (Messieurs [W] et [D] [K]) sont les principaux associés de la SCI Bénédicte, tandis qu'aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale en date du 21 janvier 2018, les associés de la SCI, également indivisaires, n'avaient donné leur accord que pour conclure, signer, résilier les baux à compter de cette assemblée" et non pour vendre" le bien litigieux, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'accord des indivisaires pour vendre le bien litigieux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-3 du code civil. »


Motivation
Réponse de la Cour

Vu les articles 815-3 du code civil et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :

7. Il résulte du premier de ces textes que, sauf nécessité de payer les dettes et charges de l'indivision, les actes de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires.

8. Il résulte du second que le congé vaut offre de vente au profit du locataire.

9. Pour déclarer valable le congé pour vendre délivré au locataire, l'arrêt, après avoir rappelé que la SCI Bénédicte a pour associés Mme [G] à raison de deux parts en pleine propriété et MM. [D] et [W] [K] à raison de quarante-neuf parts en pleine propriété chacun, que l'appartement donné à bail appartient à la SCI Bénédicte et à MM. [D] et [W] [K] pour un tiers de la pleine propriété indivise chacun, et qu'ainsi les deux autres propriétaires en indivision de l'appartement loué sont également les principaux associés de la SCI Bénédicte, retient qu'il ressort des pièces produites que tous les indivisaires étaient d'accord pour la délivrance de ce congé puisque les autres indivisaires, MM. [W] et [D] [K], sont les principaux associés de la SCI Bénédicte.

10. En se déterminant ainsi, sans constater le consentement de chaque indivisaire à la délivrance d'un congé pour vente au locataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité des baux signés le 1er février 2017 et le 1er février 2018 formée par M. [S], et la demande de dommages-intérêts formée par la société civile immobilière Bénédicte et la société civile immobilière Malenna Cannes, l'arrêt rendu le 4 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne les sociétés civiles immobilières Bénédicte et Malenna [Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés civiles immobilières Bénédicte et Malenna [Localité 4] et les condamne in solidum à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq.