Le constructeur de maison individuelle doit payer le coût de la clôture végétale (mardi, 08 août 2023)
Par cet arrêt, il est jugé que la charge du coût de la clôture par une haie végétale qui devait obligatoirement être édifiée afin de respecter les règles locales d'urbanisme et l'autorisation de construire, qui n'a pas été inclus dans le prix forfaitaire, ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l'ouvrage incombe au constructeur de maisons individuelles.
"Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2022), le 16 août 2011, M. [K] et Mme [P] ont conclu avec la société Deloffre un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan.
2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 30 septembre 2013 avec réserves.
3. Se plaignant de désordres et retards, M. [K] et Mme [P] ont assigné la société Deloffre en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur les deuxième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 4 716,40 euros au titre des surcoûts pris en charge par les maîtres de l'ouvrage, alors « que le constructeur de maison individuelle n'est pas tenu de réaliser des équipements qui ne sont ni prévus par le contrat de construction et ses annexes ni indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, quand bien même ils seraient rendus nécessaires par l'autorisation d'urbanisme ; qu'ayant constaté que la notice descriptive ne portait pas mention de la réalisation de la clôture végétalisée du terrain sur lequel la maison a été édifiée, la cour d'appel qui a cependant jugé que son coût devait être pris en charge par le constructeur, au seul motif, inopérant, que le permis de construire avait été accordé sous réserve de prescriptions relatives aux clôtures, et sans constater que cette clôture aurait été indispensable à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
6. Dès lors que, selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction avec fourniture du plan doit comporter l'affirmation de la conformité du projet aux règles du code de l'urbanisme, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l'autorisation de construire doit être intégré dans le prix forfaitaire demandé par le constructeur ou, s'il est laissé à la charge du maître de l'ouvrage, faire l'objet d'un chiffrage de la part du constructeur.
7. Une telle interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par ce texte, dont la finalité est d'informer exactement le maître de l'ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourrait mener à son terme.
8. La cour d'appel a relevé que le plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la signature du contrat de construction, prévoyait, dans la zone d'implantation de la maison, la clôture des terrains par des haies végétales, que les plans de la demande de permis de construire faisaient apparaître la clôture et que le permis de construire était accordé à M. [K] et Mme [P] sous réserve du respect des prescriptions relatives aux clôtures.
9. Ayant constaté que le coût de la clôture, qui devait obligatoirement être édifiée pour respecter les règles locales d'urbanisme et l'autorisation de construire, n'avait pas été inclus dans le prix forfaitaire ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il devait être mis à la charge du constructeur.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 2 585,44 euros TTC au titre des frais exposés en expertise et procès-verbal d'huissier de justice, alors :
« 1°/ qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile sans faute ; qu'en condamnant la société Deloffre à payer des dommages-intérêts aux consorts [K] / [P] au titre de l'expertise amiable de l'expert [C], au seul motif, inopérant, que cette expertise a été utile à la résolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi le fait pour le maître de l'ouvrage de se faire assister lors de la réception du chantier par un huissier de justice constituerait un préjudice en lien de causalité direct et certain avec une faute commise par le constructeur, le coût de son intervention étant dû que des réserves soient ou non formulées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel s'est fondée sur les conclusions de l'expertise non judiciaire et le constat de l'huissier de justice pour condamner le constructeur à indemniser les maîtres de l'ouvrage du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves.
13. Par motifs propres et adoptés, elle a retenu que ces actes avaient été utiles à la résolution du litige et que les frais y afférents avaient été exposés à la suite des nombreuses réserves relevées lors de la réception de l'ouvrage, consécutives au manquement contractuel de la société Deloffre.
14. Ayant retenu que le déroulement des travaux et la gestion du chantier avaient été chaotiques, elle a suffisamment fait ressortir que les frais litigieux, en ce compris les frais de l'intervention d'un huissier de justice lors des opérations de réception, étaient imputables aux fautes du constructeur.
15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros au titre de sa garantie de parfait achèvement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 septembre 2014, alors « que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ; qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne peuvent être accueillies ; qu'en retenant, pour accueillir les demandes indemnitaires des consorts [K] / [P] fondées sur la garantie de parfait achèvement, que l'assignation devant le tribunal de la société Deloffre par leurs soins est intervenue par acte du 30 septembre 2014, soit dans le délai d'un an et qu'il y a donc lieu d'examiner les désordres qu'ils allèguent, tout en constatant que le seul courrier adressé le 28 octobre 2013 par les maîtres de l'ouvrage au constructeur ne concernait pas les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792-6 du code civil :
17. Selon ce texte, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
18. Ainsi, en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer, le maître de l'ouvrage ne peut être indemnisé sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.
19. Pour accueillir les demandes de M. [K] et Mme [P] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, l'arrêt retient que l'assignation délivrée à la société Deloffre, valant mise en demeure, est intervenue dans le délai d'un an courant à compter de la réception de l'ouvrage.
20. En se déterminant ainsi, sans constater que les désordres avaient, préalablement à l'assignation, été notifiés à l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'entrepreneur à indemniser le préjudice moral des maîtres de l'ouvrage, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
22. En effet, la condamnation prononcée au titre du préjudice moral se fonde sur l'existence de multiples désordres.
23. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la garantie de parfait achèvement et au préjudice moral n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Deloffre à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros TTC au titre de la garantie de parfait achèvement et la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [K] et Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois."