Preuve par DIGIPOSTE de la date d'affichage d'un permis de construire (mardi, 30 janvier 2024)

Une décision de la cour administrative d'appel de Lyon retient que la preuve de l'affichage d'un permis de construire peut être apportée par constat huissier se référant à la date de versement sur DIGIPOSTE de photographies de cet affichage.

 

Retour sur l'offre Digiposte et ses engagements

"Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de la commune de Sablons a délivré un permis de construire à M. et Mme E..., ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n°1804590 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2021 et le 16 octobre 2023, et des mémoires enregistrés le 6 novembre 2023 et le 7 novembre 2023 non communiqués, M. et Mme B..., représentés par Me Pouderoux, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de la commune de Sablons a délivré un permis de construire à M. et Mme E..., ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune des Sablons la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le jugement a été irrégulièrement rendu en l'absence de convocation régulière à l'audience ;
- leur recours est recevable et n'est pas tardif ;
- ils ont intérêt pour agir ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R 423-1 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de permis de construire est incomplet ;
- il méconnaît la règle de la construction très limitée et très exceptionnelle du règlement de la zone UAc du plan local d'urbanisme de la commune de Sablons ;
- il méconnaît le point 6 de l'article UA 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sablons ;
- il méconnaît l'article 1 de la zone B3 du règlement du plan de prévention des risques inondations de la commune de Sablons ;
- le coefficient d'emprise au sol imposé par le plan local d'urbanisme et le plan de prévention des risques inondations est méconnu ;
- il méconnaît l'article UA 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sablons ;
- il méconnaît l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UA 9 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2023, la commune de Sablons, représentée par Me Le Gulludec, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes de M. et Mme B... devant le tribunal administratif, et à ce que soit mis à la charge de ces derniers le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés ;
- il est possible de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2023 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2023 et non communiqué, M. et Mme E..., représentés par Me Teixeira, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- à titre principal, la requête de première instance est tardive ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2023.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- les observations de Me Pouderoux, représentant M. et Mme B..., F... substituant Me Le Gulludec, représentant la commune de Sablons, et M. E....
Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 septembre 2017, le maire de la commune de Sablons a délivré à M. et Mme E... un permis de construire portant sur la réhabilitation d'un logement situé sur la parcelle cadastrée ... de la commune de Sablons (9/11/13 rue du 19 mars 1962). M. et Mme B... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 novembre 2021 qui a rejeté leur demande d'annulation de ce permis de construire, ensemble le rejet de leur recours gracieux, au motif qu'elle était tardive.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ". Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique Télérecours peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application en application de l'article R. 711-2-1 du même code. Aux termes de l'article R. 431-1 de ce code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 [avocat], les actes de procédure, à l'exception de la notification [du jugement] (...), ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. et Mme B... ont été convoqués à l'audience publique du 21 octobre 2021 par un courrier mis à la disposition de leur avocat dans l'application Télérecours, le 30 septembre 2021, et dont ce mandataire a pris connaissance le même jour, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception. M. et Mme B... ont, en conséquence, été régulièrement convoqués à l'audience. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...)". Les dispositions de l'article A. 424-16 du même code prévoient, en outre, que : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro et la date d'affichage en mairie du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : (...) / d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir ".

5. La preuve de la réalité, de la régularité et de la continuité de l'affichage du permis de construire sur le terrain peut être apportée par le bénéficiaire du permis de construire par tout moyen. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet. Par ailleurs, l'affichage complet, régulier et continu sur le terrain de l'autorisation d'urbanisme fait courir le délai de recours contentieux des tiers à son encontre, qui est de deux mois. S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'un huissier (désormais commissaire de justice) a attesté le 2 décembre 2019 s'être connecté avec son propre matériel informatique à l'adresse internet du coffre-fort numérique sécurisé " Digiposte " ouvert par les bénéficiaires du permis de construire en litige, en détaillant les modalités précises de connexion. Il a inséré dans son constat des captures d'écran des cinq photographies d'affichage sur le terrain de ce permis, qui se trouvent dans ce coffre-fort et qui indiquent leurs dates d'insertion, les 28 septembre, 1er octobre et 8 décembre 2017. Il relève enfin dans ce même constat s'être déplacé sur les lieux, le jour de ce constat, pour relever l'exactitude de la géolocalisation, en prenant à cette date à nouveau des photographies du panneau et en soulignant qu'elles corroborent les photographies précédemment prises, tant dans leur contenu que leur emplacement. Ces constatations sont, en outre, corroborées par diverses attestations produites par les pétitionnaires dont l'une, bien qu'établie le 11 juin 2020, est suffisamment circonstanciée. Les constatations faites par l'huissier, relatives à l'affichage du permis de construire en litige sur le terrain, doivent, eu égard notamment à la nature de ce coffre-fort numérique et à la sécurité qu'il apporte, plus particulièrement s'agissant des dates de versement des documents, qui ne peuvent être modifiées, être prises en compte, alors même qu'aucun constat d'huissier propre à attester de cet affichage sur le terrain n'a été réalisé en 2017. Ces constatations ne sont par ailleurs contredites par aucun élément produit par les requérants. Dans ces conditions, elles permettent d'établir l'existence et la continuité de l'affichage du permis de construire à compter du 28 septembre 2017 sur le terrain d'assiette du projet, le long de la rue du 19 mars 1962, la circonstance que le panneau d'affichage ait été déplacé de quelques mètres le long de la même façade étant sans incidence sur la réalité et la continuité de celui-ci.

7. D'autre part, si la date d'affichage en mairie du permis et si l'adresse de la commune ne sont pas indiquées sur le panneau d'affichage, ces erreurs ne sont pas de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture de ce panneau d'affichage, l'administration à laquelle il convient de s'adresser pour consulter le dossier. Enfin, compte tenu en particulier de la nature du projet, qui consiste, ainsi que le mentionne la notice descriptive, en la transformation d'un ancien local de cinq logements en une maison individuelle, pour l'essentiel dans l'enveloppe de la construction existante, le panneau d'affichage n'avait pas à préciser la surface du bâtiment à démolir, la circonstance suivant laquelle M. et Mme E... auraient en réalité procédé à la démolition quasi-complète de la maison d'habitation concernant uniquement l'exécution des travaux et non la régularité de l'affichage du permis de construire en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que les délais de recours contentieux ont valablement couru à compter du 28 septembre 2017. Ils étaient par suite expirés à la date du 26 mars 2018, à laquelle la mairie de Sablons a réceptionné le recours gracieux formé par les requérants ainsi qu'à la date d'introduction de la requête de première instance.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sablons, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Sablons et la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme E..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme B... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Sablons et la somme de 1 500 euros à M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... et Mme D... B..., à Mme et M. C... E... et à la commune de Sablons.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. G...
La greffière,
O. Ritter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY04307 2"